Dix motifs d’annulation d’un refus de permis de construire ou d’une déclaration préalable

Les refus de permis de construire ou de déclaration peuvent être illégaux, et donc faire l’objet d’une annulation. Nous examinerons dans cette note dix motifs susceptibles d’entrainer l’annulation d’un refus de permis de construire ou d’une déclaration préalable.

 

Rappelons que le délai de recours, gracieux ou contentieux, contre un refus de permis de construire ou d’une déclaration préalable est de deux mois à compter de la notification du refus. Rappelons également que ce refus peut être contesté aussi bien par le propriétaire du terrain concerné que par la personne qui a déposé la demande de permis de construire ou de déclaration préalable.

Le refus de permis de construire ou de déclaration peut être entaché d’illégalité pour différentes raisons.

Ces motifs d’illégalité peuvent être les suivants.

 

1/ La notification tardive du refus de permis de construire ou de la déclaration préalable

Le refus de permis de construire ou l’opposition à la déclaration préalable doit être notifié au demandeur dans le délai d’instruction.

En principe ce délai est d’un mois pour les déclarations préalables. Quant aux permis de construire, il est en principe de deux (maisons individuelles) ou de trois mois (pour les immeubles d’habitation collective)[1].

À l’expiration de ce délai d’instruction, l’éventuel silence de l’autorité administrative sur la demande de permis de construire ou sur la déclaration préalable doit être considéré comme faisant en principe naître une autorisation tacite[2].

Or, il peut arriver que le refus soit notifié tardivement, ce qui a pour conséquence d’entrainer l’illégalité du refus.

En effet, ce n’est pas la date de signature de l’arrêté de refus qui est pris en compte pour établir la date de notification mais la date à laquelle le courrier de refus a été présenté pour la première fois à l’adresse du demandeur[3].

Ainsi, pour une demande de permis de construire qui a été déposée en mairie un 23 juin, le délai d’instruction a commencé à courir le 24 juin pour expirer le 23 septembre. Par conséquent, un refus de permis de construire, daté certes du 22 septembre, mais notifié le 25 septembre, postérieurement au 24 septembre, date à compter de laquelle le demandeur était devenu titulaire d’un permis de construire tacite, a été considéré comme illégal[4].

 

 

2/ L’exigence illégale ou hors délai de pièces complémentaires

Le délai d’instruction de la demande d’autorisation peut être interrompu si l’autorité administrative informe le demandeur que son dossier est incomplet et l’invite à produire les pièces manquantes.

Cette demande de pièces complémentaire doit toutefois intervenir dans le délai d’un mois, à compter de la réception ou du dépôt du dossier en mairie[5].

Par ailleurs, cette demande ne doit porter que sur l’une des pièces limitativement énumérées par les articles R. 431-1 et suivants code de l’urbanisme.

Dans le cas contraire, à défaut pour l’autorité administrative de statuer dans le délai d’instruction initial, naîtra un permis de construire ou une déclaration tacite, sans que la demande de pièce complémentaire tardive ou illégale puisse y faire obstacle[6].

Ainsi, s’agissant d’une déclaration préalable déposée en mairie un 29 mai pour la construction d’une piscine, il a été jugé que le demandeur était devenu titulaire d’une décision tacite au 30 juin suivant, malgré un courrier de la mairie en date du 22 juin l’invitant à compléter son dossier. En effet, les informations complémentaires demandées (les références cadastrales des autres parcelles susceptibles d’appartenir au demandeur et des précisions sur les constructions existantes à laquelle la piscine serait rattachée) n’étaient pas au nombre des pièces devant être produites pour une déclaration préalable. Dès lors, le juge a considéré que le délai d’instruction n’avait été ni interrompu, ni modifié par cette demande illégale[7].

 

 

3/ La modification non motivée ou hors délai du délai d’instruction

Comme rappelé, le délai d’instruction est d’un mois pour les déclarations préalables. Quant aux permis de construire, il est en principe de deux (maisons individuelles) ou de trois mois (pour les immeubles d’habitation collective).

Ce délai d’instruction peut toutefois être majoré dans les cas prévus aux articles R. 423-34 à R. 423-37-3 du code de l’urbanisme. Il peut en aller ainsi lorsque le projet est soumis à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévues par d’autres textes ou lorsque l’autorité administrative est tenue de consulter une autre autorité (l’architecte des bâtiments de France par exemple).

Cette modification du délai d’instruction doit toutefois intervenir dans le délai d’un mois, à compter de la réception ou du dépôt du dossier en mairie et elle doit être motivée[8].

Dans le cas contraire, à défaut pour l’autorité administrative de statuer dans le délai d’instruction initial, naîtra un permis de construire ou une déclaration tacite, sans que la majoration du délai d’instruction puisse y faire obstacle[9].

 

4/ Le retrait illégal du permis de construire

Même délivré, le permis de construire ou la déclaration préalable peut toutefois être retiré par l’autorité administrative s’il est illégal c’est-à-dire s’il n’aurait pas dû être délivré.  

Par ailleurs, un refus de permis de construire ou de déclaration préalable notifié tardivement est juridiquement considéré comme un retrait[10].

Le retrait est dans les faits assimilé à un refus dès lors que l’autorité administrative revient sur sa décision initiale.

Pour autant, le retrait du permis de construire ou de la déclaration préalable est juridiquement encadré.

D’une part, le retrait ne peut intervenir que dans un délai de trois mois suivant la naissance de l’autorisation en cause[11].

D’autre part, et surtout, avant de retirer le permis de construire ou la déclaration préalable, l’autorité administrative doit informer son bénéficiaire qu’elle compte procéder au retrait de son autorisation et doit, en conséquence, l’inviter à présenter ses observations sur cette mesure qu’elle envisage de prendre.

Ainsi, l’autorité administrative qui procède au retrait d’un permis de construire, sans avoir au préalable invité son bénéficiaire à formuler des observations, entache sa décision d’illégalité. L’illégalité de la décision de retrait entraine en conséquence le rétablissement du permis de construire[12].

 

5/ Le sursis à statuer illégal

Bien que juridiquement ne constituant pas un refus, le sursis à statuer peut être considéré par le demandeur comme un refus de permis de construire dans la mesure où l’autorité administrative refuse de faire droit à sa demande.

Le sursis à statuer est une mesure de sauvegarde. Il consiste pour l’autorité administrative à différer sa réponse à une demande de permis de construire ou à une déclaration préalable, dans l’attente par exemple de l’entrée en vigueur d’un nouveau PLU ou de la réalisation d’une opération d’aménagement.

Les hypothèses dans lesquelles l’autorité administrative peut décider de surseoir à statuer sont énumérées à l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

Le motif le plus souvent invoqué pour opposer un sursis à statuer est lorsque la demande de permis de construire est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un futur plan local d’urbanisme.

C’est, en quelques sortes, lorsque le projet de construction s’écarte de manière trop importante des futures règles du PLU.

Mais si l’écart est faible, le sursis ne peut être opposé pour ce motif.

Ainsi, un sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire qui prévoyait un coefficient de biotope de 63% et un coefficient d’emprise au sol de 28,8 %, alors que le futur PLUi allait exiger respectivement 70% et 20%, a été annulé. Le juge a considéré que ces écarts de faible importance ne justifiaient pas un sursis à statuer, car ils n’étaient pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLUi[13].

 

 

6/ L’absence de motif ou l’invocation d’un motif étranger à la réglementation d’urbanisme

 Le refus de permis de construire ou l’opposition à la déclaration préalable doit être motivé, en fait et en droit.

Ainsi un refus de permis de construire a été déclaré illégal pour défaut de motivation dès lors que le refus ne citait aucun texte législatif ou règlementaire précis fondant le refus[14].

De plus, le refus doit être fondé sur des considérations en lien avec les règles d’urbanisme.

Un permis de construire ou une déclaration préalable ne peut être refusé parce qu’il ne respecterait pas des règles de droit de privé. Ainsi, une autorisation d’urbanisme ne peut être refusée au motif que le projet créera une vue sur une propriété voisine[15]. De même s’agissant de travaux sur une copropriété, l’autorisation ne peut être refusée au motif que le demandeur n’aurait pas obtenu l’accord de la copropriété[16].

 

 

7/ La présence d’une construction existante non conforme

Une construction existante non conforme est une construction qui a été régulièrement édifiée mais n’est plus conforme avec les règles d’urbanisme en vigueur[17] .

Ainsi en est-il d’une construction édifiée sans prévoir de place de stationnement, parce qu’à l’époque où le permis a été délivré, le PLU n’exigeait pas de place de stationnement. Mais cette construction peut devenir non conforme au PLU si celui-ci prévoit désormais que chaque construction doit comporter au moins un emplacement de stationnement.

Dans une telle situation les travaux nouveaux portant sur cette construction existante ne pourront être autorisés que si :

–  ils ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues,

– ou ils ont étrangers aux dispositions réglementaires que méconnait la construction existante,

– ou ils sont autorisés par le règlement du PLU.

Ainsi, dans le cadre d’une construction qui ne respectait plus les prescriptions du PLU imposant un nombre minimal de places de stationnement par logement, la demande de permis de construire pour l’extension de cette construction, sans création d’un nouveau logement, pouvait être autorisé. En effet, ce projet d’extension, qui ne devait pas conduire à la création de nouveau logement, devait être considéré comme étranger aux dispositions règlementaires méconnues[18].

 

8/ La présence d’une construction existante illégale

Lorsqu’une construction a été édifiée sans les autorisations d’urbanisme requises (par exemple sans permis de construire ou sans respecter le permis de construire délivré), l’autorité administrative, saisie d’une demande tendant à ce que soient autorisés des travaux nouveaux portant sur cette construction existante, est tenue d’inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble de la construction[19].

La demande d’autorisation aura ainsi pour objet de régulariser la construction existante et d’autoriser les travaux prévus.

Mais si aucune régularisation n’est possible, parce que les règles d’urbanisme en vigueur ne le permettent pas, les travaux nouveaux ne pourront pas être autorisés, quand bien même ils seraient, pris isolément, conformes aux règles d’urbanisme.

Cette exigence de régularisation des constructions irrégulières est atténuée dans deux cas de figure.

En premier lieu, lorsque les travaux ont pour objet la préservation de la construction existante et le respect des normes[20].

En second lieu, lorsque les travaux portent sur une construction irrégulière achevée depuis plus de dix ans et qui ne nécessitait pas de permis de construire (une simple déclaration préalable par exemple)[21].

Dans ces deux hypothèses, même si la construction existante n’est pas régularisable, les travaux qui répondraient aux conditions précitées pourront être autorisées.

Ainsi, un refus de permis de construire, portant sur la reconstruction du toit terrasse d’un bâtiment construit sans permis de construire et insusceptible de régularisation, a été annulé dès lors que cette reconstruction était rendue nécessaire pour un motif de sécurité et de préservation du bâtiment existant[22].

 

9/ Le refus d’user d’une prescription

Une prescription consiste à conditionner la délivrance du permis de construire ou de la déclaration préalable au respect de certaines obligations, lesquelles doivent porter sur des points précis et limités[23].

Ainsi, une demande d’autorisation ne peut être refusée si l’illégalité justifiant le refus peut être corrigée par la mise en place d’une prescription.

Des prescriptions peuvent être mises en place lorsqu’un projet est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique[24]. Elles peuvent aussi être mises en place lorsqu’un projet est de nature à porter atteinte, par ses caractéristiques et son aspect extérieur, à son environnement naturel ou urbain[25].

Une demande de permis de construire qui avait été refusée au motif que le terrain d’assiette du projet était trop éloigné des poteaux d’incendie existants a été annulé dès lors que l’autorité administrative pouvait assortir le permis de construire sollicité de prescriptions spéciales visant à l’installation d’une réserve d’eau incendie[26].

 

 

10/Le refus d’autoriser une adaptation mineure ou une dérogation

Si l’autorité administrative considère que le projet objet de la demande d’autorisation ne respecte pas le PLU, elle doit, avant d’opposer un refus, vérifier que le projet ne peut pas faire l’objet d’une adaptation mineure[27].

Une adaptation mineure permet de déroger aux règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d’assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l’exige[28].

Un dépassement de 0,85 mètre d’une règle de hauteur maximale fixée à 7 mètres peut en ce sens être autorisé si cela est justifié par la déclivité du terrain servant d’assiette à la construction[29].

Par ailleurs, certaines dispositions autorisent les projets de construction portant sur des logements sociaux à déroger à certaines prescriptions du PLU.  

Dans cette hypothèse le demandeur n’est pas tenu de solliciter lui-même la dérogation, l’autorité administrative peut d’office la lui accorder dès lors que les conditions sont remplies.

Ainsi, un immeuble destiné à la construction de logements sociaux, dans une commune située en zone tendue, peut être autorisé à dépasser les règles de hauteur fixées par le règlement du PLU ou à s’implanter en limite séparative même si le règlement du PLU viendrait prévoir le contraire[30].

 

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[1] Article R.423-23 du code de l’urbanisme

[2] Article R. 424-1 du code de l’urbanisme

[3] CE, 29 janvier 2014, n° 352808

[4] CAA Marseille, 20 octobre 2011, n° 09MA03539

[5] Article R.423-38 du code de l’urbanisme

[6] CE, 9 décembre 2022, n° 454521

[7] CAA Lyon, 1er juin 2023, n° 22LY01204

[8] Article R. 423-42 du code de l’urbanisme

[9] CE, 24 octobre 2023, n° 462511

[10] CE, 30 mai 2007, n° 288519

[11] Article L. 424-5 du code de l’urbanisme

[12] CAA Lyon, 4 juillet 2023, n° 21LY02872

[13] CAA Marseille, 22 juin 2023, n° 22MA01740

[14] CAA Bordeaux, 2 mai 2023, n° 21BX00827

[15] CE, 14 octobre 2011, n° 331846

[16] CE, 23 octobre 2020, n° 425457

[17] CE, 27 mai 1988, n° 79530

[18] CE, 4 avril 2018, n° 407445

[19] CE, 9 juillet 1986, n° 51172

[20] CE, 3 mai 2011, n° 320545

[21] Article L. 421-9 du code de l’urbanisme

[22] CAA Marseille, 25 mars 2022, n° 20MA03120

[23] CE, 13 mars 2015, n° 358677

[24] CE, 26 juin 2019, n° 412429

[25] CAA Versailles, 21 octobre 2022, n° 22VE01189

[26] CAA Marseille, 27 octobre 2022, n° 20MA03836

[27] Article L. 152-3 du code de l’urbanisme

[28] CE, 11 février 2015, n° 367414

[29] CE, 15 novembre 2000, n° 194649

[30] Article L. 152-6 du code de l’urbanisme

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