La destitution du maire

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Les citoyens connaissent les modalités d’élection du maire. Peu d’entre eux savent en revanche comment celui-ci peut être démis de ses fonctions. La présente note est donc consacrée à la destitution du maire.

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Premier magistrat de la commune, le maire est le président du conseil municipal. Il est élu au scrutin secret et à la majorité absolue par ses pairs, les conseillers municipaux.
Toutefois, ne disposant pas d’un pouvoir de « censure », le conseil municipal ne peut pas destituer son maire ; pas plus que ce dernier ne peut dissoudre son conseil municipal.
Une fois élu cependant, des dissensions peuvent très vite apparaître entre le maire et sa majorité. Celles-ci peuvent être liées à des divergences politiques ou à une perte de confiance (en raison par exemple de fautes commises par le maire).
Ainsi, huit mois après les élections municipales de mars 2014, certains maires se trouvent déjà isolés sur l’échiquier politique.
En effet, hormis les situations d’incompatibilité ou d’inéligibilité, le maire ne peut être destitué de ses fonctions que par un décret pris en conseil des ministres. C’est la révocation.
 I – L’impossibilité pour le conseil municipal de destituer le maire
Le conseil municipal ne dispose d’aucun pouvoir lui permettant de destituer son maire. Il peut en revanche provoquer sa démission, en émettant des critiques négatives à son encontre, ou contraindre le gouvernement à organiser de nouvelles élections.
 A – La possibilité pour le conseil municipal de critiquer le maire
 Il existe deux sortes de critique pouvant être adressées au maire.

                         1 – Les critiques indirectes

En premier lieu, le conseil municipal peut émettre des critiques visant indirectement le maire. A cette fin, il peut adopter des délibérations sur les actes de gestion du maire et porter sur eux un jugement de valeur, favorable[1] ou défavorable[2].
Par ailleurs, il peut indiquer dans ses délibérations quelles solutions lui paraissent souhaitables et ordonner des mesures d’instruction sur les moyens d’y parvenir[3].
2 – Les critiques directes

En second lieu, le conseil municipal peut directement s’en prendre au maire, et critiquer sa politique ou son comportement. A cette fin, il peut lui adresser un blâme[4].

Le vote d’un blâme contre un maire est toutefois très rare dans les faits. En effet, bien que ne constituant pas une sanction mais l’expression d’une opinion, le blâme, en tant qu’il vise directement une personne nommément désignée, est un acte grave. Il suppose que les relations entre le maire et son conseil municipal se soient fortement dégradées, et qu’aucune solution n’a été trouvée. 
En votant le blâme, le conseil municipal désavoue son maire. Il lui demande en somme de démissionner. Mais ce dernier n’est pas obligé de démissionner. Dans ce cas, et si le conflit persiste, la seule solution consistera alors à organiser des élections anticipées. Celles-ci peuvent survenir en cas de démission collective des membres du conseil municipal ou après la dissolution du conseil municipal.
 B – La démission collective des membres du conseil municipal et l’organisation de nouvelles élections
Dans les communes de plus 1000 habitants, lorsqu’un conseiller municipal démissionne, il est remplacé par le candidat, appartenant à la même liste que lui, venant après le dernier élu. Néanmoins, lorsque ce système ne peut plus être appliqué et que le conseil municipal compte au moins un tiers de sièges vacants, de nouvelles élections doivent être organisées pour procéder au renouvellement intégral du conseil municipal[5]. Le renouvellement opéré, les nouveaux élus pourront procéder à l’élection d’un nouveau maire. Pour ce faire, il conviendra donc de veiller à ce que, d’une part, un tiers des élus démissionne et, d’autre part, il ne puisse être procédé au remplacement de ce tiers par leurs suivants de liste.
Dans les communes de moins de 1000 habitants, la démission des conseillers municipaux ne peut entraîner que l’organisation d’élections partielles complémentaires[6], sauf si le maire est également démissionnaire. Les élections partielles complémentaires ne portent que sur le renouvellement des sièges vacants, de sorte que le mandat du maire ne saurait être remis en cause. Celui-ci restera ainsi en place, même si tous les conseillers municipaux, excepté lui, ont démissionné et qu’il a été procédé au renouvellement intégral du conseil municipal[7].
C – Le refus de voter les délibérations proposées par le maire : un refus pouvant entraîner la dissolution du conseil municipal
Mesure exceptionnelle et solution de dernier recours[8], l’article L. 2121-6 du CGCT dispose qu’un conseil municipal peut être dissous par décret motivé rendu en conseil des ministres et publié au Journal officiel.
Deux conditions doivent être remplies pour qu’il puisse y avoir dissolution[9] : les dissensions au sein du conseil municipal ont des répercussions sur son fonctionnement et elles revêtent un degré de gravité tel que la gestion de la commune est mise en péril.
Ces deux conditions sont le plus souvent remplies lorsque le conseil municipal refuse de voter le budget de la commune[10].
Dès lors, un conseil municipal qui refuserait de voter systématiquement le budget communal contraindrait le préfet à proposer au ministre de l’intérieur sa dissolution.
La dissolution du conseil municipal entrainera l’organisation de nouvelles élections municipales, et, par suite, l’élection d’un nouveau maire. 
II – La possibilité pour le gouvernement de destituer le maire : la révocation
Aux termes des dispositions de l’article L. 2122-16 du CGCT, le maire, après avoir été entendu ou invité à fournir des explications écrites sur les faits qui lui sont reprochés, peut être révoqué par décret motivé pris en conseil des ministres.
La révocation entraîne immédiatement la perte de la qualité de maire et elle emporte de plein droit l’inéligibilité aux fonctions de maire pendant une durée d’un an. Le maire révoqué ne perd toutefois pas sa qualité de conseiller municipal.
La loi ne précise pas les motifs pouvant justifier la révocation du maire. Il ressort cependant de la jurisprudence que cette mesure, qui est une sanction administrative, ne peut intervenir que pour des faits graves.
Plus précisément, la révocation ne peut être prononcée qu’en cas de faute du maire dans l’exercice de ses fonctions[11] ou lorsque celui-ci est impliqué dans des faits, qui bien qu’étrangers à la nature de ses fonctions, entachent son autorité morale[12].
Exemple de manquements dans l’exercice des fonctions de maire : 
  • Le maire qui a tenu publiquement des propos outranciers au cours de la cérémonie du 11 novembre, compte tenu des circonstances de temps et de lieu[13]
  • Le maire qui a commis des négligences dans la gestion du budget communal et qui a, en outre, refusé de manière répétée de prendre en compte les diverses recommandations émises par la chambre régionale des comptes et le préfet[14] ;
  • Le maire qui a usé de ses fonctions pour falsifier un permis de construire aux fins d’obtenir, au bénéfice de la société civile immobilière dont il était le gérant, une subvention de l’Agence nationale de l’habitat d’un montant supérieur à 245 000 euros [15].
 Exemple de faits étrangers aux fonctions de maire mais inconciliables avec celles-ci : 
  • Le maire qui est condamné à une peine de prison pour attentat à la pudeur sur mineures de moins de quinze ans[16]
  • Le maire qui est mis en examen, lorsque la matérialité des faits n’est pas contestée (aide au séjour irrégulier des étrangers, usage de faux et corruption)[17]
Pour finir, précisons que si les faits reprochés au maire ne sont pas d’une gravité telle qu’ils doivent entraîner sa révocation, mais qui nécessitent cependant d’être sanctionnés, le ministre peut en ce cas décider de le suspendre de ses fonctions pour une durée n’excédant alors pas un mois[18].
 

[1] CE, 12 mai 1944, Lerouxel: Lebon 136.

[2] CE, 29 mars 1933, Bonifacy: Lebon 365.

[3] CE, 25 février 1931, Commune de Sourdeval-la-Barre : Lebon 212.

[4] CE, 29 juillet 1994, Commune de Saint-Mandrier, n°126383.

[5] Article L. 270 du code électoral.

[6] Article L. 258 du code électoral.

[7] Circulaire NOR : INT/A/1405029C du 13 mars 2014.

[8] Réponse à Gérard Darmanin, député, question n°17147, JOAN du 26 mars 2013.

[9] CE, 13 juillet 1968, Sieur Hell et autres : RD publ. 1969.

[10]CE, 19 janvier 1990, Mme Bodin, n°93824 ; CE, 4 juin 2007, Commune du Pêchereau, n°295296 ; CE, 23 mars 2011, Mme Bécevin, n°339145.

[11] CE, 1er février 1967, Cuny, n°65484.

[12] CE, 12 juin 1987, Chalvet, n°78114.

[13] CE, 27 février 1981, Wahnapo, n°14361.

[14] CE, 2 mars 2010, Dalongeville, n°328843.

[15] CE, 26 février 2014, Maire de Saint-Privat, n°372015.

[16] CE, 12 juin 1987, Chalvet, n°78114.

[17] CE 7 novembre 2012, Maire de Kongou, n°348771.

[18] Article L. 2122-16 du CGCT.