La régularisation des permis de construire

Le permis de construire obtenu, le titulaire n’est pas à l’abri de voir son autorisation être contestée dans le cadre d’un recours contentieux. En effet, même s’il est délivré, le permis de construire peut être illégal. Le juge peut ainsi être amené à en prononcer l’annulation. La présente note a pour objet de décrire la procédure à suivre pour régulariser le permis de construire attaqué, lorsque cela est possible.

*

******

Un permis de construire délivré peut être entaché d’illégalité. Le titulaire du permis de construire n’est donc pas à l’abri de voir son autorisation annulée par le juge administratif en cas de recours. Pour autant, le moyen susceptible d’entrainer l’annulation du permis de construire peut ne reposer que sur un vice mineur. Aussi, pour éviter que ce vice ait des conséquences disproportionnées, en entrainant l’annulation du permis de construire, il est possible de régulariser l’illégalité litigieuse grâce à l’obtention d’un permis de construire modificatif.

Le permis de construire modificatif permet d’apporter des modifications au projet tel qu’autorisé par le permis de construire initial. Il ne remplace ce dernier que sur les points qui ont fait l’objet de la modification.

Il permet non seulement de corriger les irrégularités liées au projet lui-même (non-respect d’une limite de hauteur ou d’une limite d’implantation par exemple)[1] qu’à celles liées à des vices de forme (omission d’une signature par exemple) ou de procédure (absence de consultation, lors de l’instruction du dossier, d’un organisme dont la consultation était pourtant obligatoire) attachés à l’autorisation elle-même[2].

Ainsi, les illégalités qui ont été régularisées par le permis de construire modificatif ne pourront plus être de nature à entrainer l’annulation du permis de construire initial. La légalité du permis de construire initial sera en effet appréciée au regard également du permis modificatif. En tout état de cause, si la régularisation est illégale, il appartiendra dans ce cas au requérant d’attaquer cette fois-ci le permis modificatif. Dans le cas contraire, le juge ne pourra pas statuer sur l’illégalité du permis modificatif, et donc sur l’illégalité du permis initial.

Pour schématiser, il existe trois catégories de permis de construire modificatif permettant la régularisation du permis de construire initial. Ces trois catégories sont soumises pour partie à des règles communes.

 

I – Les règles communes à tous les permis de construire modificatifs

Le permis de construire modificatif ne doit pas conduire à remettre en cause la conception générale du projet telle qu’autorisée par le permis de construire initial. En d’autres termes, les modifications, rapportées à l’importance globale du projet, doivent être limitées. Dans le cas contraire, elles ne pourraient être mises en œuvre que dans le cadre d’un nouveau permis de construire[3].

L’appréciation du critère relatif à la conception générale du projet se fait donc au cas par cas, compte tenu de la nature et de l’ampleur des modifications apportées au projet initial. Ainsi, la seule circonstance que les modifications portent sur des éléments tels que l’implantation, les dimensions ou l’apparence du projet ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elles fassent l’objet d’un permis de construire modificatif[4].

A titre d’exemple, il a été considéré que ne pouvait faire l’objet d’un permis de construire modificatif :

  • Une modification portant de 50 à 71 le nombre de logements à édifier et augmentant concomitant la surface hors œuvre nette du projet de construction de 2 065 m²[5].
  • Le déplacement d’un projet de construction sur plus de quinze mètres[6].

À l’inverse, un permis de construire modificatif a été jugé suffisant pour :

  • Porter la surface de plancher d’une maison d’habitation de 96,57 m² à 106,41 m² et modifier son implantation de 2,50 mètres, dès lors que ces transformations rapportées à l’importance globale du projet autorisé n’en altèrent pas la conception générale[7];

  • La suppression des aménagements extérieurs (la suppression des panneaux solaires sur la toiture-terrasse, la suppression de la toiture-terrasse végétalisée, la suppression de la clôture végétale tressée à l’avant de la maison, etc)[8].

Du reste, même si les travaux modificatifs relèveraient en principe du régime de la déclaration préalable, ils ne pourront néanmoins être autorisés que dans le cadre d’un permis de construire modificatif dès lors que l’obtention d’un tel permis est encore possible.

 

II – Le permis de construire modificatif sur décision de son titulaire

Lorsque son permis de construire est attaqué en justice, le titulaire peut de lui-même, s’il estime son permis entaché d’illégalité, procéder à sa régularisation en déposant une demande de permis modificatif. L’obtention du permis modificatif permettra de purger le permis initial de ses irrégularités et d’éviter ainsi son annulation par le juge.

Toutefois, un permis de construire modificatif ne peut en principe être délivré que si les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés[9].

Par conséquent, dans l’hypothèse où les travaux seraient achevés, le permis de construire initial ne saurait être régularisable, faute de pouvoir bénéficier des effets du permis modificatif. Pour autant, si le juge décide de surseoir à statuer sur le recours formé contre le permis de construire, pour inviter le titulaire du permis de construire à régulariser son autorisation, il sera possible dans ce cas, et dans ce cas seulement, d’obtenir un permis modificatif (Voir IV – Le permis de construire modificatif à la suite d’un sursis à statuer).  

 

III – Le permis de construire modificatif à la suite d’une annulation partielle du permis de construire

Lorsque le permis de construire est entaché d’illégalité, et que son bénéficiaire n’a pas procédé à sa régularisation, le juge a toujours la possibilité de ne prononcer que l’annulation partielle de celui-ci[10].

L’annulation partielle n’affecte pas le permis de construire dans son entier. C’est n’est qu’une partie de celui-ci qui est annulée. Les droits dont bénéficie le titulaire au titre de la partie non annulée de son permis ne sont ainsi pas remis en cause.

Le projet objet du permis de construire n’est donc pas fondamentalement remis en cause. Le titulaire du permis de construire est toujours en droit de réaliser son projet de construction. Seulement, pour réaliser son projet, il devra au préalable corriger l’irrégularité qui a entrainé l’annulation partielle de son permis de construire. Pour ce faire, il devra obtenir un permis de construire modificatif[11].

L’annulation partielle d’un permis de construire n’est possible que sous deux conditions.

En premier lieu, le vice constaté ne doit affecter qu’une partie précise du projet de construction, même si celle-ci n’est matériellement pas détachable du reste de ce projet[12].

A titre d’exemple, constitue un vice non détachable du projet de construction mais qui n’affecte qu’une partie de celui-ci :

  • La méconnaissance des règles de stationnement[13];
  • La méconnaissance des règles liées aux espaces verts[14];
  • La méconnaissance de la distance minimale d’implantation par rapport aux limites séparatives[15].

En revanche, si le vice affecte le projet dans son ensemble, aucune régularisation ne peut avoir lieu. A titre d’exemple, constitue un vice affectant le projet dans son ensemble :

  • Le caractère inconstructible du terrain d’assiette du projet, au regard par exemple des dispositions de la loi Littoral (terrain situé dans une zone d’urbanisation diffuse[16]) ;
  • Le caractère insuffisant et éloigné des points d’eau existants pour assurer la défense incendie du projet[17];

En deuxième lieu, le vice qui entache le permis de construire d’illégalité doit être susceptible d’être régularisé par un permis modificatif[18]. Dans le cas contraire, le juge ne pourra pas prononcer l’annulation partielle du permis de construire. Le permis de construire ne pourra qu’être annulé dans son intégralité.

On précisera à cet égard qu’un permis de construire modificatif ne peut être délivré que si les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés[19]. De plus, et comme il a déjà été dit, les modifications apportées au projet initial pour remédier à l’illégalité ne doivent pas être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale[20].

 

IV – Le permis de construire modificatif à la suite d’un sursis à statuer

Outre la possibilité de n’annuler que partiellement le permis de construire, le juge peut également suspendre sa décision pour inviter le titulaire du permis de construire à régulariser son autorisation dans un certain délai[21].

Partant, si dans le délai qui lui est imparti le titulaire régularise son permis de construire, le juge constatera que ce permis est purgé de l’illégalité qui l’affectait et rejettera en conséquence la demande d’annulation de celui-ci.

A l’instar de la procédure prévue pour l’annulation partielle, le juge ne peut surseoir à statuer que si le vice affectant d’illégalité le permis de construire est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif[22].

Il existe cependant trois différences dans le cadre de la procédure du sursis à statuer sur la demande d’annulation du permis de construire :

1) Le juge ne prononce pas l’annulation partielle du permis de construire. Avant de statuer sur le litige, et donc avant éventuellement de prononcer l’annulation du permis de construire, il invite son bénéficiaire à le régulariser.

2) La régularisation du permis de construire par un permis modificatif peut aussi bien porter sur un vice n’affectant qu’une partie du projet objet du permis de construire, comme dans le cas des annulations partielles, que sur un vice affectant l’ensemble du projet ;

3) Le permis de construire modificatif peut être obtenu quand bien même la construction serait achevée[23].

Ainsi, la procédure du sursis à statuer permet de sauver tout permis de construire qui serait illégal, dès lors que la régularisation est envisageable au travers l’obtention d’un permis modificatif.

***********************************

[1] CE, 9 déc. 1994, n° 116447

[2] CE, 2 févr. 2004, n° 238315

[3] CE, 26 juill. 1982, n° 23604, Le Roy

[4] CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Commune de Toulouse

[5] CE, 3 oct. 2003, n° 232564, Cne Roquebrune-Cap Martin

[6] CE, 8 nov. 1985, n° 45417, Cavel

[7] CAA Bordeaux, 27 avril 2017, n° 15BX01472

[8] CAA Nantes, 29 septembre 2017, n° 16NT00638

[9] CE, 23 sept. 1988, n° 72387, Sté Les Maisons Goéland et CE, 12 nov. 2012, n° 351377, Société Caro Beach Village

[10] Article L. 600-5 du code de l’urbanisme

[11] Article L. 600-5 du code de l’urbanisme

[12] CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Commune de Toulouse

[13] CE, 23 févr. 2011, n° 325179, SNC Hôtel de la Bretonnerie

[14] CAA Versailles, 21 avril 2016, n° 14VE00071

[15] CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Commune de Toulouse

[16] CAA Douai, 28 septembre 2017, n° 15DA01909.   

[17] CAA Douai, 4 mai 2016, n° 15DA00915

[18] Article L. 600-5 du code de l’urbanisme

[19] CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Commune de Toulouse

[20] CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Commune de Toulouse

[21] Article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

[22] Article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

[23] CE, 22 févr. 2017, n° 392998, Mme Bonhomme