Permis de construire et changement de destination

Permis de construire et changement de destination.

Toute demande de permis de construire doit préciser la destination de la construction en projet. Mais qu’est qu’une destination et qu’implique-t-elle ? C’est l’objet de la présente étude.

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La demande de permis de construire doit préciser l’usage auquel le projet de construction sera affecté. C’est sa destination.

Mais qu’en est-il une fois la construction achevée, la destination initiale peut-elle être modifiée et, dans la positive, comment cette destination peut-elle l’être ?

Juridiquement, ces questions peuvent poser de réelles difficultés, notamment lorsque le changement de destination n’est que partielle ou lorsque la construction existante ne dispose pas d’une destination juridique.

Nous tenterons ainsi de répondre aux principales interrogations soulevées en matière de changement de destination dans le cadre de la présente note.

 

1/ Qu’est-ce qu’une destination en droit de l’urbanisme ?

La destination est une notion propre au droit de l’urbanisme. Elle ne doit pas être confondue à la notion d’usage qui a un sens différent, et qui se rapporte au droit de la construction.

La notion de destination :

Le droit de l’urbanisme règlemente l’utilisation des constructions ainsi que leurs fonctions.

Ainsi, lorsqu’une demande de permis de construire (ou une déclaration préalable) est déposée pour la construction d’un bâtiment, cette demande doit également préciser à quoi sera destiné ce bâtiment.

Autrement dit, la destination d’un bâtiment correspond à l’affectation qui est donnée en urbanisme à celui-ci.

Il existe cinq catégories de destination[1] et vingt-trois sous-destination.

Les cinq catégories de destination sont les suivantes :

  • Exploitation agricole et forestière
  • Habitation
  • Commerce et activités de service
  • Équipements d’intérêt collectif et services publics
  • Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire

Ainsi, pour pouvoir être autorisé un projet de construction, en plus de respecter les règles générales d’utilisation des sols, comme celles relatives à la hauteur ou aux distances de retrait, doit disposer d’une destination conforme à ce qui est autorisée dans sa zone d’implantation.

A titre d’exemple, en zone agricole, seuls des bâtiments agricoles peuvent en principe être édifiées. Des bâtiments à destination d’habitation ne peuvent pas être autorisés.

 

La notion d’usage :

La notion d’usage est différente de la notion de destination.

L’usage d’une construction correspond à l’affectation qui est donnée à une construction dans les faits, c’est-à-dire abstraction faite de ce pourquoi l’utilisation de la construction a été autorisé. En d’autres termes, l’usage est une destination de fait et non pas une destination de droit.

Bien souvent, l’usage d’un bâtiment est conforme à sa destination.

Mais il peut s’en écarter.

Un bâtiment agricole, telle une grange, peut être transformée en habitation.

Un tel changement d’usage est en principe illégal.

Enfin, abstraction faite d’un changement de destination, le droit de la construction dispose (et non de l’urbanisme) dispose que dans certaines communes, le changement d’usage des locaux destinés à de l’habitation est soumis à une autorisation préalable.

Cela peut être le cas lorsqu’une personne souhaite affecter une partie de son logement à une activité professionnelle, même si cette affectation ne nécessite pas un changement de destination.

Le changement d’usage est également soumis à une autorisation lorsqu’il est prévu de transformer un logement en meublé de tourisme (une location de type Airbnb)[2].

L’objectif est de lutter contre la pénurie de logements. Dans ces communes, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 (cet usage peut néanmoins être différent de la destination juridique du local). Le changement d’usage ne pourra être autorisé que sous certaines conditions, liées à la disponibilité en logement de la commune.

 

2/ À quel moment y a-t-il un changement de destination d’une construction existante ?

En principe il y a un changement de destination d’une construction lorsque l’usage de cette construction est modifié.

Mais ce principe comporte notamment deux exceptions.

En premier lieu, le changement d’usage n’est pas considéré comme un changement de destination (et ne nécessite donc pas d’autorisation) si la destination principale de la construction existante n’est pas modifiée.

En effet, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal.

Ainsi, la transformation d’un bâtiment à usage de garage en pièce d’habitation n’est pas considérée comme un changement de destination si ce bâtiment est l’accessoire d’une habitation (construction principale).

Toutefois, un local accessoire ne peut plus être considéré comme l’accessoire d’une construction principale s’il ne se situe plus sur la même unité foncière. Dans cette hypothèse, la destination du local accessoire sera déterminée par rapport à sa destination d’origine, celle figurant dans son permis de construire. Ainsi un local édifié initialement pour être le dépôt d’une entreprise mais qui a ensuite été rattachée à une habitation ne peut plus être considéré comme l’accessoire de cette habitation dès lors qu’il ne se situe plus sur la même propriété que cette habitation. Le local retrouve en ce cas sa destination d’origine, qui est commerciale[3].

Enfin, pour être qualifié d’accessoire, le local doit présenter des dimensions inférieures au local principal. Le juge a ainsi refusé de qualifier une bergerie d’accessoire à une maison d’habitation, à laquelle elle était pourtant accolée, dès lors qu’elle présentait une surface de plancher de 64 m² quant celle de la maison d’habitation présentait une surface 60m²[4].

En deuxième lieu, les changements entre sous-destinations d’une même destination ne sont pas considérés comme étant des changements de destination. La transformation d’un local commercial en hébergement hôtelier n’est pas considérée comme un changement de destination. Cette transformation n’implique en effet qu’un changement de sous-destination au sein de la même destination (commerce et activités de service)[5]. Un tel changement ne nécessite donc pas d’autorisation d’urbanisme.

En revanche, la transformation d’un local commercial en « dark store » constitue un changement de destination. Les dark stores sont en effet considérés comme des entrepôts[6].

 

3/Changement de destination : permis de construire ou déclaration préalable ?

Le changement de destination d’une construction existante est soumis à une autorisation d’urbanisme. Cette autorisation peut nécessiter selon les cas soit une déclaration préalable soit un permis de construire[7].

Le changement de destination ou même de sous-destination accompagné de certains travaux, comme ceux modifiant les structures porteuses ou la façade de la construction existante, doit être précédé d’un permis de construire[8].

En revanche, le changement de destination simple, c’est-à-dire sans travaux, doit en principe être précédé d’une déclaration préalable.

Le changement de sous-destination simple, c’est-à-dire sans travaux, ne nécessite pas d’autorisation.

 

4/ Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’une autorisation de changement de destination ?

Comme exposé, le changement de destination est soumis à une autorisation d’urbanisme, qui peut selon les cas être une déclaration préalable ou un permis de construire.

Cette autorisation ne pourra être délivrée que si la demande de changement de destination respecte les règles d’urbanisme en vigueur, et notamment celles figurant dans le PLU. La destination du bâtiment doit en effet être conforme au règlement du PLU applicable.

Il en va de même en matière de sous-destination. Même si un tel changement n’est pas soumis à une autorisation, il conviendra néanmoins de veiller à ce que cela soit possible.

Le PLU peut en effet aussi règlementer les sous-destinations[9]. Il peut ainsi dans un secteur donné n’autoriser que la seule construction d’hôtel et interdire en parallèle le changement de destination, et même de sous-destination, des hôtels existants[10].

Le règlement du PLU peut par ailleurs prévoir des règles différentes suivant l’usage du bâtiment en question. Ainsi en transformant un logement en coliving, le juge a considéré que chaque chambre devait être regardées comme constituant autant de logements, ce qui impliquait notamment de respecter les règles applicables en matière de stationnement, à savoir une place par logement[11].

Enfin, si la transformation d’un local commercial en meublé de tourisme (location de type airbnb) ne nécessite pas d’autorisation d’urbanisme, une telle transformation peut néanmoins être soumise à une autorisation dans certaines communes[12]. La transformation ne pourra être autorisée que sous certaines conditions garantissant l’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services (il s’agit d’éviter la disparition des commerces ou des habitations au profit uniquement des meublés de tourisme).

 

5/Quelles sont les sanctions encourues en cas de changement de destination sans autorisation ?

Rappelons que même si le changement de destination ou d’usage n’est pas soumis à une autorisation, l’auteur de la transformation devra veiller à ce que son projet respecte les règles d’urbanisme applicables, et notamment les règles figurant dans le PLU (souvent les constructions annexes ne sont pas soumises aux mêmes règles que les constructions principales, en matière par exemple de distance d’implantation, de hauteur, d’emprise).

S’agissant par exemple des garages annexes des habitations, même si leur transformation en pièce d’habitation ne nécessiterait pas d’autorisation, il faudra pour autant veiller à ce que cette transformation soit conforme avec les règles figurant dans le règlement du PLU.

Les sanctions peuvent être principalement de deux ordres.

En premier lieu, l’autorité administrative peut mettre en demeure l’auteur de l’infraction de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de sa construction dans un délai qu’elle détermine. Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte d’un montant maximal de 500 € par jour de retard[13].

En second lieu, l’auteur des faits peut être condamné à une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros[14].

Ajoutons que pour les locaux qui seraient transformés sans autorisation en meublé de tourisme, l’auteur des faits peut également être condamné à une amende civile pouvant aller jusqu’à 50 000 euros[15]

 

6/  Comment déterminer la destination d’une construction ancienne ?

La destination d’une construction, et donc son usage, est celle qui figure dans le permis de construire.

Elle ne se perd pas en raison de l’inoccupation de la construction en cause[16] ou en raison d’un usage autre que ce pourquoi la construction a été édifiée[17].

En effet, seule une autorisation d’urbanisme peut permettre le changement de destination d’une construction.

Ajoutons également que le changement de destination permis par l’autorisation d’urbanisme doit intervenir dans un délai de trois ans suivant l’obtention de l’autorisation en cause. Passé ce délai, si l’opération de changement de destination n’a pas eu lieu, l’autorisation deviendra alors caduque[18].

Ainsi, une autorisation pour un changement de destination d’un bâtiment agricole (une grange) en habitation a été considérée comme caduque faute d’avoir été mise en œuvre dans le délai de trois ans. Dans cette affaire, le bâtiment en cause n’avait pas, au regard de ses caractéristiques, était affecté à de l’habitation. De sorte que le changement de destination n’avait pas été effectivement opéré[19].

Mais pour les constructions réalisées à une époque où aucun permis de construire n’était requis, la destination de la construction existante peut être difficile à déterminer.

Deux hypothèses peuvent alors se présenter[20].

En premier lieu, l’usage initial de la construction a perduré, il n’a pas cessé. Dans cette hypothèse, la destination est celle résultant de cet usage.

En deuxième lieu, l’usage initial de la construction a depuis longtemps cessé en raison de son abandon. Dans cette hypothèse, la construction existante doit être considérée comme ne disposant pas d’une destination.

Ainsi, une construction qui bien qu’initialement utilisée comme bergerie ne peut plus être considérée comme ayant une destination agricole si son usage agricole a cessé depuis longtemps (des décennies dans l’affaire en question). Cette construction doit être considérée comme dépourvue de destination.

Dans une telle hypothèse, c’est-à-dire lorsque la construction existante est dépourvue de destination, l’autorité administrative, saisie d’une demande de permis de construire, doit vérifier que compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels le permis est demandé, celle-ci peut être légalement accordée.

 

7/ Comment s’opère le changement de destination d’une construction existante irrégulière ?

Une construction existante peut être considérée comme irrégulière si elle a été réalisée ou transformée sans autorisation. Il en va de même lorsque cette construction a fait l’objet d’un changement de destination sans autorisation.

Dans une telle situation, toute nouvelle demande de permis de construire ou de déclaration préalable ne pourra être autorisée que si également il est demandé la régularisation des travaux ou changements de destination réalisés sans autorisation[21].

Ainsi, des travaux nouveaux envisagés sur une construction existante dont la destination a été modifiée sans autorisation ne peuvent être entrepris que si ce changement de destination est au préalable régularisé[22].

Dans le même sens, un changement de destination envisagé sur une construction existante qui aurait fait l’objet de travaux sans autorisation n’est possible que si ces travaux sont régularisés au préalable.

[1] Article R. 151-27 du code de l’urbanisme

[2] Article L.631-7 du code de la construction

[3] CAA Versailles, 1er juin 2023, n° 21VE01912

[4] CAA Nancy, 8 octobre 2015, n° 14NC02316

[5] CAA Paris, 17 mai 2023, n° 22PA03709

[6] CE, 23 mas 2023, n° 468360

[7] Articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme

[8] CAA Paris, 10 mai 2023, n° 22PA02683

[9] CAA Paris, 10 mai 2023, n° 22PA02683

[10] CAA Paris, 13 avril 2023, n° 22PA01841

[11] CAA Bordeaux, 6 juillet 2023, n° 22BX01135

[12] Article L.324-1-1 du code du tourisme

[13] Article L. 481-1 du code de l’urbanisme

[14] Article L. 480-4 du code de l’urbanisme

[15] Article L. 651-2 du CCH

[16] CE, 9 décembre 2011, n° 335707

[17] CE, 12 mars 2012, n° 336263

[18] Article R. 424-18 du code de l’urbanisme

[19] CAA Marseille, 2 février 2023, n° 20MA03470

[20] CE, 28 décembre 2018, n° 408743

[21] CE, 9 juillet 1986, n° 51172

[22] CE, 16 mars 2015, n° 369553