Permis de construire et sursis à statuer

Lorsqu’on dépose une demande un permis de construire, il est possible de se voir opposer par l’administration un sursis à statuer. Mais qu’est qu’un sursis à statuer et qu’implique-t-il ? C’est l’objet de la présente étude.

Le sursis à statuer ne signifie pas que la demande de permis de construire est rejetée ou, même, qu’elle est acceptée. Il signifie simplement que l’administration a décidé de différer sa réponse.

Il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles l’autorité administrative est en droit d’opposer un sursis à statuer.

L’objet de la présente note sera d’étudier les conditions permettant d’opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire (mais aussi à une déclaration préalable, un permis d’aménager ou de démolir).

 

Qu’est ce qu’un sursis à statuer ?

Le sursis à statuer est une mesure de sauvegarde. Il consiste pour l’autorité administrative à différer sa réponse à une demande de permis de construire, dans l’attente par exemple de l’entrée en vigueur d’un nouveau PLU ou de la réalisation d’une opération d’aménagement[1].

Le sursis à statuer ne signifie pas à proprement parler que la demande de permis de construire est rejetée. D’ailleurs, on ne peut pas rejeter une demande de permis de construire au motif qu’un sursis à statuer pourrait être prononcé[2].

Le sursis à statuer signifie simplement que la demande de permis de construire sera examinée à une date ultérieure, même si effectivement à cette date ultérieure il se peut que la demande soit rejetée.

Les hypothèses dans lesquelles l’autorité administrative peut décider de surseoir à statuer sont énumérées à l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

C’est notamment le cas lorsque la demande de permis de construire serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un futur plan local d’urbanisme ou la réalisation d’une opération d’aménagement.

 

Quelles sont les conditions de mise en œuvre du sursis à statuer ?

La décision du sursis à statuer est prise par l’autorité chargée de délivrer le permis de construire. Il s’agira donc bien souvent du maire de la commune où se situe le terrain objet du permis de construire. Cette décision doit prendre la forme d’un arrêté et doit être motivé[3].

Les conditions dans lesquelles il est possible de mettre en œuvre le sursis à statuer dépendent du motif invoqué.

Nous aborderons le motif le plus souvent invoqué pour opposer le sursis à statuer : lorsque la demande de permis de construire est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un futur plan local d’urbanisme.

Précisons au préalable que, dans cette hypothèse, le sursis ne peut être prononcé que pour les PLU en cours de révision ou d’élaboration. Il ne peut l’être lorsque le PLU serait simplement en cours de modification.

De plus, le sursis ne peut intervenir que si le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement, relatif à la révision ou à l’élaboration du PLU, a eu lieu.

Surtout, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si la demande de permis de construire serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un futur PLU.

A titre d’exemple, a été considéré comme de nature à compromettre l’exécution d’un futur PLU, une demande de permis de construire sur un terrain dont le futur PLU envisageait le classement en zone naturel excluant tout projet de construction[4].

Dans le même sens, a été considéré comme de nature à rendre plus onéreuse l’exécution d’un futur plan d’urbanisme, une demande de permis de construire sur un terrain situé sur l’emplacement de la future zone d’aménagement concerté, réservée à la circulation, dès lors que l’édification à cet emplacement aurait par la suite nécessité la démolition de la construction pour l’exécution du futur plan.[5]

Enfin, précisons que le maire a la possibilité de ne pas surseoir à statuer sur une demande de permis de construire, même si la révision du PLU prévoit d’interdire les travaux projetés, si ces derniers sont de faible ampleur[6].

Le juge vérifie en tout état de cause que l’autorité administrative ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation.

Ainsi, a été annulée la décision du maire qui avait prononcé le sursis à statuer pour une demande de  permis de construire dont il était prévu que le projet s’implante, comme tous les immeubles existants, à l’alignement de la voie publique alors que le projet de révision du PLU prévoyait une implantation en retrait de l’alignement[7]. La modification a en somme été considérée comme n’étant pas très importante de sorte que le maire n’avait pas à opposer un sursis à statuer.

A l’inverse, commet une erreur manifeste d’appréciation, le maire qui ne prononce pas le sursis à statuer pour un projet d’immeuble en R+3 et de 11 mètres de hauteur alors que le projet de révision du PLU prévoit de n’autoriser que des immeubles en R+2 et de 8,5 mètres maximum de hauteur sur la zone d’implantation du projet [8].

 

Quelle est la durée d’un sursis à statuer ?

Le sursis à statuer ne peut excéder deux ans[9].

Toutefois, à l’expiration de ce délai, l’autorité administrative peut opposer à une même demande d’autorisation un nouveau sursis, si des motifs différents rendent possible l’intervention d’une décision de sursis à statuer. Dans cette hypothèse, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans.

 

Que se passe-t-il à l’issue du délai du sursis à statuer ?

A l’expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l’intéressé de sa demande, être prise par l’autorité compétente chargée de la délivrance de l’autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation[10].

Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l’expiration du délai de validité du sursis à statuer.

Une décision définitive doit alors être prise par l’autorité compétente pour la délivrance de l’autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation.

A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l’autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée.

 

Peut-on demander à l’administration de procéder à l’acquisition de son terrain en cas de sursis ?

Lorsqu’une décision de sursis à statuer est intervenue, le propriétaire du terrain peut mettre en demeure l’autorité qui a pris l’initiative du projet de procéder à l’acquisition de son terrain[11].

 

Que se passe-t-il si le nouveau PLU est adopté avant l’expiration du délai du sursis à statuer ?

La décision de sursis à statuer liée à l’élaboration ou à la révision du PLU cesse de produire ses effets, quelle que soit la durée du sursis, à la date où le PLU dont l’élaboration ou la révision l’avait justifiée est adopté.

L’instruction de la demande de permis de construire se fera, en d’autres termes, au regard des nouvelles règles contenues dans le nouveau PLU adopté.

Lorsque le sursis aura cessé, le demandeur devra confirmer sa demande de permis de construire auprès de l’autorité administrative en charge de son dossier. Il disposera à cet égard d’un délai de deux mois qui courra, en principe, à compter de la date de l’adoption du PLU[12]. En l’absence de confirmation, il est censé avoir renoncé à sa demande de permis de construire.

Une décision définitive doit alors être prise par l’autorité compétente pour la délivrance de l’autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l’autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée.

 

Comment contester un sursis à statuer ?

Il est possible de contester l’arrêté opposant un sursis à statuer une demande de permis de construire en formant un recours en annulation devant le tribunal administratif territorialement compétent. Ce recours doit être en principe formé dans les deux mois suivants la notification du sursis à statuer.

De plus, il est possible d’engager la responsabilité de l’autorité administrative et d’obtenir une indemnisation pour le préjudice subi dans l’hypothèse où le sursis à statuer, illégalement opposé à la demande de permis de construire, aurait causé un préjudice au demandeur[13].

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[1] Article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

[2] CAA Marseille, 21 février 2007, n° 05MA00617.

[3] Article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

[4] CAA Bordeaux, 29 août 2019, n° 17BX02588.

[5] CE, 13 avril 2005, n° 259805.

[6] CE, 21 mai 2008, n° 284801.

[7] CAA Versailles, 10 avril 2019, n° 17VE02313.

[8] CAA Bordeaux, 30 novembre 2018, n° 16BX01127.

[9] Article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

[10] Article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

[11] Article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

[12] CE, 11 février 2015, n° 361433.

[13] CAA Lyon, 4 décembre 2012, n° 12LY01445.