Comment contester un plan local d’urbanisme ?

Les recours contre les plans locaux d’urbanisme (PLU) font l’objet d’un abondant contentieux. La présente note a pour objet d’expliquer comment on peut contester un plan local d’urbanisme.

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Le plan local d’urbanisme (PLU) est le document qui précise les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune ou d’une intercommunalité (on parle alors de plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI)).

Le plan local d’urbanisme comprend cinq éléments : un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durable (PADD), des orientations d’aménagement et de programmation (OAP), un règlement et des annexes. Chacun d’entre eux peut s’accompagner de documents graphiques[1].

C’est principalement ce document, le PLU, qui délimite les zones urbaines, à urbaniser, naturelles ou agricoles et forestières à protéger au sein d’une commune. Et c’est ce document qui fixe pour l’essentiel les règles générales de constructibilité et d’usage des sols (destinations, aspect extérieur, hauteur, volume et dimensions des constructions, etc.).

C’est ainsi à partir du PLU que seront notamment instruits les demandes d’autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable par exemple).

Ainsi s’il est possible de construire un immeuble d’habitation de grande hauteur, et s’il est possible de le construire à tel endroit, au sein d’une commune, c’est bien souvent parce que le PLU le permet.

C’est dire l’importance que revêt le PLU dans la conception et l’aménagement de la ville de demain.

Les administrés reprochent souvent à leur maire d’accorder tel permis de construire qui viendrait défigurer l’image de leur quartier ou de ne pas leur accorder tel permis de construire pour un projet pourtant identique à une construction existante située dans le voisinage. Mais le maire est tenu de respecter les règles d’urbanisme applicables sur son territoire. Il est ainsi tenu de délivrer l’autorisation sollicitée si le PLU le permet et à l’inverse de la refuser si le PLU ne le permet pas.

Eu égard aux enjeux que représente le PLU, l’objet de cette note sera d’expliquer comment former un recours contentieux contre un PLU. Il s’agira ainsi de présenter les conditions de recevabilité du recours (1) et les moyens susceptibles d’entrainer l’annulation du PLU (2).

 

1. La recevabilité du recours

Le contentieux des plans locaux d’urbanisme relève de la compétence des juridictions administratives. Les règles de procédure suivent donc celles applicables au contentieux administratif bien qu’il existe certaines particularités.

Toute personne qui souhaite contester un plan local d’urbanisme (1.1) doit ainsi disposer d’un intérêt à agir (1.2) et présenter sa requête au tribunal administratif dans un délai limité (1.3). Le recours à un avocat n’est pas obligatoire (1.4).

 

1.1. Quel acte attaquer ?

Par principe lorsqu’un requérant souhaite contester un plan local d’urbanisme (élaboré, révisé, modifié, etc.) il doit attaquer la délibération du conseil municipal (ou du conseil communautaire) approuvant le PLU (élaboré, révisé, modifié, etc.).

Les autres actes liés à l’approbation du nouveau PLU (les différents avis par exemple) pourront faire l’objet d’une contestation, le cas échéant, dans le cadre du recours formé contre la délibération approuvant le PLU.

 

 

1.2. L’intérêt à agir

Un plan local d’urbanisme peut être contesté notamment par :

  • Tous les habitants de la commune concernée[2];
  • Une commune voisine[3];
  • Une association si son objet social est urbanistique ou environnemental. De plus, pour celle qui ne serait pas agréée au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, son champ d’action géographique doit être précis et limité[4].

 

1.3. Les délais

Le délai de recours contre la délibération approuvant le PLU est de deux mois[5]. Ce délai commence à courir à partir du premier jour de l’affichage en mairie de la délibération[6].

Si ce délai a expiré, le requérant aura toujours la possibilité, sans condition de délai, de demander au maire d’inviter le conseil municipal à procéder à l’abrogation du PLU[7]. Si le maire refuse de faire droit à cette demande, le requérant devra alors saisir le tribunal administratif aux fins d’obtenir l’annulation de ce refus et aux fins d’enjoindre au maire de saisir le conseil municipal[8].

L’abrogation n’entrainera la disparition du PLU concerné que pour l’avenir. Sa disparition ne sera pas rétroactive comme dans le cadre du recours formé contre la délibération approuvant le PLU.

 

1.4. Le ministère d’avocat

Si le recours à un avocat est facultatif dans le cadre d’un recours devant le tribunal administratif, les conseils du professionnel peuvent néanmoins être efficaces pour contester valablement le PLU.

 

2. Les moyens invocables

Il existe de nombreux moyens de légalité externe ou interne invocables à l’encontre d’une délibération approuvant un PLU. Nous n’en présenterons que certains.

 

2.1. Les moyens de légalité externe

 

2.1.1. L’incompétence

L’incompétence de l’auteur de l’acte correspond à la situation dans laquelle une autorité administrative adopte un acte insusceptible de se rattacher à son pouvoir. Ce motif entache d’illégalité l’acte adopté.

L’autorité compétente pour l’élaboration ou la révision du PLU est la commune. Il revient ainsi au conseil municipal de prescrire l’élaboration ou la révision du PLU[9].

En revanche, la procédure de modification du PLU est engagée à l’initiative du maire[10].

 

2.1.2. Le vice de forme

Il y a vice de forme lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté dans les formes requises.

Ainsi, s’agissant d’une procédure d’élaboration ou de révision, le projet de délibération doit comporter un rapport de présentation dont le contenu doit répondre à certaines exigences. Si ce rapport présente un contenu insuffisant[11] ou si les choix d’aménagement sont insuffisamment motivés[12] alors la délibération approuvant l’élaboration ou la révision du PLU peut être entachée d’illégalité.

 

2.1.3. Le vice de procédure

Il y a vice de procédure lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté selon la procédure prescrite.

 

2.1.3.1. Le défaut d’information des conseillers municipaux

Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal[13].

Une délibération peut ainsi être annulée si elle ne comporte pas une information suffisante sur le sens et la portée des dispositions du plan local d’urbanisme soumises à l’approbation des conseillers municipaux[14].

 

2.1.3.2. Les irrégularités liées à la prescription de l’élaboration du plan local d’urbanisme

Lorsqu’elle prescrit l’élaboration ou la révision du PLU, la commune doit préciser les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation[15].

En d’autres termes, la délibération du conseil municipal doit porter, d’une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser son PLU et, d’autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées[16].

A titre d’exemple, une délibération, prescrivant la révision d’un plan d’occupation des sols en PLU, indiquant simplement que ce dernier ne correspond plus aux exigences actuelles de l’aménagement et qu’il est nécessaire de réorienter l’urbanisme de la commune ne permet pas d’établir que le conseil municipal aurait délibéré, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la révision de ce plan. De sorte que la délibération approuvant cette révision doit être considérée comme entachée d’illégalité[17].

Autre exemple, une délibération approuvant la révision d’un PLU est entachée d’illégalité lorsque tous les objectifs de la révision (dont une partie n’a été révélée qu’avec l’élaboration du projet d’aménagement et de développement durable) n’ont pas été pas été présentés et soumis comme tels à la concertation publique[18].

 

2.1.3.3. Le vice tenant au débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables

Comme il a été dit, le PLU comprend un projet d’aménagement et de développement durable. Deux mois avant l’examen du projet de plan local d’urbanisme au conseil municipal, un débat doit être organisé sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable[19].

Des réunions de travail associant certains membres du conseil municipal dont le maire, afin notamment de mettre au point les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable ne peuvent tenir lieu du débat exigé. De sorte qu’en l’absence, au sein du conseil municipal, d’un débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable la délibération adoptant le plan local d’urbanisme est entachée d’illégalité[20].

 

2.1.3.4. L’enquête publique

Une fois que le conseil municipal a examiné et arrêté le projet de plan local d’urbanisme, ce dernier est ensuite soumis à une enquête publique[21].

Le dossier soumis à l’enquête publique est composé d’un certain nombre de pièces dont les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure d’approbation[22].Des irrégularités commises pendant cette phase peuvent entacher d’illégalité l’approbation du PLU. 

Ainsi si l’avis d’un organisme dont la consultation était obligatoire n’a pas été jointe au dossier d’enquête publique la procédure peut alors être considérée comme entachée d’illégalité[23].

Précisons par ailleurs qu’il est possible pour la commune de modifier le projet de PLU après l’enquête publique. A cet égard il est nécessaire, d’une part, que ne soit pas remise en cause l’économie générale du projet et, d’autre part, que cette modification procède de l’enquête[24]. De sorte que des modifications qui ne découleraient pas de l’enquête publique ou n’en seraient pas la conséquence logique entacheraient la délibération approuvant le plan local d’urbanisme d’illégalité[25].

 

2.2. Les moyens de légalité interne

 

2.2.1. L’erreur dans le choix de la procédure de changement du PLU

Une erreur dans le choix de la procédure employée est un vice de fond de nature à entacher d’illégalité la délibération approuvant le PLU[26].

Il existe plusieurs procédures distinctes pour faire évoluer un PLU. Ces procédures dépendent de la nature des changements à apporter au PLU.

A titre d’exemple, il n’est pas possible d’engager une procédure de modification du PLU pour réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance. Dans cette hypothèse il faut recourir à la procédure de révision[27].

Ainsi, une délibération procédant à la modification d’un PLU, en vue de permettre l’accueil, dans un secteur situé en zone inondable, de trois cents nouveaux logements est entachée d’illégalité. En effet, le changement opéré aura pour conséquence d’accroitre substantiellement le nombre d’habitants exposé à un risque d’inondation si bien qu’un tel changement nécessitait d’engager une procédure de révision du PLU[28].

 

2.2.2. Le non-respect des normes supérieures

Le PLU doit respecter un certain nombre de normes qui lui sont supérieures. Ces normes peuvent être des dispositions figurant dans le code de l’urbanisme (comme celles issues de la loi Littoral) ou des documents d’urbanisme que le PLU doit respecter (schémas de cohérence territoriale, schémas de mise en valeur de la mer, en Corse le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, etc.)[29].

Une délibération approuvant un PLU a ainsi été jugé illégal dès lors qu’elle classait, contrairement aux dispositions de la loi Littoral, en zone constructible des terrains situés sur la bande littorale des 100 mètres au sen d’un espace non urbanisé[30].

 

2.2.3. L’illégalité liée aux partis d’urbanisme retenue

La commune dispose d’un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la détermination des partis d’urbanisme retenus. Elle délimite ainsi librement les différentes zones (urbaines, à urbaniser, agricoles et forestières et naturelles) à l’intérieur de son territoire. Elle peut également, en conséquence, définir les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées[31]. Le juge vérifie cependant qu’elle ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation ni qu’elle ne s’appuie pas sur des faits matériellement inexacts.

A titre d’exemple, une délibération approuvant un PLU a été considérée comme entachée d’illégalité en tant qu’elle classait des terrains en zone naturelle uniquement parce que ces terrains ne supportaient aucune construction, alors même qu’ils étaient enclavés entre un secteur à urbaniser au sud et des parcelles déjà urbanisées au nord, à l’ouest, ainsi qu’à l’est[32].

Autre exemple, une délibération approuvant un PLU a été considérée comme entachée d’illégalité en tant qu’elle classait des terrains en zone constructible alors qu’ils étaient situés sur le site d’une ancienne carrière classée par le plan de prévention des risques naturels en zone inconstructible en l’état[33].

 

2.2.4. Le détournement de pouvoir

Il y a détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative agit en vue notamment de favoriser un intérêt privé[34].

Tel est le cas lorsque le zonage d’une parcelle est modifié, sans aucun motif d’urbanisme, en vue de permettre la régularisation d’un permis de construire[35] ou pour favoriser les intérêts du maire ou de sa famille[36].

Précisons également qu’une délibération peut être entachée d’illégalité si, en raison de l’influence qu’a exercé un conseiller municipal, elle prend en compte l’intérêt personnel de celui-ci. Cet intérêt personnel doit néanmoins être distinct de celui de la commune ou de la généralité de ses habitants[37].

Ainsi, une délibération est entachée d’illégalité en tant qu’elle rend constructible la parcelle d’un conseiller municipal, dès lors que ce dernier avait participé de façon active à des travaux préparatoire à l’élaboration du plan d’occupation des sols[38].

 

2.2.5. Le caractère contradictoire des différents éléments du PLU

Les différents éléments composant le PLU doivent être cohérents les uns avec les autres[39].

Par suite, une délibération peut être entachée d’illégalité s’il existe une contradiction entre le zonage (et le règlement) et le projet d’aménagement et de développement durable.

Ainsi en est-il lorsque des terrains, situés dans un secteur d’habitat très diffus, sont classés en zone à urbaniser alors même que les orientations du projet d’aménagement et de développement durable manifestaient la volonté de rendre inconstructibles des terrains situés en limite de secteurs naturels atteints par l’urbanisation[40].

Ainsi en est-il également lorsque tout un secteur est classé en zone agricole alors que le projet d’aménagement et de développement durable prévoyait dans ce secteur des zones d’extension économique et d’équipement nécessitant, au moins partiellement, une urbanisation[41].

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[1] Article L. 151-2 du code de l’urbanisme

[2] CE, 4 mars 2016, commune de Martigues, n° 384795

[3] CAA Marseille, 30 octobre 2015, n° 13MA04227

[4] CE, 17 mars 2014, n° 354596, Association des consommateurs de la FontaulièreCE, 19 mars 2008, n° 296504, Commune de Saint-Cast-Le-Guildo

[5] Article R. 421-1 du code de justice administrative

[6] CE, 28 juin 1996, FENEC, n° 160434

[7] Article R. 153-19 du code de l’urbanismeCE, avis, 2 octobre 2013, n° 367023.

[8] CE, 2 oct. 2017, n° 398322, Métropole Montpellier Méditerranée

[9] Articles L. 153-11 et L. 153-32 du code de l’urbanisme

[10] Article L. 153-37 du code de l’urbanisme

[11] CE, 19 mars 2008, n° 296504

[12] CE, 19 juillet 2013, n° 350380

[13] Article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales

[14] CAA Marseille, 10 juin 2016, n° 14MA02372, Commune de Sorgues

[15] Article L. 153-11 du code de l’urbanisme

[16] CE, 10 février 2010, n° 327149, Commune de Saint Lunaire

[17] CE, 10 février 2010, n° 327149, Commune de Saint Lunaire

[18] CAA Marseille, 29 octobre 2015, n° 13MA03767, Commune de St Raphael

[19] Article L. 153-12 du code de l’urbanisme

[20] CAA Douai, 22 octobre 2015, n° 14DA01223, Commune de Neuvireuil

[21] Article L. 153-19 du code de l’urbanisme

[22] Article R. 153-8 du code de l’urbanisme.

[23] CAA Marseille, 12 mai 2016, n°  15MA01005, Commune Saint André Embrun

[24] CE, Lille Métropole Communauté urbaine du 2 mars 2010, n °312108Article L.153-21 du code de l’urbanisme

[25] CAA Versailles, 11 mai 2015, n° 13VE00583.

[26] CE, 27 juin 2016, n° 388554, Commune de Benfeld

[27] Article L. 153-31 du code de l’urbanisme.

[28] CAA Bordeaux, 27 juin 2013, n° 11BX00899.

[29] Article L. 131-4 du code de l’urbanisme

[30] CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, n° 372531

[31] CE, 23 mars 1979, n° 09860, commune de Bouchemaine Maine-Et-LoireCE, 18 novembre 1994, n° 136941, Société Clichy Dépannage

[32] CAA Lyon, 6 janvier 2015, n° 13KY03066

[33] CE, 20 mars 2009, n° 308327, société Norminter

[34] CE, 4 mars 1934 Delle Rault : Rec. 337 ; CE, 5 mars 1954 Delle Soulier : Rec.139

[35] CE, 30 juillet 1997, n° 1600007, Association « Comité de défense et de protection du site de cordes »

[36] CE, 3 avril 1987, n° 63945, Commune de Viry-Châtillon

[37] CE, 12 octobre 2016, n° 387308, Commune de Saint Michel-Chef-Chef

[38] CE, 17 février 1993, Desmons, n° 115600

[39] CE, 18 février 1994, n° 108053, Commune de Crosne

[40] CAA Marseille, 12 mars 2015, n° 13MA02457, commune d’Auriol

[41] CE, 2 oct. 2017, n° 398322, Montpellier Méditerranée Métropole