Construire dans la bande littorale de cent mètres

Il est en principe interdit de construire dans la bande littorale de cent mètres. Ce principe vise à protéger la zone du littoral la plus fragile. Ce qui explique pourquoi il est d’application stricte et ne tolère que très peu d’exception.

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 dite « loi Littoral » a pour objet d’encadrer l’aménagement du littoral, de la protéger et de la mettre en valeur.

A ce titre, elle dispose qu’en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs[1].

 

1. Qu’est ce que la bande littorale de cent mètres ?

La bande littorale de cent mètre est la bande du littoral des communes de métropole et des départements d’outre-mer riveraines notamment des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares et des rives des estuaires de la Seine, de la Loire et de la Gironde.

Elle se compte à partir de la limite haute du rivage jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles[2].

 

2. Sur quelle partie de la bande littorale de cent mètres s’applique l’interdiction de construire ?

Le principe d’inconstructibilité s’applique en dehors des espaces urbanisés.

Ainsi, ne peuvent déroger à cette interdiction que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, et à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces[3].

Un espace urbanisé est un espace qui se caractérise par un nombre et une densité significatifs de constructions, et qui appartient par nature à une agglomération ou à un village existant. Un hameau ou un lotissement ne saurait ainsi être considéré comme un espace urbanisé[4].

Ainsi, il a été jugé qu’est situé dans un espace urbanisé :

  • Un projet dont le terrain d’assiette est bordé à l’ouest par une parcelle sur laquelle se trouve déjà édifiée une habitation et au sud par une autre parcelle sur laquelle se trouve également déjà édifiée une maison d’habitation, cette maison étant elle-même bordée de constructions sur chacun de ses côtés. Ce faisant, il a été considéré que le projet se trouvait situé dans l’enveloppe bâtie que constitue le centre-bourg de la commune de l’Ile de Houat, étant également voisin, sur son côté est, du cimetière entourant l’église du centre-bourg, située à une trentaine de mètres[5] ;

  • Un projet dont le terrain d’assiette se situe en bordure immédiate, côté ouest, d’une rivière, et s’ouvre au nord sur un vaste espace naturel en partie boisé, longeant cette rivière dès lors que ce terrain se rattache par ses côtés sud et est, à un espace, dont il forme l’extrémité, comportant un nombre et une densité significatifs de constructions. Ce terrain était de plus entouré, à proximité immédiate, de parcelles presque toutes bâties, notamment les parcelles longeant le bord de mer[6].

A l’inverse, il a été jugé que n’est pas situé dans un espace urbanisé :

  • Un terrain localisé dans un compartiment constitué de vastes parcelles dont chacune est construite, selon une densité au demeurant limitée, cette urbanisation allant en diminuant à l’est du terrain d’implantation du projet, et dès lors qu’il ne se trouvait au sud et au sud-est de la parcelle aucune construction mais un terrain de camping[7] ;

  • Un terrain limitrophe, au nord, d’une parcelle bâtie se rattachant à un secteur densément construit attendu cependant qu’il jouxte à l’est comme à l’ouest des parcelles non bâties et s’ouvre au sud sur un large espace, vierge de toute construction, qui s’étend jusqu’au rivage maritime[8].

 

3. Quelles sont les exceptions prévues en dehors des espaces urbanisés ?

Dès lors qu’un projet de construction n’est pas situé dans un espace urbanisé, l’autorité administrative est tenue de rejeter toute demande d’autorisation de construction ou d’installation.

La jurisprudence considère que cette interdiction s’applique aussi aux demandes de changement de destination[9] ou d’extension de construction existante[10].

Cette interdiction de principe comporte toutefois des exceptions. Nous évoquerons les deux plus importantes.

En premier lieu, sont autorisés les travaux d’aménagement ou de rénovation sur des constructions ou installations existantes si elles ne conduisent pas à de l’extension[11].

Ainsi en est-il des travaux de ravalement de façade ou de modification et de création d’ouvertures[12].

En second lieu, sont autorisés les travaux de construction ou d’installation nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau[13].

Ainsi en est-il de la construction d’un bâtiment destiné à accueillir une activité d’aquaculture et d’ostréiculture (par contre la création au sein de ce bâtiment d’un local de vente n’a pas été considérée comme exigeant une proximité immédiate de l’eau)[14].

En revanche, la construction, même temporaire et saisonnière d’un bâtiment modulaire à usage de restaurant n’est pas considérée comme une activité économique exigeant la proximité immédiate de l’eau[15].


[1] Article L. 121-16 du code de l’urbanisme

[2] CE, 22 octobre 1999, Commune Pénestin-sur-Mer, n°180422

[3] CE, 21 juin 2018, Commune de l’île de Houat, n° 416564

[4] CE, 22 février 2008, Mme Bazarbachi, n° 280189 ; CE, 31 mars 2017, n° 395643 ; CE, 21 juin 2018, Commune de l’île de Houat, n° 416564

[5] CE, 25 mars 2019, n° 412836

[6] CAA Nantes, 5 février 2019, n° 17NT03879

[7] CAA Nantes, 27 juillet 2016, commune de Saint-Malo, n° 15NT00206   

[8] CAA Nantes, 15 janvier 2016, 15NT00406  

[9] CAA Marseille, 20 novembre 2009, n° 07MA03857

[10] CE, 21 mai 2008, n° 297744

[11] CE 22 juin 2012, n° 331051 ; CAA de Bordeaux, 14 mars 2017, Société Bush Holding, n° 15BX00678

[12] CE, 4 février 2011, n° 340015

[13] Article L. 121-17 du code de l’urbanisme

[14] CAA Nantes, 12 février 2018, n° 17NT00051  

[15] CAA Marseille, 5 mars 2018, n° 16MA02975