Actualité du contentieux de l’urbanisme (permis de construire et déclaration préalable)

Le contentieux de l’urbanisme (permis de construire et déclaration préalable notamment) a fait l’objet de deux réformes en 2018. Ces réformes sont venues modifier les règles de procédure applicables aux recours contre les permis de construire et les décisions de non-opposition à déclaration préalable notamment.

Limiter les recours contre les permis de construire, accélérer l’instruction des recours contre les permis de construire et régulariser chaque fois que cela est possible les permis de construire illégaux. Tels sont les objectifs poursuivis par la loi Elan et le décret du 17 juillet 2018 venus modifier le contentieux de l’urbanisme. Nous présenterons les principaux changements apportés par ces deux réformes aux règles de procédure applicables aux recours contre les permis de construire. Ces changements s’appliquent également aux recours contre les décisions de non-opposition à déclaration préalable (sauf le §5), les permis d’aménager et les permis de démolir (sauf le §1.2).

1.Recevabilité du recours

1.1. L’intérêt à agir

En premier lieu, les nuisances que les travaux de construction, d’aménagement ou de démolition pourraient occasionner au requérant ne sont plus de nature à conférer à celui-ci un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué[1].

En deuxième lieu, le requérant doit joindre à son recours un acte qui établit qu’il occupe ou détient régulièrement le bien (titre de propriété, promesse de vente, contrat de bail, etc) susceptible d’être affecté par le permis de construire litigieux[2].

En troisième lieu, une association n’est désormais recevable à agir contre un permis de construire que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire[3]. Il suffisait avant la réforme de 2018 que les statuts soient simplement déposés en préfecture avant l’affichage en mairie de la demande.

1.2. Délai

Le requérant dispose en principe d’un délai de deux mois, à compter du premier jour de l’affichage de l’autorisation sur le terrain, pour contester le permis de construire.

En l’absence d’affichage ou en présence d’un affichage irrégulier, le délai de recours de deux mois ne court pas[4].

Mais même en l’absence d’’affichage ou d’affichage régulier, aucun recours ne pourra être formé à l’expiration d’un délai de six mois (contre douze mois avant la réforme) à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement[5].

2. Limitation des moyens invocables

2.1. Cristallisation des moyens

Il ne sera plus possible, en principe, pour le requérant d’invoquer contre le permis de construire des moyens nouveaux, passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense de l’auteur de l’acte attaqué[6].

2.2. Illégalité du document d’urbanisme applicable

L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme (SCOT ou PLU par exemple) ou d’une carte communale est désormais sans incidence sur le permis de construire délivré antérieurement à son prononcé dès lors que cette annulation ou cette déclaration d’illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au permis de construire attaqué[7].

3. Régularisation des permis de construire illégaux

Le permis de construire attaqué qui a fait l’objet d’une annulation partielle ou d’un sursis à statuer pourra désormais faire l’objet d’une régularisation même lorsque les travaux objet du permis sont achevés et sans doute même si les modifications nécessaires à la régularisation dépassent le cadre du permis modificatif[8].

De plus, il est désormais prévu que lorsqu’un permis modificatif ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre un permis de construire et que ce permis modificatif ou cette mesure de régularisation a été communiqué aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne pourra être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance[9].

4. Référé suspension

Tout d’abord, la condition tenant à l’urgence du recours en référé suspension est présumée être remplie.

Ensuite, un recours en référé suspension ne peut être introduit que jusqu’à deux mois après le premier le mémoire en défense produit dans le cadre du recours en annulation[10].

Enfin, en cas de rejet du référé par le juge au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartiendra au requérant, sauf lorsqu’un pourvoi en cassation est exercé contre l’ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête au fond dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet[11].

5. Recours abusif

Les conditions permettant au bénéficiaire du permis de construire de demander au juge administratif de condamner l’auteur du recours contre son permis à lui allouer des dommages et intérêts ont été assouplies[12].

D’une part, le bénéficiaire du permis de construire doit désormais démontrer que le recours contre le permis de construire est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant. Il n’est plus nécessaire de démontrer que le recours excède la défense des intérêts légitimes du requérant.

Mais n’oublions pas, et c’est important de le souligner, que le simple fait d’attaquer un permis de construire ou de voir le recours contre ce permis rejeté ne peut être de nature à caractériser un abus. En effet, en parfaite bonne foi, un requérant peut se méprendre sur la réelle étendue de ses droits, sur la teneur ou l’interprétation des règles juridiques applicables.

D’autre part, le bénéficiaire doit désormais démontrer que ce recours abusif lui a causé un préjudice. Il n’est plus nécessaire de démontrer que ce préjudice serait excessif.

Précisions pour finir que la présomption selon laquelle les associations régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement agissaient dans les limites de la défense de leurs intérêts légitimes a été supprimée.

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[1] Article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme

[2] Article R. 600-4 du code de l’urbanisme

[3] Article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme

[4] Article R. 600-2 du code de l’urbanisme

[5] Article R. 600-3 du code de l’urbanisme

[6] Article R. 600-5 du code de l’urbanisme

[7] Article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme

[8] Article L 600-5 du code de l’urbanismeArticle L 600-5-1 du code de l’urbanisme

[9] Article L 600-5-2 du code de l’urbanisme

[10] Article L. 600-3 du code de l’urbanisme

[11] Article R. 612-5-2 du code de justice administrative

[12] Article L. 600-7 du code de l’urbanisme