Rejet de son offre : La procédure à suivre par le candidat évincé

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Tout candidat à l’attribution d’un contrat de la commande publique (Marchés publics, délégations de service public, contrats de partenariat, etc.) a le droit de contester le rejet de son offre.
Les voies de recours les plus rapides et les plus efficaces, à savoir les référés précontractuel et contractuel, sont enfermées dans des délais très courts. Le candidat évincé doit donc être très réactif une fois qu’il a eu connaissance du rejet de son offre. Toutefois, il est fréquent qu’à ce stade, celui-ci ne sache pas vraiment les raisons pour lesquelles son offre n’a pas été retenue ; tout juste connaît-il le nom du candidat attributaire. En revanche, il est au fait des règles qui ont régi la procédure de publicité et de mise en concurrence. Or, ces règles ont pu le léser dans la présentation de son offre, fût-ce de façon indirecte en avantageant le candidat attributaire.
Il est dès lors important pour le candidat évincé de non seulement prendre connaissance des raisons pour lesquelles son offre a été rejetée mais aussi de vérifier la légalité de la procédure de passation du contrat. Celui-ci peut en effet contester le rejet de son offre soit d’après les informations qui lui ont été communiquées par l’autorité publique soit d’après les informations mises à sa disposition lors de la passation du contrat.
Cette note a ainsi pour objet de décrire les démarches à suivre par le candidat évincé s’il entend contester le rejet de son offre. 

I – Vérifier les motifs pour lesquels son offre a été rejetée

Dans certaines hypothèses l’autorité publique est tenue d’informer le candidat évincé du rejet de son offre, en lui indiquant les motifs de ce rejet (A). Lorsque cela n’est pas obligatoire, il peut du reste volontairement se soumettre à cette formalité.

Au demeurant, si le candidat évincé n’a pas eu communication du rejet de son offre ou s’il souhaite connaître plus en détail les motifs pour lesquels son offre n’a pas été retenue, il peut adresser une demande écrite en ce sens à l’autorité publique (B).

A – Prendre connaissance des motifs qui ont conduit au rejet de son offre

1 – Le cas des marchés publics
a – Les marchés publics et accords-cadres passés selon une procédure formalisée
Le pouvoir adjudicateur doit, dès qu’il a fait son choix pour une offre, notifier à tous les autres candidats le rejet de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet[1].
Cette notification doit, au minimum, préciser[2] : 
  • Le nom de l’attributaire et les notes qu’il a obtenues,
  • Le classement de l’offre du candidat et les notes qui lui ont été attribuées. Si l’offre de celui-ci n’a pas été classée, la notification doit alors en préciser les raisons (offres inacceptable, irrégulière ou inappropriée).

Un délai de standstill est en outre prévu : le pouvoir adjudicateur doit respecter un délai de seize jours, à compter de la notification aux candidats évincés du rejet de leur offre, avant de signer le contrat.

b – Les marchés publics et accords-cadres passés selon une procédure adaptée
Le pouvoir adjudicateur n’a pas l’obligation d’informer les candidats évincés du rejet de leur offre avant la signature du contrat[3]. Il n’existe au surplus pas de délai de suspension de la signature du contrat [4]. Le pouvoir adjudicateur peut néanmoins volontairement se soumettre à ces formalités. 
Mais surtout, le pouvoir adjudicateur peut, s’il souhaite éviter tout risque de référé contractuel, publier au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’intention de conclure le contrat et respecter un délai de onze jours entre la date de publication de cet avis et la conclusion du contrat[5]

Notons pour finir qu’une fois la signature du contrat intervenue, le pouvoir adjudicateur doit informer les candidats évincés du rejet de leur offre[6].

2 – Le cas des marchés de l’ordonnance du 6 juin 2005
a – Les marchés passés selon une procédure formalisée

 En l’espèce, les règles sont identiques à celles présentes dans les marchés publics passés selon une procédure formalisée[7].

b – Les marchés dont les modalités sont librement définies par le pouvoir adjudicateur

 En l’espèce, les règles sont identiques à celles présentes dans les marchés publics passés selon une procédure adaptée.

3 – Le cas des délégations de service public
L’autorité délégante peut informer les candidats évincés du rejet de leur offre[8], mais elle n’en a pas l’obligation[9].
Au demeurant, il n’existe pas de délai de suspension de la signature du contrat.
Toutefois, et afin de limiter tout risque de référé contractuel, l’autorité délégante peut publier au Bulletin officiel d’annonces des marchés publics un avis, relatif à son intention de conclure la délégation de service public, et respecter un délai d’au moins onze jours entre la date de publication de cet avis et la date de conclusion du contrat[10].

Précisons enfin que dans les communes, la délibération du conseil municipal approuvant la convention de délégation de service public doit faire l’objet d’une insertion dans une publication locale diffusée dans la commune[11].

4 – Le cas des contrats de partenariat
La personne publique doit, une fois qu’elle a choisi l’attributaire du contrat, et avant sa signature, informer les candidats non retenus du rejet de leur offre sans, toutefois, être tenue de leur indiquer les motifs détaillés de ce rejet[12].
Un délai de standstill de 16 jours est également prévu, entre la date à laquelle le courrier portant notification aux candidats de la décision d’attribuer le contrat est envoyé et la date de conclusion du contrat[13].  

B – Demander des informations complémentaires

Une fois informé du rejet de son offre, le candidat évincé peut demander à l’autorité publique des compléments d’information. Cette demande peut être faite en cas de doute sur la régularité de la procédure de passation ou pour mieux comprendre le rejet de son offre. 
Pour les marchés publics et les marchés de l’ordonnance du 6 juin 2005, le pouvoir adjudicateur doit communiquer à tout candidat écarté, si cela n’a pas déjà été fait, les motifs détaillés du rejet de son offre, dans les quinze jours de la réception d’une demande écrite à cette fin[14]
Pour tous les contrats[15], l’autorité publique doit communiquer au candidat évincé, qui en fait la demande, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue.
A ce titre, le candidat évincé peut notamment demander que lui soit communiqué le rapport d’analyse des offres[16], l’offre de prix globale ou la décomposition des prix globaux et forfaitaires[17] de tous les candidats.
Il existe cependant deux limites à ce principe.
En premier lieu, le droit à communication ne s’applique qu’aux documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative en cours d’élaboration[18]. Une distinction doit donc être faite selon l’état d’avancement de la procédure de passation du contrat.
En effet, avant la signature du contrat, seuls sont communicables les documents qui revêtent un caractère définitif tels que la délibération décidant de lancer l’appel d’offres, l’appel à candidature ou le règlement de la consultation. En revanche, une fois le contrat signé, les autres documents, c’est-à-dire ceux qui composent la procédure de passation, comme le rapport d’analyse des offres, perdent leur caractère préparatoire et peuvent dès lors être communiqués au candidat évincé[19]
En second lieu, il existe un certain nombre de documents qui ne sont pas communicables en raison de leur caractéristique. C’est notamment le cas des documents protégés par le secret industriel et commercial. Ainsi, le mémoire technique du candidat attributaire n’est pas communicable[20]

II – Vérifier la régularité de la procédure de passation

Parallèlement à la prise de connaissance des motifs ayant conduit au rejet de son offre, voire même avant, le candidat évincé doit vérifier la régularité de la procédure de passation suivie par l’autorité publique. Plus précisément, il doit s’assurer qu’aucune irrégularité n’a été susceptible de l’avoir lésé ou risque de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un autre candidat.
Il importera donc de vérifier : 
  • La légalité de la procédure choisie[21]
  • Le respect par l’autorité publique des règles qu’il s’est fixées dans l’avis d’appel public à concurrence ou le règlement de consultation[22]
  • Le caractère suffisant de l’allotissement dans le cadre des marchés publics[23],
  • Le caractère suffisant du délai ouvert entre la date de publication de l’avis d’appel public à concurrence et la date limite de remise de l’offre en procédure adaptée ou en procédure libre[24]
  • Le caractère suffisant des informations sur les quantités ou la nature du besoin[25]
  • La régularité des critères de sélection des candidatures[26]
  • La régularité des critères d’attribution des offres[27]
Précisons pour finir que le candidat évincé peut également se servir des documents qui ont été mis à sa disposition, pour la présentation de sa candidature ou de son offre, afin de se faire une opinion sur les chances qu’avait le candidat attributaire d’emporter le contrat. Il peut ainsi demander l’annulation de la procédure de passation du contrat s’il estime, par exemple, que le candidat attributaire ne disposait pas des capacités techniques et professionnelles exigées. Il appartiendra alors au candidat attributaire ou à l’autorité publique de prouver le contraire[28]

III –Saisir le juge en cas d’irrégularité ou de soupçon d’irrégularité

Une fois qu’il a pris connaissance des motifs pour lesquels son offre n’a pas été retenue et une fois qu’il a vérifié la régularité de la procédure de passation du contrat, le candidat évincé peut saisir le juge en cas d’irrégularité ou de soupçon d’irrégularité.
Il existe plusieurs voies de recours, à savoir : les référés précontractuel et contractuel, qui sont des procédures d’urgence, et le recours au fond devant le juge administratif ou judiciaire. 

A – Les procédures d’urgence 

1 – Le référé précontractuel
Le référé précontractuel est un recours qui permet de saisir le juge en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des contrats de la commande publique[29]. Il en va ainsi en cas d’irrégularité dans la définition des besoins[30], dans les critères d’attribution[31], dans les documents de la consultation[32] ou dans les obligations de publicité[33].
Pour être recevables, les manquements invoqués par le candidat évincé doivent, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, être susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un candidat concurrent[34].
Le juge doit être saisi avant la signature du contrat[35]. Il dispose de vingt jours, à compter de sa saisine, pour statuer[36]. Durant cet intervalle, la signature du contrat est suspendue[37].
En cas de manquement, le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat.
Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Toutefois, le juge ne dispose pas de pouvoir d’annulation pour les contrats passés par les entités adjudicatrices[38]
2 – Le référé contractuel
Le référé contractuel a pour objet de sanctionner les manquements les plus graves aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce recours permet, à l’inverse du référé précontractuel, de saisir le juge une fois le contrat signé.
Le référé contractuel n’est toutefois pas ouvert au candidat évincé :
  • Pour les contrats de partenariat et marchés soumis à une procédure formalisée : Lorsque l’autorité publique a, après l’avoir informé du rejet de son offre, respecté un délai de onze jours avant de signer le contrat[39].
  • Pour tous les autres contrats : Lorsque l’autorité publique a, avant la signature du contrat, rendu publique son intention de conclure le contrat et observé un délai de onze jours après cette publication[40].
Le délai pour former un référé contractuel est de trente et un jours suivant la publication d’un avis d’attribution du contrat. En l’absence d’une telle publication, le délai est porté à six mois à compter du lendemain du jour de la signature du contrat[41]. Le juge dispose d’un mois, à compter de sa saisine, pour statuer[42].
Les manquements susceptibles d’être invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du CJA et 16 et 17 de l’ordonnance du 7 mai 2009.
Ainsi, ne peuvent être invoqués que des manquements liés à :
  • L’absence de toutes les mesures de publicité requises pour la passation du contrat,
  • L’absence de publication au Journal officiel de l’Union européenne lorsque cela était obligatoire,
  • La signature du contrat en méconnaissance du délai de standstill, dans le cas des marchés passés selon une procédure formalisée et des contrats de partenariat,
  • La signature du contrat malgré l’introduction d’un référé précontractuel.
En cas de manquement, le juge prononcera en principe la nullité du contrat. 

B – Le recours au fond 

Lorsque les irrégularités constatées ne sont pas susceptibles d’être invoquées dans le cadre d’un référé précontractuel ou contractuel ou lorsque les délais pour saisir le juge du référé précontractuel ou contractuel ont expirés, le candidat évincé peut toujours saisir le juge administratif (pour les contrats administratifs) ou le juge judiciaire (pour les contrats privés) dans le cadre d’un recours au fond.
Nous n’évoquerons ici que la saisine du juge administratif, dans le cadre du recours dit « Tropic II »[43].
A l’inverse des référés précontractuel et contractuel, les moyens susceptibles d’être invoqués dans un recours Tropic II ne sont pas limités.
Le candidat évincé peut ainsi invoquer tout moyen susceptible de remettre en cause la validité du contrat si ce moyen a un rapport direct avec l’intérêt lésé dont il se prévaut. Il peut de plus soulever d’autres moyens, ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office.
Le recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées.
En fonction de l’importance des vices entachant la validité du contrat, il appartiendra au juge d’en tirer les conséquences. Aussi, lui reviendra-t-il, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe. Néanmoins, en présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui reviendra de prononcer soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. 
Enfin, lorsque les irrégularités soulevées lui ont causé un préjudice, le candidat évincé peut demander au juge de condamner l’autorité publique à l’indemniser pour le préjudice subi. 

[1] Article 80 du code des marchés publics.

[2] CE, 15 février 2013, SFR, n°363854 ; CE, 18 décembre 2012, Métropole Nice Côte d’Azur, n°363342.

[3] CE, 19 janvier 2011, Grand Port Maritime du Havre, n°343435.

[4] CE, 11 décembre 2013, Société antillaise de sécurité, n°372214.

[5] Article 80, I 3° du code des marchés publics.

[6] CAA Marseille, 19 décembre 2011, Société Hexagone, n°09MA02011.

[7] Article 46,I de l’ordonnance du 6 juin 2005.

[8] CAA Marseille, 19 décembre 2011, Ville de Nice, n°09MA02287.

[9] CAA Versailles, 12 juin 2014, Société EGS, n°13VE00527.

[10] Articles 1-1 du décret n° 93-471 du 24 mars 1993 et R. 1411-2-1 du CGCT.

[11] Article L. 2121-24 du CGCT.

[12] Articles L. 1414-10 du CGCT et 9 de l’ordonnance du 6 juin 2004.

[13] Ibid.

[14] Article 83 du code des marchés publics.

[15] CADA, conseil n°20114788 du 15 décembre 2011 ; CADA, avis n°20111735 du 28 avril 2011.

[16] CADA, avis n°20052295 du 9 juin 2005.

[17] CADA, avis n°20074116 – Séance du 25 octobre 2007.

[18] Article 2 de la loi du 17 juillet 1978.

[19] CADA, conseil n°20072665 du 5 juillet 2007.

[20] CADA, avis n°20062949 du 11 juillet 2006.

[21] CE, 14 décembre 2009, Département du Cher, n°330052.

[22] CE, 27 avril 2011, Président du Sénat, n°344244.

[23] CE, 23 juillet 2010, Conseil régional de la Réunion, n°338367.

[24] CE, 5 août 2009, Région Centre, n°307117.

[25] CE, 1er juin 2011, Commune de Saint Benoit n°345649 ; CE, 12 mars 2012, Dynacité, n°354355.

[26] CE, 17 novembre 2006, ANPE, n°290712 ; CE, 20 octobre 2006, Communauté d’agglomération Salon-Étang de Berre-Durance, n°287198.

[27] CE, 15 février 2013, Société Derichebourg Polyurbaine, n°363921.

[28] CE, 17 septembre 2014, Société Delta Process, n°378722.

[29] Articles L. 551-1 et suivants du CJA et 2 et suivants de l’ordonnance du 7 mai 2009.

[30] CE, 24 octobre 2008, Communauté d’agglomération de l’Artois, n°313600.

[31] CE, 7 octobre 2005, Communauté urbaine Marseille-Provence Métropole, n°276867.

[32] CE, 15 avril 2005, Ville de Paris, n°273178.

[33] CE, 7 Octobre 2005, Région Nord-Pas-De-Calais, n°278732.

[34] CE, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n°305420.

[35] Articles L551-1 du CJA et 2 de l’ordonnance du 7 mai 2009.

[36] Articles R. 551-5 du CJA et 1441-2, I du CPC.

[37] Articles L. 551-4 et L. 551-9 du CJA et 4 et 8 de l’ordonnance du 7 mai 2009.

[38] Article L. 551-6 du CJA.

[39] CE, 19 janvier 2011, Société Grand port maritime du Havre, n°343435.

[40] Articles L. 551-14 du CJA et 11 de l’ordonnance du 7 mai 2009.

[41] Articles R. 551-7 du CJA et 1441-3, I du CPC.

[42] Articles R. 551-9 du CJA et 1441-3, II du CPC.

[43] CE, 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, n°358994.