Contester un permis de construire : Réponses à dix questions pratiques

Lorsqu’on souhaite contester un permis de construire, on peut se trouver face à des questions d’ordre pratique, tout aussi importante que celles portant sur la légalité même du permis de construire.

C’est l’occasion de répondre aux dix questions les plus pertinentes en la matière.

 

1 – Où se procurer le dossier de permis de construire ?

L’arrêté de permis de construire et le dossier de permis de construire peuvent être consultés en mairie (dans la commune où se situe le projet objet du permis de construire). Il est également possible d’en demander une copie. La mairie ne peut pas refuser cette demande. En cas de refus de sa part, il est conseillé d’adresser la demande par lettre recommandée avec accusé de réception.

Précisons toutefois que ce n’est qu’une fois l’arrêté de permis de construire signé que celui-ci ainsi que le dossier de permis de construire peuvent être communiqués.

NB : Il est impératif d’obtenir l’arrêté de permis de construire pour le contester devant le tribunal administratif. Sans la production de cet arrêté, le tribunal rejettera le recours formé contre le permis de construire pour irrecevabilité.

 

2 – Quel est le délai pour contester un permis de construire ?

Le délai pour former un recours contre un permis de construire est de deux mois à compter de l’affichage du panneau de permis de construire sur le terrain d’assiette du projet.

La preuve de cet affichage incombe au bénéficiaire du permis de construire. En l’absence d’une telle preuve le délai de recours ne saurait avoir commencé.

En tout état de cause, même en l’absence d’affichage du panneau de permis de construire, l’action en vue de l’annulation du permis de construire devra être formé dans un délai maximum de six mois à compter de l’achèvement de la construction.

Il n’existe en revanche pas de délai pour demander le retrait (et non pas l’annulation) d’un permis de construire obtenu frauduleusement. Un permis de construire illégal n’est pas forcément un permis obtenu par fraude. Il y a fraude lorsque le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité de son projet ou sur sa qualité, dans le but d’obtenir son permis de construire ou d’échapper à l’application d’une règle d’urbanisme.

La demande de retrait d’un permis de construire obtenu frauduleusement est formée devant l’autorité administrative qui a pris la décision. Si celle-ci refuse de procéder au retrait, un recours en annulation pourra être formé contre cette décision de refus de retrait (et non pas contre le permis de construire). Il reviendra alors au juge, si la fraude est établie, de vérifier que l’appréciation de l’autorité administrative sur l’opportunité de procéder ou non au retrait n’est pas entachée d’erreur manifeste.

 

3 – Qui peut contester un permis de construire ?

Toute personne physique ou morale disposant d’un intérêt à agir peut contester un permis de construire.

L’intérêt à agir est le motif qui conduit le requérant à demander à la juridiction l’annulation du permis de construire. Cet intérêt à agir n’est retenu que si le requérant établi que le permis de construire attaqué est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe (comme une perte d’ensoleillement ou une gêne paysagère). Pour les associations, l’intérêt à agir sera retenu si le permis de construire contrevient à son objet social et entre dans son champ d’action géographique

Un particulier, une société, un syndicat de copropriétaire ou une association peuvent ainsi contester un permis de construire.

Les entités dépourvues de la personnalité juridique, que l’on trouve sous le nom générique de groupement ou de collectif, ne peuvent en revanche pas former de recours en leur nom propre.

 

4 – Quelle est la différence entre un recours gracieux et un recours contentieux ?

Il est possible de contester un permis de construire de deux façons.

Tout d’abord, il est possible de contester l’arrêté de permis de construire en formant un recours gracieux. C’est le recours par lequel le requérant s’adresse directement à l’auteur qui a délivré l’arrêté de permis de construire (en général le maire de la commune) pour lui demander de revoir sa position et de procéder au retrait de son arrêté.

L’auteur de l’arrêté de permis de construire dispose d’un délai de deux mois pour répondre au recours gracieux. En l’absence de réponse de sa part dans ce délai, son silence vaut décision implicite de rejet.

Le recours gracieux permet de proroger le délai de recours contentieux. Ainsi, en cas de rejet express ou implicite de son recours gracieux, le requérant aura la possibilité de saisir le tribunal administratif d’un recours contentieux contre le permis de construire dans un délai de deux mois à compter de ce rejet.

NB : L’arrêté de permis de construire ne peut être retiré que sous un délai de trois mois à compter de sa notification à son bénéficiaire (cette date de notification peut être différente de la date d’affichage du panneau de permis de construire sur le terrain par le bénéficiaire.). Passé ce délai, il ne peut plus être retiré, même si un recours gracieux est formé. Dans ce genre de situation, le recours gracieux permet simplement de proroger le délai de recours contentieux devant le tribunal administratif.

Ensuite, il est possible de contester le permis de construire en formant un recours contentieux. C’est le recours qui est formé devant le tribunal administratif pour demander l’annulation du permis de construire.

Le tribunal administratif peut être soit saisi dans le délai de deux mois suivant l’affichage du panneau de permis de construire sur le terrain soit dans le délai de deux mois suivant le rejet implicite ou explicite du recours gracieux.

 

5 -Quelle forme doit prendre le recours contre un permis de construire ?

Pour le recours gracieux, le formalisme est très souple. Aucune condition particulière n’est exigée.  Ce recours peut être formé par lettre ou courriel (pourvu que sa réception par l’autorité administrative soit établie). Il doit simplement contenir les noms et prénoms et domiciles des requérants et les motifs pour lesquels le retrait du permis de construire est demandé. Et il doit bien évidemment être signé.

Pour le recours contentieux, le formalisme demeure souple avec cependant quelques exigences supplémentaires.

Ce recours doit être formée par une lettre (qui sera dénommée recours en annulation) envoyée au tribunal administratif, dans le ressort duquel à son siège l’autorité qui a pris l’arrêté de permis de construire. Il doit contenir les noms et prénoms et domiciles des parties et l’exposé des faits et des moyens de droit pour lesquels il est demandé au juge de prononcer l’annulation du permis de construire. Et il doit bien évidemment être signé.

Le recours peut être adressé au tribunal par courrier ou par l’application Telecours citoyen (https://citoyens.telerecours.fr/#/authentication).

 

6 – Le recours à un avocat est-il obligatoire pour contester un permis de construire ?

Que ce soit pour former un recours gracieux ou un recours contentieux devant le tribunal administratif, le recours à un avocat n’est pas obligatoire. Mais son assistance est vivement recommandée pour contester efficacement et valablement la légalité du permis de construire.

En revanche, le recours à un avocat est obligatoire devant la cour administrative d’appel, pour l’appel, et le Conseil d’Etat, pour la cassation.

 

7 – Le recours contre un permis de construire suspend il son exécution ?

Le permis de construire est exécutoire dès qu’il a été notifié à son bénéficiaire.

Par conséquent, le bénéficiaire du permis de construire peut démarrer ses travaux dès que l’arrêté de permis de construire lui a été notifié.

L’introduction d’un recours contre le permis de construire, qu’il soit gracieux ou contentieux, ne suspend pas son exécution (dans les faits toutefois, la plupart des constructeurs attendent que leur permis de construire soit devenu définitif et purgé de tout recours avant de le mettre en œuvre).

La suspension de l’exécution du permis de construire ne peut intervenir que sur décision du juge, dans le cadre d’un référé suspension.

 

8 – Quel est le délai de jugement dans le cadre d’un recours contre un permis de construire ?

Le délai de jugement d’un recours contre un permis de construire dépend notamment de la complexité de l’affaire et de la juridiction concernée (selon qu’elle est surchargée ou non). Mais en général ce délai est compris entre douze et vingt-quatre mois devant les tribunaux et cours d’appel. Devant le Conseil d’État, ce délai est compris entre dix-huit et trente-six mois.

En revanche, s’agissant des recours contre les permis de construire portant sur un immeuble de plus de deux logements ou contre les permis d’aménager portant sur un lotissement, le tribunal et la cour d’appel doivent en principe statuer dans un délai de dix mois. Ce délai n’est pas applicable devant le Conseil d’État.

 

9 – Quels sont les principaux pièges à éviter devant le tribunal administratif lorsqu’on forme un recours en annulation contre un permis de construire ?

Pour éviter que son recours contre le permis de construire ne soit rejeté pour irrecevabilité, c’est-à-dire sans examen au fond, ou qu’il ne soit analysé au regard que de certain des moyens soulevés, le requérant doit veiller à respecter quatre règles procédurales.

En premier lieu, le requérant devra veiller à notifier son recours contentieux au bénéficiaire du permis de construire et à l’auteur de l’acte attaqué. S’il forme au préalable un recours gracieux, il devra veiller à le notifier au bénéficiaire du permis de construire.

En deuxième lieu, le requérant devra veiller à annexer à sa requête, à peine d’irrecevabilité de celle-ci, l’arrêté de permis de construire et son titre de propriété ou son bail. Si le requérant est une association, le recours devra comprendre les statuts de celle-ci et le récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. En pratique, il faut également y joindre toutes les pièces justificatives utiles à la résolution du litige.

En troisième lieu, le requérant devra veiller à justifier précisément son intérêt à agir, en n’hésitant pas à produire des plans, photos et croquis, pour établir l’impact de la construction sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Et s’il s’agit d’une association, il devra veiller à expliquer précisément pourquoi le permis attaqué entre dans son objet social et son champ d’action géographique.

En quatrième lieu, le requérant devra bien prendre en considération le fait qu’il ne pourra pas invoquer de moyens nouveaux relevant d’une cause juridique distincte postérieurement à l’expiration du délai de recours. Dans le même sens, il doit prendre en compte le fait qu’il ne pourra plus invoquer de moyens nouveaux ni former un référé suspension passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense.

 

10 – Que peut ont obtenir en cas de succès de son recours contre le permis de construire et que risque t’on en cas de rejet de son recours ?

Si le juge estime que l’arrêté de permis de construire est entaché d’illégalité, il prononcera son annulation. Toutefois, le permis de construire peut échapper à l’annulation s’il est susceptible d’être régularisé par un permis de construire modificatif. Ainsi, lorsqu’une régularisation est possible, le juge doit, dans un premier temps, ne prononcer qu’une annulation partielle du permis de construire ou surseoir à statuer pour inviter le bénéficiaire du permis à demander un permis de construire modificatif (ou dénommé permis de régularisation).

En cas de rejet de sa demande d’annulation du permis de construire, le requérant peut être condamné à verser aux parties adverses, à savoir l’auteur du permis de construire (en général la commune) et le bénéficiaire du permis de construire une somme comprise en général entre 500 € et 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

De plus, si le tribunal considère que le recours tendant à demander l’annulation du permis de construire est abusif, il peut condamner le requérant à une amende qui peut s’élever à la somme de 10 000 €. Il peut aussi le condamner à indemniser le bénéficiaire du permis de construire pour le préjudice subi.

Contester un permis de construire

 

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Pour aller plus loin :

Dix règles à connaître avant de contester un permis de construire ?

Comment former un recours contre un permis de construire ?

Permis de construire et fraude

Permis de construire et recours abusif

La régularisation des permis de construire