Fin anticipée d’un contrat administratif : quelles conséquences juridiques ?

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Quand un contrat public prend fin plus tôt que prévu, par résiliation ou par annulation, tout n’est pas fini pour autant ! Il faut encore régler le sort du personnel mais aussi des biens affectés à l’exécution du contrat, ainsi que la question de l’indemnisation des cocontractants.

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Nul ne peut prédire la vie d’un contrat administratif. De sa conclusion à son terme, de nombreux évènements peuvent venir perturber son exécution. Certains peuvent même avoir pour conséquence d’y mettre fin. C’est le cas par exemple lorsqu’une sujétion imprévue bouleverse définitivement l’économie du contrat.

Lorsqu’il est mis fin de manière anticipée à l’exécution d’un contrat administratif, les obligations incombant aux parties cessent également. Outre alors la question de leur indemnisation, l’extinction avant son terme d’un contrat administratif conduit également à s’interroger sur le sort du personnel et des biens affectés à son exécution.

 

I – Le sort du personnel affecté à l’exécution du contrat

 

Lorsqu’une activité est confiée à un nouvel exploitant, ce dernier est en principe tenu de reprendre le personnel du précèdent exploitant affecté à cette activité.

Ce principe s’applique également aux cas dans lesquels, à la suite de la fin anticipée du contrat, un nouvel exploitant se substitue au précèdent. Ce nouvel exploitant peut aussi bien être un nouveau cocontractant[1] que l’administration elle-même, qui déciderait de reprendre l’exploitation de cette activité en régie dans le cadre d’un service public administratif[2] ou industriel et commercial[3]. Les fonctionnaires, qui ne peuvent voir leur position statutaire modifiée, ne sont en revanche pas concernés par cette problématique.

L’obligation de reprise du personnel ne peut cependant avoir lieu que si deux conditions sont réunies. Tout d’abord, l’activité transférée doit s’assimiler au transfert d’une entité économique autonome, c’est-à-dire d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, et dont l’identité est conservée. Ensuite, ce transfert doit s’accompagner des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de cette entité[4].

Dans le cas contraire, aucune obligation ne peut peser sur le nouvel exploitant[5].

Certaines conventions collectives sont toutefois venues élargir les cas dans lesquels le transfert du personnel, auprès du nouvel exploitant, étaient obligatoires. Il en est ainsi de la Convention collective nationale des entreprises de propreté. Celle-ci précise en effet qu’en cas de cessation du contrat commercial ou du marché public, le nouveau prestataire est tenu de reprendre les salariés de l’ancien prestataire affectés au marché faisant l’objet de la reprise[6].

onvient tout d’abord d’opérer une distinction selon que le contrat est résilié ou annulé.

En effet, lorsque le contrat est annulé, sa disparition est rétroactive de sorte qu’il est réputé n’avoir jamais existé et, par suite, n’avoir fait naître aucune obligation à la charge des parties. Ces derniers doivent dès lors remettre les choses en l’état, en restituant les biens apportés et les prestations fournies.

 

II – Le sort des biens affectés à l’exécution du contrat

 

Il convient tout d’abord d’opérer une distinction selon que le contrat est résilié ou annulé.

Mais bien souvent, une telle restitution n’est pas possible soit parce qu’elle serait matériellement difficile à mettre en œuvre soit parce qu’elle affecterait la continuité du service public. Aussi, et dans pareilles situations, c’est les règles énoncées en matière de résiliation qui s’appliqueront.

A la différence de l’annulation, la résiliation n’entraine pas la nullité du contrat. Elle met simplement un terme à son exécution avant la date initialement prévue. Le contrat reste donc valable, et il continue de produire certains effets. Par conséquent, s’il contient des clauses régissant le sort des biens affectés à l’exécution du contrat, il conviendra de se référer à ces clauses.

En l’absence de telles clauses, le principe est que les biens reviennent à la personne qui les a apportés.

S’agissant toutefois des délégations de services publics et des concessions de travaux, et même en la présence de clauses contraires, les biens de retour[7] doivent obligatoirement revenir à l’Administration[8].

Au demeurant, ce problème ne se pose pas dans les contrats de type marchés publics, qui font intervenir l’Administration  en tant qu’acheteur. Celle-ci devient ainsi la propriétaire des ouvrages réalisés – ou en cours de réalisation – ou des fournitures livrées par son cocontractant, dans le cadre de l’exécution du contrat[9].

 

III – L’indemnisation des cocontractants

 

Il importe encore une fois d’opérer une distinction selon que le contrat est résilié ou annulé. En effet, bien que les principes indemnitaires soient relativement les mêmes, les fondements diffèrent.

Ainsi, alors que les demandes indemnitaires liées à la résiliation du contrat doivent être formulées sur le terrain de la responsabilité contractuelle, celles liées à son annulation ne peuvent l’être que sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle (le contrat étant réputé n’avoir jamais existé).

S’agissant de la résiliation contractuelle, lorsque celle-ci intervient en dehors de toute faute de sa part, le cocontractant de l’Administration  a droit, sauf stipulation contraire, à la réparation intégrale du préjudice qu’il subit, ce qui comprend non seulement la perte subie mais aussi le gain manqué[10].

Ce n’est que si le contrat est résilié à ses torts ou parce qu’il n’est plus dans la possibilité de l’exécuter (faillite, force majeure, etc.) qu’il n’aura droit qu’au remboursement des prestations réalisées[11], si le contrat est de type marché public, et/ ou à la valeur non-amortie des investissements revenant gratuitement à l’Administration  (les biens de retour), si le contrat est de type délégation de service public[12]. Il pourra cependant obtenir une indemnisation couvrant toutes les pertes subies si la résiliation est justifiée par un cas de force majeure administrative[13]. Par ailleurs, des indemnités supplémentaires pourront lui être accordées, sous réserve du partage de responsabilités et sans que cela n’excède le montant du préjudice subi, si la résiliation est aussi pour partie imputable à une faute de l’Administration[14].

Quant à l’Administration, elle sera en droit de réclamer des indemnités à son cocontractant, sous réserve encore une fois du partage de responsabilités, si la résiliation du contrat prononcée aux torts de celui-ci lui a causé un préjudice[15].

En matière d’annulation, les demandes indemnitaires du cocontractant de l’Administration  doivent être formulées sur deux terrains. En premier lieu, sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle, afin d’obtenir le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à l’Administration. Les fautes qu’il aurait commises sont en principe sans incidence sur le montant de ce remboursement. En second lieu, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle, afin d’obtenir le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été privé, si la nullité du contrat résulte d’une faute de l’Administration  et sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes[16].

Quant à l’Administration, il est permis de penser qu’elle pourra aussi, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de son cocontractant, si la nullité du contrat résulte d’une faute de celui-ci et sous réserve encore une fois du partage de responsabilités.

 

Article publié sur le site Le Moniteur.fr.

 

[1] C. trav., art. L. 1224-1.

[2] V. en ce sens C. trav., art. L. 1224-3, pour les salariés, et L. n°83-634 du 13 juill. 1983, art. 14 ter, pour les agents contractuels de droit public.

[3] C. trav., art. L. 1224-1 (V. en ce sens T. confl., 15 mars 1999, n°03097, Faulcon) et L. 1224-3-1.

[4] Cass. soc., 17 juin 2009, n°08-42.615, Féd. nat. Léo Lagrange.

[5] CAA Douai, 21 févr. 2013, n°11DA00939 ; Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-42.615, préc.

[6] Conv. coll. nat. des entreprises de propreté du 26 juill. 2011, arts. 7 et suiv.

[7] Les biens qui sont nécessaires ou indispensables au fonctionnement du service public.

[8] CE, 21 déc. 2012, Cne de Douai, n°342788.

[9] V. en ce sens CE, 3 oct. 2008, Sté Éts Paul Mathis, n°291919.

[10] CE, 31 juil. 2009, Sté Jonathan Loisirs, n°316534.

[11] CE, 23 avr. 2001, SARL Beteru, n°186424.

[12] CE, 20 mars 1957, Sté des établissements thermaux d’Ussat-les-Bains : Rec., p. 182.

[13] CE, 8 janv. 1925, Sté chantiers et ateliers Saint-Nazaire : Rec., p. 28.

[14] CAA Marseille, 26 mai 2006, n°02MA02128 ; CAA Nancy, 11 mai 2006, n°04NC00571.

[15] CE, 17 mars 2004, n°243141, Cne d’Aix-en-Provence.

[16] CE, 10 avril 2008, Sté JC Decaux, n°244950.

 

 

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