Dix règles à connaitre avant de contester un permis de construire

Avant de contester un permis de construire, le requérant doit notamment connaitre un certain nombre de règles procédurales encadrant aussi bien la recevabilité de son recours que celles relatives aux conditions d’annulation du permis de construire. Dans le cas contraire, il pourrait voir sa requête rejetée ou être frustrée de la décision rendue. 

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Le contentieux des permis de construire s’est considérablement complexifié ces dernières années avec l’apparition d’un grand nombre de règle procédurale pour sécuriser le plus possible les permis délivrés et pour lutter contre les recours abusifs. On ne peut contester un permis de construire sans connaître ces règles.

Nous présenterons ainsi les dix principales règles à connaître avant de former un recours contre un permis de construire.

 

1. Le délai pour contester un permis de construire

 

Le délai de recours contentieux contre un permis de construire, accordé tacitement ou expressément, est de deux mois pour les tiers (on entend par tiers les personnes autres que le préfet, l’auteur et le titulaire du permis de construire).

Ce délai commence à courir à compter du premier jour de l’affichage sur le terrain du panneau du permis de construire[1].

Cependant, pour être régulier, ce panneau doit être visible de l’extérieur[2]. Il doit aussi, et obligatoirement, mentionner un certain nombre d’information (comme la hauteur de la construction projetée[3] ou les modalités d’exercice du recours[4]).

Le non-respect de ce formalisme fait en principe obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux[5].

Mais, une erreur sur les caractéristiques de la construction projetée ne peut faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur serait de nature à empêcher les tiers d’apprécier l’importance et la consistance du projet[6]. Il en est ainsi si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d’une erreur substantielle [7].

En tout état de cause, même si les mentions figurant sur le panneau d’affichage seraient erronées ou insuffisantes, sauf circonstance particulière, le délai de recours ne saurait excéder un an[8].

Enfin, aucun recours contre un permis de construire n’est en principe recevable à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction[9].

 

2. L’intérêt à agir

 

Un tiers ne peut contester un permis de construire que s’il dispose d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Pour le tiers autre qu’une association, cet intérêt à agir sera retenu s’il établit que le projet de construction est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe[10].

Le juge apprécie souverainement l’intérêt à agir en fonction des particularités propres à chaque affaire, c’est-à-dire en fonction des caractéristiques du bien du tiers, du projet de construction et de la configuration des lieux en cause.

Sans être exhaustif, on peut relever que l’atteinte peut être caractérisée par la perte d’ensoleillement, la perte d’une vue (terrestre ou maritime) la perte de la valeur vénale de son bien, des risques de pollution (sonore, visuelle, chimique, etc), des risques d’inondation, d’incendie ou d’accident (routier ou de chantier), etc.

Le tiers doit ainsi préciser en quoi le projet attaqué est de nature à lui poser un problème[11].

Eu égard à sa situation particulière, le tiers qui est un voisin immédiat au projet de construction justifie en principe d’un intérêt à agir[12]. Il n’a en quelque sorte pas besoin d’établir que le projet attaqué serait susceptible de lui causer un préjudice dès lors que cela relève de l’évidence au regard des pièces produites.

Ainsi, un voisin immédiat s’est vu reconnaître un intérêt à agir contre un permis de construire portant sur la construction d’un simple garage et l’aménagement d’une rampe d’accès alors même que les atteintes invoquées manquaient de certitude[13].

Mais pour les autres tiers, qui ne sont pas des voisins immédiats, ils doivent caractériser l’atteinte invoquée.

A titre d’exemple l’intérêt à agir a été reconnu :

  • Pour un tiers qui possédait un simple terrain nu se trouvant à 150 mètres du terrain d’assiette du projet litigieux. Dans cette affaire, aucune construction ne séparait les deux terrains. De plus la construction autorisée allait être de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance du bien du tiers en ce qu’elle allait altérer la qualité d’un site essentiellement naturel[14].
  • Pour un tiers dont la propriété, qui n’était pas située à proximité immédiate du terrain d’assiette du projet, dès lors qu’il était démontré que le projet de construction était susceptible d’altérer la vue entièrement dégagée dont il disposait sur une partie de sa parcelle et qu’il était aussi susceptible d’avoir pour effet de diminuer l’ensoleillement et la luminosité de son terrain[15].

A l’inverse, l’intérêt à agir n’a pas été reconnu :

  • Pour un tiers qui souhaitait contester un projet de station de conversion électrique situé à plus de 700 mètres de son habitation. Compte tenu de cette distance, le simple fait que ce projet allait être visible depuis l’habitation de ce tiers n’a pas été jugé suffisant pour caractériser une dégradation du paysage ou une pollution visuelle[16].
  • Pour des tiers qui souhaitaient contester un ensemble commercial de 5 800 m² situé à 150 et 200 mètres de leurs propriétés. Dans cette affaire, les tiers se bornaient à faire valoir la proximité de leurs propriétés et les nuisances susceptibles d’être causées par le projet, sans apporter d’éléments suffisamment précis de nature à établir qu’il en serait résulté une atteinte directe aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs propriétés, sur lesquelles ils n’avaient apporté aucune précision[17].

Enfin, pour le tiers qui serait une association, son intérêt à agir devra être apprécié en considération de son objet social et de son champ d’action géographique[18].

 

3. La date d’appréciation de l’intérêt à agir

 

En principe l’intérêt pour agir contre un permis de construire s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

Ainsi, la location ou l’achat (ou promesse de vente) d’un bien à proximité du projet litigieux même avant la date d’obtention du permis de construire ne pourra conférer au tiers un intérêt à agir contre le permis en question. Il faudra en effet être locataire ou propriétaire (ou signataire d’une promesse de vente) du bien avant le dépôt en mairie de la demande de permis de construire[19].

De plus, pour justifier cet intérêt à agir, le tiers devra joindre à sa requête, à peine d’irrecevabilité de celle-ci, son titre de propriété, son bail ou sa promesse de vente[20].  L’irrecevabilité ne pourra toutefois être prononcée, en cas d’omission de cette pièce, que si au préalable le requérant a été invité à régulariser sa requête en produisant la pièce requise[21].

S’agissant d’une association, elle ne sera recevable à former un recours contre un permis de construire que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire[22]. Et le recours de l’association devra, à peine d’irrecevabilité, être accompagné des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.

 

4. La notification du recours

 

Le requérant est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire du permis de construire. La notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours[23].

De même, l’auteur d’un recours administratif, c’est-à-dire d’un recours gracieux ou hiérarchique, est tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement.

Toutefois, en l’absence de panneau d’affichage du permis de construire ou si cet affichage omet de mentionner cette obligation, la requête ne pourra pas être déclarée irrecevable[24].

 

5. Le délai de cristallisation de la cause et des moyens juridiques

 

Le requérant a toujours la possibilité de soulever de nouveaux moyens postérieurement au dépôt de son recours.  Mais ce principe connait deux exceptions.

En premier lieu, il ne pourra pas invoquer de moyens nouveaux relevant d’une cause juridique distincte postérieurement à l’expiration du délai de recours. Le requérant a ainsi intérêt à soulever dès le départ, dans son recours, aussi bien des moyens de légalité interne qu’externe[25].

En second lieu, il ne pourra plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense[26], que ce mémoire émane de l’auteur de l’acte attaqué ou du titulaire du permis de construire[27].

 

6. Le délai pour former un référé suspension

 

Le pétitionnaire lorsqu’il obtient son permis de construire attend en général que celui-ci ait acquis un caractère définitif et qu’il soit purgé de tout recours avant de démarrer les travaux.

Mais cette attente ne constitue nullement une obligation.

En effet, un permis de construire est exécutoire dès qu’il a été notifié à son bénéficiaire.

Précisons également que, sauf certaines hypothèses, une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut faire l’objet d’une démolition, même si le permis de construire en cause a ensuite fait l’objet d’une annulation[28].

Ainsi, pour obtenir la suspension de l’exécution du permis de construire et éviter le démarrage des travaux, qui pourrait ensuite priver l’annulation du permis de construire de tout effet, il faut introduire, en parallèle au recours en annulation, un référé suspension.

Le référé suspension peut être formé à tout moment après l’introduction du recours en annulation[29]. Toutefois ce principe connaît quelques exceptions. La plus importante est le fait que passé un délai de deux mois après la communication du premier mémoire en défense produit dans le cadre du recours en annulation, le référé suspension ne pourra plus être formé [30].

 

7. Les moyens invocables

 

Sur le fond, seuls les moyens relatifs à la méconnaissance du droit de l’urbanisme peuvent entrainer l’annulation d’un permis de construire[31].

 Les moyens susceptibles d’entrainer l’annulation du permis de construire ne sont pas les mêmes que les atteintes invoquées par le tiers pour justifier de son intérêt à agir. Les atteintes susceptibles de justifier d’un intérêt à agir permettent au tiers d’accéder au prétoire du juge. Les moyens relatifs à la méconnaissance du droit de l’urbanisme permettent d’obtenir l’annulation du permis de construire.

Un permis de construire ne peut ainsi être considéré comme illégal que s’il est contraire par exemple au plan local d’urbanisme, au règlement national d’urbanisme, au plan de prévention des risques naturels, aux dispositions de la loi Littoral…

En revanche, un permis de construire ne peut, en principe, être considéré comme illégal s’il est contraire par exemple à un règlement de copropriété[32], aux règles techniques de construction (règles d’incendie ou de ventilation[33]) ou aux règles générales d’accessibilité notamment aux personnes handicapées[34].

Précisons enfin qu’un permis de construire n’a d’autre objet que d’autoriser la réalisation d’une construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. Le permis de construire n’autorise en d’autres termes que la réalisation d’un scénario tel que présenté par le pétitionnaire lors du dépôt de son dossier.

Ainsi, la circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que la construction risquerait d’être ultérieurement transformée, n’est pas par elle-même, sauf le cas de fraude, de nature à affecter la légalité du permis[35]. Le non-respect des prescriptions du permis de construire est un problème lié à son exécution et qui fait l’objet de sanctions spécifiques[36].

 

8. La régularisation du permis de construire illégal

 

Même entaché d’illégalité, un permis de construire peut échapper à l’annulation s’il est susceptible d’être régularisé par un permis de construire modificatif.

Lorsqu’une régularisation est possible, le juge est même tenu de ne pas prononcer une annulation pure et simple du permis de construire. Il doit, dans un premier temps, ne prononcer qu’une annulation partielle du permis de construire ou surseoir à statuer pour inviter le pétitionnaire à demander un permis de construire modificatif (ou dénommé permis de régularisation)[37].

L’annulation partielle consiste à n’annuler que la partie du permis de construire entachée d’illégalité. Le titulaire du permis de construire est ainsi toujours en droit de réaliser son projet de construction. Mais si cette annulation nécessite de revoir le projet de construction, par exemple en cas méconnaissance des règles relatives à l’implantation en limite séparative, il devra au préalable corriger l’illégalité liée à cette méconnaissance.

Quant au sursis à statuer, il permet au juge de suspendre sa décision pour une durée limitée afin que dans cet intervalle le titulaire du permis de construire puisse, dans la mesure du possible, régulariser son autorisation. En cas de régularisation, le juge constatera que le permis est purgé de l’illégalité qui l’affectait et rejettera en conséquence la demande d’annulation de celui-ci.

Ces deux procédures visent à éviter, chaque fois que cela est possible, une annulation pure et simple qui serait inutile et frustrant aussi bien pour le pétitionnaire que le requérant. Si une régularisation est possible, une annulation pure et simple n’aurait que des effets platoniques puisque le pétitionnaire pourrait déposer une nouvelle demande de permis de construire ultérieurement.

Ainsi, un permis construire modificatif sollicité dans le cadre d’une régularisation judiciaire peut être délivré même s’il a pour effet de revoir l’économie générale du projet. Il ne doit néanmoins pas lui apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même[38].

De même, un permis de régularisation entaché d’illégalité, peut lui aussi faire l’objet d’une régularisation si l’illégalité qui l’affecte est susceptible d’être régularisé[39].

Enfin, l’obtention d’un permis de régularisation peut intervenir même si la construction est achevée.

Rappelons et insistons néanmoins : même régularisable en théorie, la régularisation du permis de construire n’est jamais acquise. Soit parce que les conditions nécessitant sa régularisation s’avèreront difficile voire impossible à mettre en œuvre (pour des raisons techniques ou économiques par exemple) soit parce que la régularisation proposée par le pétitionnaire est illégale. 

Par conséquent, le permis modificatif, qui est aussi susceptible de recours, pourra toujours être attaqué et être déclaré illégal.

En revanche, il existe deux hypothèses dans lesquelles où même s’il est régularisable, le permis de construire sera purement et simplement annulé par le juge.

En premier lieu, c’est lorsque la demande de permis de construire porte sur une construction existante mais qu’elle n’a pas fait état des travaux qui auraient été réalisés sans autorisation sur cette construction. Cette omission empêchera la régularisation du permis de construire qui serait entaché d’illégalité. Il appartiendra ainsi au pétitionnaire de déposer une nouvelle demande de permis de construire incluant l’ensemble des travaux réalisés sans autorisation[40].

En deuxième lieu, c’est lorsque le permis de construire a été obtenu frauduleusement. En cas d’annulation ou de retrait de ce permis de construire, il appartiendra au pétitionnaire, de déposer une nouvelle demande de permis de construire présentant sincèrement son projet de construction[41].

 

9. Les risques en cas de recours abusif

 

En principe, un recours est abusif dans le cas où est caractérisé, de la part de l’auteur du recours, une intention malicieuse, une mauvaise foi, ou l’existence d’une erreur grossière équipollente au dol. 

Il est possible d’engager la responsabilité civile de l’auteur d’un recours contre un permis de construire qui serait abusif. Cette action peut être formée par toute personne qui aurait subi un dommage du fait de ce recours. Il peut ainsi s’agir du titulaire du permis de construire mais aussi par exemple du promettant qui verrait la vente de son terrain retardée ou compromise.

L’engagement de la responsabilité de l’auteur d’un recours contre un permis de construire se fait en principe devant le juge civil. Mais le titulaire du permis de construire a aussi la possibilité de saisir le juge administratif pour qu’il examine sa demande en même temps que le recours contre son permis de construire[42].

Cependant, les condamnations sont rares car le caractère abusif n’est en général pas retenu par le juge. Et même lorsque le recours serait jugé abusif et qu’il y aurait condamnation (ce qui est encore plus rare) le montant de l’indemnité alloué au pétitionnaire demeure modeste.

En effet, dès lors que le requérant dispose d’un intérêt à agir contre le permis de construire, son recours n’est pas reconnu par le juge comme étant abusif[43]. Il peut même en être ainsi si la requête est irrecevable[44] ou si les moyens soulevés ne sont pas fondés[45]. Et a fortiori, si le juge fait droit à la demande d’annulation, même partiellement, le caractère abusif ne sera bien évidemment pas retenu[46].

Ainsi, pour retenir le caractère abusif d’un recours formé par une association le juge s’est appuyé sur plusieurs considérations. D’une part sur le fait que le recours était entaché par de nombreuses irrecevabilités dont l’une était fondée sur l’absence d’intérêt à agir. D’autre part sur le fait que cette association avait déjà vu sa demande d’annulation d’un permis accordé au même pétitionnaire être rejetée pour irrecevabilité par le passé[47]. Et bien que son recours ait été jugé abusif, cette association n’a été condamnée à verser au pétitionnaire que la somme de 3 000 euros.

Plus rare encore, le requérant, auteur d’un recours contre un permis de construire, peut voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal sur le fondement des délits d’escroquerie et de tentative d’escroquerie.

Deux conditions doivent pour cela être remplies. Tout d’abord, le recours contre le permis de construire doit être abusif. Ensuite, ce recours doit avoir été engagé pour l’obtention d’un bien, d’un service ou d’un acte.

Ainsi, a notamment été condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis, une personne qui s’était portée acquéreur d’un appartement sans intention de mener cet achat à terme. La promesse d’achat avait été signée dans le seul but d’engager un recours contre un permis de construire pour ensuite contraindre le titulaire du permis de construire à transiger[48].

Mentionnons enfin un cas exceptionnel : la condamnation d’un gérant de société à trois ans d’emprisonnement, 45 000 euros d’euros d’amende et 3, 4 millions d’euros de dommages et intérêts. Mais la lourdeur de cette condamnation s’explique par le fait que ce gérant avait déposé de 2010 à 2015 plus de dix-neuf recours contre des permis de construire sur tout le territoire de la commune de Marseille pour ensuite les retirer en échange de contreparties financières. Le retrait de ces recours lui avait permis d’obtenir 2, 2 millions d’euros[49]. On est donc très loin, dans cette espèce, du particulier qui attaque un permis de construire pour l’édification d’un immeuble en face de sa propriété.

 

10. La transaction et la médiation

 

L’adage selon lequel « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » peut trouver à s’appliquer dans le contentieux des permis de construire. Le délai du procès et son issue incertaine peuvent inciter les parties, lorsque la situation le permet, à tenter de trouver une solution amiable à leur litige.

On évoquera, à ce titre, deux procédures qui font l’objet d’un encadrement juridique.

En premier lieu, il s’agit de la transaction. Dans ce contrat, souvent, le tiers s’engage à se désister de son recours contre le permis de construire ou à ne pas introduire de recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature par le titulaire du permis de construire.

Pour être valable, la transaction devra faire l’objet d’un enregistrement au service de la publicité foncière[50].  

En deuxième lieu, les parties ou le juge ont la possibilité de proposer une médiation. Il s’agira ainsi pour les parties de trouver une solution amiable à leur litige à travers l’intervention d’un médiateur. 

Les parties peuvent ainsi demander une médiation même en cours d’instance, c’est-à-dire après l’introduction du recours contre le permis de construire.

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Pour aller plus loin :

Contester un permis de construire : Réponses à dix questions pratiques

Comment former un recours contre un permis de construire ?

Permis de construire et fraude

Permis de construire et recours abusif

La régularisation des permis de construire

 

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[1] Article R.600-2 du code de l’urbanisme

[2] Article R. 424-15 du code de l’urbanisme

[3] Article A. 424-16 du code de l’urbanisme

[4] Article A. 424-17 du code de l’urbanisme

[5] CE, 6 juillet 2012, n° 339883CE, 1er juillet 2010, n° 330702

[6] CE, 6 juillet 2012, n° 339883

[7] CE, 25 février 2019, n° 416610

[8] CE, 9 novembre 2018, n° 409872

[9] Article R. 600-3 du code de l’urbanisme

[10] Article L.600-1-2 du code de l’urbanisme

[11] CE, 10 juin 2015, n° 386121

[12] CE, 13 avril 2016, n° 389798

[13] CE, 5 février 2021, n° 439618

[14] CAA Nantes, 3 juillet 2020, n° 19NT01926

[15] CE, 20 février 2019, n° 420745

[16] CE, 10 juin 2015, n° 386121

[17] CE, 27 janvier 2020, n° 423529

[18] CE, 5 novembre 2004, n° 264819

[19] Article L.600-1-3 du code de l’urbanisme

[20] Article R.600-4 du code de l’urbanisme

[21] CE, 3 juillet 2020, n° 424293

[22] Article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme

[23] Article R. 600-1 du code de l’urbanisme

[24] CE, 31 mars 2021, n° 443876

[25] CE, 20 février 1953, n° 9772

[26] Article R.600-5 du code de l’urbanisme

[27] CE, 20 octobre 2021, n° 445731

[28] Article L. 480-13 du code de l’urbanisme

[29] CE, 6 octobre 2021, n° 445733

[30] Article L. 600-3 du code de l’urbanisme

[31] Article L. 421-6 du code de l’urbanisme

[32] CE, 23 octobre 2020, n° 425457

[33] CE, 20 septembre 1991, n° 84291

[34] CE, 9 juillet 2018 n° 411206

[35] CE, 13 novembre 1992, n° 110878

[36] Articles L. 480-1 et suivants du code de l’urbanisme

[37] CE, avis n° 438318 du 2 octobre 2020

[38] CE, avis n° 438318 du 2 octobre 2020

[39] CE, 17 mars 2021, n° 436073

[40] CE, 6 octobre 2021, n° 442182

[41] CAA Lyon, 12 octobre 2021, n° 20LY03430

[42] Article L. 600-7 du code de l’urbanisme

[43] CAA Lyon, 8 juillet 2021, n° 19LY02928CAA Marseille, 12 octobre 2021, n° 20MA04636

[44] CAA Lyon, 23 juin 2020, n° 19LY03532

[45] CAA Nantes, 24 janvier 2020, n° 18NT04551

[46] CAA Nantes, 16 mars 2021, n° 20NT02238

[47] CAA Versailles, 3 octobre 2019, n° 18VE01741

[48] Cass. crim., 15-09-2021, n° 20-80.239

[49] https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/trois-ans-de-prison-pour-un-marseillais-qui-extorquait-des-promoteurs-immobiliers-1635244739

[50] Article L. 600-8 du code de l’urbanisme

Comment contester un permis de construire ?

Les recours contre les permis de construire font l’objet d’un abondant contentieux. La présente note a pour objet d’expliquer comment on peut contester un permis de construire.

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Comment contester un permis de construire ? Voilà une question que beaucoup de personnes se posent et qui est intéressante d’examiner.

Le droit de propriété est un droit sacré et inviolable. Il n’a cependant jamais été illimité. Dès sa promulgation en 1804, le code civil posait ainsi comme principe que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Le droit de construire, corollaire du droit de propriété, doit ainsi également s’exercer dans le cadre des lois et règlements. C’est l’objet du droit de l’urbanisme, d’une part, et du droit de la construction, d’autre part.

Le droit de la construction réglemente les modalités techniques relatives à la construction des immeubles.

Quant au droit de l’urbanisme, il a pour objet d’encadrer les modalités d’aménagement des espaces et d’utilisation des sols ainsi que les aspects extérieurs des constructions. Le respect de ces règles est en principe sanctionné au travers un régime d’autorisation. C’est pourquoi la plupart des constructions, aménagements ou travaux nécessitent, au préalable, une autorisation d’urbanisme : le permis de construire.

Ainsi, toute construction nouvelle, même celle qui ne comporterait pas de fondations, doit en principe être précédée de la délivrance d’un permis de construire[1]. Il en va de même des travaux qui, du fait de leur importance, sont assimilés à des constructions nouvelles[2].

Le permis de construire a pour objet d’autoriser la construction d’immeubles ou la réalisation des travaux dans la limite des plans et indications fournis par le pétitionnaire[3]. Il n’est délivré que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme[4].

L’autorité administrative dispose en principe d’un délai de deux mois à compter de la réception en mairie du dossier pour se prononcer sur la demande[5]. Une fois le permis de construire accordé, toute personne qui dispose d’un intérêt à agir peut en demander l’annulation.

Les recours contre les permis de construire font l’objet d’un abondant contentieux. Eu égard aux enjeux que représente ce contentieux, l’objet de cette note sera de présenter les conditions de recevabilité du recours (1) et les moyens susceptibles d’entrainer l’annulation du permis de construire (2). Nous présenterons également très brièvement les cas dans lesquels il est aussi possible de saisir le juge civil pour s’opposer à la construction (3). 

 

1 – LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DU RECOURS

Le contentieux des permis de construire relève de la compétence des juridictions administratives. Les règles de procédure suivent donc celles applicables au contentieux administratif bien qu’il existe certaines particularités.

Toute personne qui souhaite contester un permis de construire doit ainsi disposer d’un intérêt à agir (1.1), présenter sa requête au tribunal administratif selon un certain formalisme (1.2) et dans un délai limité (1.2).

 

1.1 – L’intérêt à agir

Un requérant ne peut contester un permis de construire que s’il dispose d’un intérêt lui donnant qualité pour agir. C’est ce qu’on appelle l’intérêt à agir.

Il convient en l’espèce de distinguer trois catégories de requérant.

 

1.1.1 – L’intérêt à agir de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements

L’Etat dispose en principe d’un intérêt à agir contre tous les permis de construire. Ainsi, le préfet, qui est le représentant de l’Etat dans les départements et les régions, peut déférer au tribunal administratif tous les permis de construire qu’il estimerait illégaux.

Quant aux collectivités territoriales ou leurs groupements, elles disposent en principe d’un intérêt à agir contre les permis de construire susceptibles de porter atteinte à leur territoire.

 

1.1.2 – L’intérêt à agir des associations

Il faut au préalable préciser qu’une association n’est recevable à agir contre un permis de construire que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande de permis de construire[6].

S’agissant de leur intérêt à agir, celui-ci s’apprécie en considération de leur objet social et de leur champ d’action géographique.

En premier lieu, l’objet social de l’association doit être, d’une part, urbanistique[7] ou environnemental[8] et, d’autre part, être suffisamment précis[9]. Ce critère est cependant apprécié en fonction de l’importance et de la localisation du projet contesté. En ce sens, une association qui a pour objet la mise en œuvre de tous les moyens disponibles pour la sauvegarde et l’amélioration du cadre de vie d’un quartier dispose d’un intérêt à agir contre un permis de construire portant sur trois maisons d’habitation, dès lors que le permis en cause était susceptible était de porter atteinte au cadre de vie des habitants du quartier [10].

En second lieu, le champ d’action géographique de l’association doit être précis et limité sur le plan territorial[11] : le plus souvent au cadre communal[12]. Ce critère est cependant aussi apprécié en fonction de l’importance et de la localisation du projet contesté. Il a ainsi été admis qu’une association dont le ressort est régional puisse contester un permis de construire un ensemble immobilier, de grande ampleur et situé à proximité d’une zone d’intérêt écologique[13].

Toutefois, cette dernière condition ne s’applique pas aux associations agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. En effet, toute association agréée de protection de l’environnement justifie d’un intérêt pour agir contre tout permis de construire ayant un rapport direct avec son objet et son activité statutaire et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément[14].

 

1.1.3 – L’intérêt à agir des personnes privées

Une personne privée autre qu’une association, comme un particulier, une entreprise ou un syndicat de copropriétaire, ne peut contester un permis de construire que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe[15].

Il suit de là que cette personne ne pourra contester un permis de construire que si elle justifie d’un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique (1.1.3.1). Cet intérêt doit de plus être direct et certain (1.1.3.2).

Notons également qu’afin de lutter contre les recours malveillants, l’intérêt pour agir du requérant contre un permis de construire s’apprécie en principe à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire[16]. La location ou l’achat d’un bien à proximité du projet litigieux, une fois le permis délivré, ne confère donc plus au locataire ou à l’acheteur un intérêt à agir contre le permis en question.

 

1.1.3.1 – Un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique

Afin de disposer d’un intérêt à agir, le requérant doit justifier que le permis de construire attaqué est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe.

Il doit ainsi préciser en quoi le projet de construire est de nature à porter atteinte à son bien ou aux conditions dans lesquelles il occupe, utilise ou jouit de son bien[17].

Le simple fait d’habiter à proximité d’un terrain sur lequel sera édifiée une construction n’est donc pas suffisant, en soi, pour contester un permis de construire.

Sans être exhaustif, on peut relever que constitue un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique : la perte d’ensoleillement, la perte d’une vue (terrestre ou maritime) la perte de la valeur vénale de son bien, des risques de pollution (sonore, visuelle, chimique, etc), des risques d’inondation, d’incendie ou d’accident (routier ou de chantier), etc.

A contrario, il n’est pas possible de se prévaloir d’un intérêt commercial[18] ou professionnel[19]. Un commerçant ne saurait dès lors contester un permis de construire au seul motif que l’arrivé d’un concurrent risquerait de porter atteinte à ses intérêts commerciaux[20]. Sa requête ne sera recevable que s’il établit que la construction litigieuse est de nature à affecter les conditions d’exploitation de son activité ou, plus généralement, les conditions d’utilisation, de jouissance ou d’utilisation de son bien (perte d’ensoleillement, création de vis-à-vis, etc)[21].

 

1.1.3.2 – Un intérêt direct et certain

L’atteinte invoquée par le requérant, pour justifier de son intérêt à agir, doit être directe et certaine. Cette atteinte est fonction de la proximité (critère le plus important), de la nature et de l’importance du projet objet du permis de construire, par rapport à la localisation du bien du requérant.

A titre d’exemple :

  • La gêne visuelle invoquée par un requérant, au soutien de son recours contre un projet de mosquée, n’a pas été retenue dès lors que celui-ci habitait à plus de 600 mètres à vol d’oiseau du terrain d’assiette du projet et qu’il était séparé de ce terrain par des espaces construits d’immeubles et des voies de circulation importantes[22].
  • La gêne visuelle invoquée par un requérant, à l’appui de son recours contre une simple maison individuelle, n’a pas n’a pas été retenue dès lors que son habitation était située à plus de 350 mètres du projet de construction et qu’elle en était séparée par des prés entrecoupés de haies bocagères et d’arbres de hautes tiges[23].

L’atteinte invoquée est néanmoins appréciée différemment selon que le requérant à la qualité de de voisin immédiat ou non au projet contesté.

 

1.1.3.1.1 – Le requérant a la qualité de voisin immédiat

On considère en général qu’un requérant est voisin immédiat d’un projet lorsque son bien jouxte ou est situé à moins de 25/50 mètres du terrain d’assiette du projet de construction. Cette notion dépend de la nature et l’importance du projet (plus le projet sera petit et plus la distance séparant le bien du requérant de celui du pétitionnaire devra être faible) et de la configuration des lieux (plus le terrain d’assiette du projet sera situé dans un environnement urbain dense et plus la distance séparant le bien du requérant de celui du pétitionnaire devra être faible).

Ce requérant, eu égard à sa situation particulière, justifie en principe d’un intérêt à agir s’il fait état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction[24].

Celui-ci n’a en somme pas besoin d’expliquer et/ou de justifier l’atteinte invoquée dès lors que le dossier de permis de construire attaqué permet de comprendre cette atteinte. Cela ne le dispense pour autant pas, s’il existe un doute sur l’atteinte invoquée ou pour éviter toute contestation, de produire tout élément de nature à établir cette atteinte (comme des photographies).

Exemple d’atteintes reconnues au regard des seules pièces figurant dans le dossier de permis de construire :

  • En raison de la mitoyenneté des propriétés et de la visibilité du projet de construction depuis le jardin du requérant : la gêne visuelle invoquée par ce requérant[25];
  • En raison de la déclivité du terrain et de la situation de la propriété du requérant située en contrebas du terrain d’assiette du projet de construction : la gêne visuelle et différentes nuisances sonores invoquées par ce requérant[26];
  • En raison de la nature du projet de construction (une unité de traitement mécano-biologique de déchets) : les inconvénients et les nuisances liés à l’augmentation du trafic routier et la présence de divers animaux nuisibles invoqués par un exploitant agricole dont les parcelles étaient situées à proximité immédiate de ce projet[27].

 

1.1.3.1.2 – Le requérant n’a pas la qualité de voisin immédiat

Lorsque le requérant n’a pas la qualité de voisin immédiat au projet, celui-ci ne peut se contenter de faire état d’une atteinte. Il doit de surcroît établir, par des éléments suffisamment précis et étayés, la réalité de cette atteinte [28].

A titre d’exemple, ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire :

  • Un propriétaire, dont les pièces produites, à l’appui de son recours contre un futur centre commercial situé à 300 mètres de son habitation, n’établissent ni les nuisances sonores invoquées ni la dépréciation de la valeur vénale de son habitation[29];
  • Un exploitant agricole qui ne démontre pas en quoi le projet de construction attaqué, situé à plus de 150 mètres de son exploitation, est de nature à nuire à son activité comme il le prétendait[30].

A l’inverse, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire :

  • Un requérant propriétaire d’un bien situé à moins de 100 mètres d’un bâtiment de 11 mètres de hauteur dès lors qu’il apparaît, au regard des photographies produites, que ce projet sera visible depuis sa propriété et altéra la vue sur un parc dont il bénéficiait auparavant[31];

Un requérant propriétaire d’un bien situé à 120 mètres du projet de construction d’une salle de réception dès lors que les nuisances sonores invoquées, à l’appui de son recours, sont confirmées notamment par des témoignages de voisins[32].

 

1.2 – La procédure à respecter

 

1.2.1 – Le délai de recours

Le permis de construire accordé, tacitement ou expressément, doit faire l’objet d’un affichage en mairie et sur le terrain d’assiette du projet[33].

L’affichage sur le terrain fait courir pour le requérant privé (association ou personne privée) le délai de recours contentieux. Ce requérant dispose en effet d’un délai de deux mois, à compter du premier jour de l’affichage de l’autorisation sur le terrain, pour contester la délivrance du permis de construire[34]. Passé ce délai, il est forclos.

Cependant, pour être régulier, l’affichage doit être visible de l’extérieur. Il doit aussi, et obligatoirement, mentionner un certain nombre d’information (comme la hauteur de la construction projetée[35] ou les modalités de notification du recours contentieux[36]). Le non-respect de ce formalisme fait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux[37].

Précisons par ailleurs que le maire ou le président de l’EPCI accordant le permis de construire est tenu de notifier sa décision au préfet. Ce dernier dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la décision pour agir[38].

 

1.2.2 – Les modalités du recours

 

1.2.2.1 – L’introduction du recours

Le recours contre le permis de construire doit se faire devant le tribunal administratif dans le ressort duquel à son siège l’autorité administrative qui a pris la décision contestée[39].

La saisine du tribunal se fait par une requête qui indique les noms et domiciles des parties. La requête doit contenir l’exposé des faits et des moyens de droit, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge[40]. Le requérant doit y joindre une copie de l’arrêté de permis de construire attaqué et toutes les pièces justificatives utiles à la résolution du litige[41]. Le tout doit être accompagné de copies, en nombre égal à celui des autres parties en cause[42].

 

1.2.2.2 – La notification du recours

Le requérant est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. La notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours[43]. Il faut à cet égard souligner que c’est une copie du texte intégral du recours qui doit être notifiée, et non une simple lettre informant l’auteur de la décision et s’il y a lieu, le titulaire de l’autorisation, de l’existence d’un recours[44].

De même, l’auteur d’un recours administratif, c’est-à-dire d’un recours gracieux ou hiérarchique, est tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.

 

2 – LES MOYENS INVOCABLES

A l’appui de sa requête, le requérant pourra invoquer des moyens de légalité externe et interne contre l’arrêté ayant accordé le permis de construire.

Attention cependant, les moyens susceptibles d’entrainer l’annulation d’un permis de construire ne sont pas les mêmes que les atteintes invoquées par le requérant pour justifier de son intérêt à agir.

Seuls les moyens relatifs à la méconnaissance du droit de l’urbanisme peuvent entrainer l’annulation d’un permis de construire.

Les atteintes susceptibles de justifier d’un intérêt à agir permettent au requérant d’accéder au prétoire du juge. Les moyens relatifs à la méconnaissance du droit de l’urbanisme permettent d’obtenir l’annulation du permis de construire.

NB : Le requérant lambda qui souhaite contester un permis de construire, doit se rendre à la mairie de la commune où se situe le projet contesté pour consulter le dossier du permis délivré et examiner sa légalité.

 

2.1 – Les moyens de légalité externe

 Les moyens de légalité externe portent sur l’incompétence de l’auteur de l’acte (2.1.1), le vice de forme (2.1.2) et le vice de procédure (2.1.3).

 

2.1.1 – L’incompétence de l’auteur de l’acte

L’incompétence de l’auteur de l’acte correspond à la situation dans laquelle une autorité administrative adopte un acte insusceptible de se rattacher à son pouvoir. Ce motif entache d’illégalité l’acte adopté.

En principe, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire est le maire de la commune[45].

Toutefois, si un maire est intéressé au projet faisant l’objet de la demande de permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’EPCI doit désigner un autre de ses membres pour prendre la décision[46].

 

2.1.2 – Le vice de forme

Il y a vice de forme lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté dans les formes requises.

S’agissant d’un arrêté relatif à un permis de construire, celui-ci doit notamment comporter, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci[47].

 

2.1.3 – Le vice de procédure

 Il y a vice de procédure lorsqu’un permis de construire n’est pas adopté selon la procédure prescrite. Ce vice peut soit résulter du caractère incomplet du dossier de permis de construire (2.1.3.1) soit d’une irrégularité dans l’instruction du dossier (2.1.3.2).

 

2.1.3.1 – Le caractère incomplet du dossier de permis de construire

Tout d’abord, la demande de permis de construire doit comprendre un certain nombre d’éléments listés à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme. La demande doit ainsi préciser l’identité du ou des demandeurs, la localisation et la superficie du ou des terrains, la nature des travaux, etc.

Ensuite, la demande de permis de construire doit comporter un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune[48].

Enfin, la demande de permis doit comporter un projet architectural[49]. Ce dernier doit définir, par des plans et documents écrits, l’implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. Il doit de plus préciser, par des documents graphiques ou photographiques, l’insertion dans l’environnement et l’impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords[50]. Le contenu du projet architectural est précisé aux articles R. 431-8 à R. 431-12 du code de l’urbanisme.

Ces pièces représentent le contenu minimum d’un dossier de permis de construire. Des pièces supplémentaires doivent également figurer dans le dossier lorsque le projet entre dans l’une des situations visées aux articles R. 431-13 à R. 431-33 du code de l’urbanisme.

A titre d’exemple, lorsque la construction porte sur un établissement recevant du public, la demande doit être accompagnée d’un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité[51].

Toutefois, même en cas d’irrégularité, si l’autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, de compenser la carence d’un document incomplet, le dossier de permis de construire sera alors considéré comme étant régulier[52].

 

2.1.3.2 – L’irrégularité dans l’instruction du dossier de demande de permis de construire

Les demandes de permis de construire doivent faire l’objet d’une instruction dont l’objet et le champ varient en fonction de la nature, de l’importance, de l’impact et de la localisation du projet.

L’instruction des dossiers de permis de construction peut ainsi nécessiter, dans certains cas, de recueillir l’accord ou l’avis des autorités ou commissions compétentes[53] ou l’avis du public. Seules les irrégularités les plus graves peuvent cependant entrainer l’annulation du permis de construire[54].

 

2.1.3.2.1 – L’avis du public

Les projets de travaux qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine nécessitent une consultation du public. Cela concerne notamment les installations classées pour la protection de l’environnement soumises au régime de l’autorisation[55].

Le public doit ainsi pouvoir exprimer ses observations, propositions et contre-propositions sur le projet.

Cette consultation est, selon l’importance du projet, soit mise en œuvre dans le cadre d’une enquête publique[56], soit dans le cadre d’une consultation par voie électronique (procédure plus légère que l’enquête publique)[57].

 

2.1.3.2.2 – L’accord ou l’avis des autorités ou commissions compétentes

Lorsque la demande de permis de construire est soumise, en raison de son emplacement, de son utilisation ou de sa nature, à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévus par une législation autre que le droit de l’urbanisme, le permis ne peut être délivré que si l’autorité compétente au titre de cette autre législation a donné son accord.

Ainsi, lorsque le projet est situé aux abords d’un monument historique, le permis de construire ne peut être délivré que si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord[58].

Autre exemple, lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, le permis de construire ne peut être délivré que si le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, a donné son accord[59].

 

2.2 – Les moyens de légalité interne

Les moyens de légalité interne portent sur la légalité même du permis de construire, et donc du projet de construction.

Le permis de construire délivré doit ainsi être annulé si le projet ne respecte pas les règles d’urbanisme[60].

A cet égard, il faut distinguer les communes qui sont couvertes par un plan local d’urbanisme (PLU) ou un document d’urbanisme en tenant lieu (2.2.2) de celles qui ne le sont pas (2.2.1). Il existe par ailleurs des dispositions spéciales applicables en présence ou non d’un document local d’urbanisme (2.2.3).

 

2.2.1 – Les communes non couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu

En premier lieu, dans les communes non couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu, le permis de construire ne pourra être délivré que si le projet est situé dans les parties actuellement urbanisées de la commune[61]. On considère en général que les parcelles situées à l’intérieur des zones agglomérées, des bourgs ou situées à proximité de ces derniers relèvent des parties actuellement urbanisées d’une commune.

En second lieu, le permis de construire ne pourra être délivré que si la demande respecte les prescriptions figurant dans le règlement national d’urbanisme[62]. Ce dernier régit notamment :

  • La localisation et la desserte des constructions, aménagements, installations et travaux[63].
  • L’implantation et le volume des constructions[64].
  • L’aspect des constructions[65].

 

2.2.2 – Les communes couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu

Le PLU est un document d’urbanisme dont l’objet est de préciser les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune[66]. C’est ce document qui précise par exemple les zones dans lesquelles les constructions sont ou non autorisées.  

Il comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durable, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes.

Le règlement est le document le plus important du PLU. C’est à partir de son contenu que seront notamment instruites les demandes de permis de construire. Le règlement du PLU contient une partie graphique et une partie écrite.

La partie graphique du règlement délimite, à l’intérieur de la commune ou de l’EPCI, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières[67]. Lorsqu’un terrain se trouve en zone urbaine, il est en principe constructible. Les terrains situés en zone à urbaniser ont vocation à devenir constructibles, mais pas dans l’immédiat. Cela ne sera le cas que lorsqu’ils seront desservis par les voies publiques, les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement[68]. Quant aux zones agricoles et naturelles, elles ne sont en principe pas constructibles sauf lorsqu’il s’agit, par exemple, de construction et installation nécessaires à l’exploitation agricole[69].

La partie écrite du règlement fixe les prescriptions applicables à l’intérieur de chacune des quatre zones précitées[70]. Elle peut ainsi fixer des prescriptions relatives :

  • Aux interdictions et limitations de certains usages et affectations des sols, constructions et activités ;
  • Aux éléments de mixité fonctionnelle et sociale ;
  • A la volumétrie et l’implantation des constructions ;
  • A la qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère ;
  • Au traitement environnemental et paysager des espaces non bâtis et abords des constructions ;
  • Au stationnement ;
  • A la desserte par les voies publiques ou privées.

De plus, les prescriptions d’ordre public figurant dans le règlement national d’urbanisme demeurent applicables (respect des règles de sécurité et de salubrité publiques[71] par exemple), de sorte que la demande de permis de construire doit également les respecter.

Par conséquent, le permis de construire doit non seulement respecter les prescriptions figurant dans le règlement du PLU mais aussi celles d’ordre public contenues dans le règlement national d’urbanisme.

Ainsi, afin de savoir si un permis de construire est ou non conforme au PLU, il faut tout d’abord identifier la zone du PLU à l’intérieur de laquelle se situe le terrain d’assiette objet du permis de construire. Ensuite, il faut vérifier que les règles applicables dans cette zone (et celles d’ordre public du règlement national d’urbanisme) ont été respectées par le projet objet du permis de construire. 

Notons pour finir qu’un permis de construire, même conforme au PLU, peut être annulé si le PLU, sur la base duquel il a été délivré, est illégal. Cela peut notamment être le cas si le PLU a été adopté dans des conditions irrégulières ou s’il est incompatible avec les normes qui lui sont supérieures telles que le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur d’aménagement des eaux ou la loi Littoral.

 

2.2.3 – Les dispositions spéciales

En plus des règles figurant dans le RNU ou, le cas échéant, dans le PLU lui même, le permis de construire doit, selon sa localisation et son importance, respecter un certain nombre de dispositions. De sorte que le permis de construire peut être refusé quand bien même aucune prescription du PLU n’y ferait obstacle (La plus part de ces autres dispositions doivent cependant être annexées au PLU).

On relèvera ainsi que lorsque le territoire d’une commune est couvert par un plan de prévention des risques (incendie, inondation, mouvement de terrain, etc)[72], le permis de construire doit respecter les prescriptions figurant dans ce plan[73].

Autre exemple, lorsque le territoire d’une commune est soumis aux dispositions de la loi Littoral, le permis de construire doit respecter les dispositions de cette loi. Ainsi, même lorsqu’un terrain est classé en zone constructible par le PLU d’une commune, celui-ci demeura inconstructible s’il est situé en dehors d’une agglomération ou d’un village existant, c’est-à-dire dans une zone d’urbanisation diffuse[74].

 

3 – L’INVOCATION DU CAHIER DES CHARGES DU LOTISSEMENT

Enfin, si l’annulation du permis de construire n’est pas envisageable ou a été rejeté, parce que celui-ci serait conforme au droit de l’urbanisme, il est néanmoins possible de s’opposer à la réalisation des travaux si le terrain d’assiette du projet se trouve à l’intérieur d’un lotissement[75].  

Pour ce faire, il importe de vérifier que les stipulations du cahier des charges applicable dans le lotissement ont bien été respectées. En cas de non-respect de ces stipulations, tout coloti pourra demander l’arrêt des travaux en assignant le propriétaire du terrain devant le tribunal de grande instance[76].

*

Pour finir, dans l’hypothèse où il ne serait pas possible de s’opposer à l’exécution du permis de construire, la seule solution pour le requérant, qui subirait un préjudice en raison de la construction en projet, consistera alors à demander une indemnisation au pétitionnaire.

 

Pour aller plus loin :

 

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[1] Article L. 421-1 du code de l’urbanisme.

[2] Articles R. 421-14 et suivants du code de l’urbanisme.

[3] CE, 13 novembre 1992, Commune de Nogent-sur-Marne, n°110878.

[4] Article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

[5] Articles R. 423-19 et R.423-23 du code de l’urbanisme.

[6] Article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme.

[7] CE, 29 janvier 2003, Union des propriétaires pour la défense des Arcs, n° 199692.

[8] CE, 3 avr. 2006, Association Vigilance Environnement clermontais et sa région, n° 269252.

[9] CE, 26 juillet 1986, Union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de la vie en Franche-Comté, n°35024.

[10] CE, 20 octobre 2017, n° 400585, Association « Epi d’Or ».

[11]CE, 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral Environnement Urbanisme «Bleu», n° 264819.

[12] CE, 26 janvier 2004, Association comité de défense du quartier des Sourcières, n° 260153 ; CE, 25 juin 2003, Commune de Saillagouse, n°233119.

[13] CE, 24 octobre 1997, SCI Hameau Piantarella, n°161043.

[14] Article L. 142-1 du code de l’environnement.

[15] Article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme.

[16] Article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme.

[17] CE, 10 juin 2015 Brodelle et Gino, n° 386121.

[18] CE, 13 mars 1987, Société albigeoise de spectacles, n° 55525.

[19] CE, 3 juillet 1987, Brouste, n°39287.

[20] CE, 22 février 2002, Société France Quick SA, n° 216088.

[21] CE, 29 mai 2017, n°  399556 ; CAA Bordeaux, 27 avril 2017, n° 17BX00107.

[22] CAA Nancy, 8 juin 2017, n° 16NC00520.

[23] CAA Nantes, 14 juin 2017, n° 15NT02010.

[24] CE, 12 avril 2016, M. Bartolomei, n° 389798.

[25] CAA Nancy, 30 mars 2017, n° 16NC00673.

[26] CAA Lyon, 18 juillet 2017, n° 17LY01384.

[27] CAA Nantes, 14 juin 2017, n° 16NT02323.

[28] CE 10 juin 2015 Brodelle et Gino, n° 386121.

[29] CAA Nantes 28 décembre 2016, 14NT03298.

[30] CAA Nantes 20 mars 2017, n° 16NT01901.

[31] CAA Marseille, 25 mars 2017, n° 15MA00542.

[32] CAA Versailles, 19 janvier 2017, n° 15VE02091.

[33] Article R.424-15 du code l’urbanisme.

[34] Article R. 600-2 du code de l’urbanisme.

[35] Article A. 424-16 du code de l’urbanisme

[36] Article A. 424-17 du code de l’urbanisme.

[37] Respectivement CE, 6 juillet 2012, n°339883 et CE, 1er juillet 2010, Centre Hospitalier de Menton, n° 330702.

[38]Article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

[39] Articles L. 211-1 et R. 312-1 du code de justice administrative.

[40] Article R. 411-1 du code de justice administrative.

[41] Articles R. 412-1 et suivants du code de justice administrative.

[42] Article. 411-3 du code de justice administrative.

[43] Article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

[44] CE, avis, 1er mars 1996, Association « Soisy Etiolles Environnement», n° 175126.

[45] Articles L. 422-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[46] Article L. 422-7 du code de l’urbanisme.

[47] Article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration.

[48] Article R. 431-7 du code de l’urbanisme.

[49] Ibid.

[50] Article L. 431-2 du code de l’urbanisme.

[51] Article R.431-30 du code de l’urbanisme.

[52] CAA Nantes, 25 mars 2011, Germain, n°09NT02820 ; CAA Bordeaux, 3 janvier 2012, SCI La Garluche, n°11BX00191.

[53] Article L. 422-4 du code de l’urbanisme.

[54] CE, 23 décembre 2011, Danthony, n°335033

[55] Article Annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

[56] Article L. 123-1 du code de l’environnement.

[57] Article L. 123-19 du code de l’environnement.

[58] Article R. 425-1 du code de l’urbanisme.

[59] Article R. 425-17 du code de l’urbanisme.

[60] Article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

[61] Article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme.

[62] Articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[63] Articles R. 111-2 à R.111-14 du code de l’urbanisme.

[64] Articles R. 111-15 à R.111-19 du code de l’urbanisme.

[65] Article R. 111-27 à R. 111-30 du code de l’urbanisme.

[66] Articles L. 151-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[67] Article R. 151-17 du code de l’urbanisme.

[68] Article R. 151-20 du code de l’urbanisme.

[69] Articles R. 151-23 et R. 151-25 du code de l’urbanisme.

[70] Articles R. 151-30 et suivants du code de l’urbanisme.

[71] Article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

[72] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[73] C.E., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[74] CE, 31 mars 2017, n° 392186, Société Savoie Lac Investissements

[75] Les dispositions de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme ne semblent pas y faire obstacle

[76] Cour de Cassation, 3 ème Civ, 13 octobre 2016, n° 15-23674