Un Permis de construire nommé provisoire

Le référé suspension a ceci de particulier qu’il est un recours accessoire au recours en annulation ou en réformation. Les mesures que peut ordonner le juge du référé suspension sont par nature provisoires, jusqu’à l’intervention du jugement au principal. Dès lors précise le Conseil d’Etat dans sa décision Commune de Bordeaux (CE, 7 octobre 2016, n° 395211), il doit également en aller de même pour les décisions prises en exécution d’une décision rendue en référé. Les permis de construire délivrés à la suite de la suspension d’une décision de refus ne dérogent pas à ce principe. Qualifiés de provisoire, ils peuvent ainsi être retirés de l’ordonnancement juridique, sous certaines conditions, à la levée de la suspension de la décision de refus.

Adoptée par la section du contentieux du Conseil d’Etat, cette décision Commune de Bordeaux (CE, 7 octobre 2016, n° 395211)est très riche en enseignement et d’une particulière complexité en ce qu’elle fait intervenir tous les grands principes applicables aux actes administratifs. Intéressante donc, elle méritait bien une publication au Lebon et que l’on s’y attarde longuement.

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Commentaire de la décision CE, 7 octobre 2016, n° 395211, Commune de Bordeaux :

« 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le maire de Bordeaux a, par un arrêté du 16 octobre 2013, refusé de délivrer à la société First Invest le permis de construire qu’elle avait sollicité pour la construction d’une maison et d’un garage ; que cette société a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et a saisi le juge des référés du même tribunal d’une demande de suspension de cet arrêté ; que, par une ordonnance du 7 mars 2014, le juge des référés a fait droit à la demande de suspension et a enjoint au maire de Bordeaux d’instruire à nouveau la demande de permis de construire et de se prononcer sur cette demande dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance ; que, par un arrêté du 28 juillet 2014, pris en visant cette ordonnance, le maire de Bordeaux a délivré un permis de construire à la société First Invest ; que, par une autre ordonnance du 5 août 2015, le président du tribunal administratif de Bordeaux a donné acte à cette société de son désistement, enregistré le 10 juillet 2015, dans le litige au fond ; que, par un arrêté du 8 octobre 2015, le maire de Bordeaux a, en conséquence, retiré le permis délivré le 28 juillet 2014 ; que, par une ordonnance du 26 novembre 2015, contre laquelle la commune de Bordeaux se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la société First Invest tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;
Sur le pourvoi de la commune de Bordeaux :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 11 du code de justice administrative :  » Les jugements sont exécutoires  » ; qu’aux termes de l’article L. 511-1 du même code :  » Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais.  » ; qu’aux termes de l’article L. 521-1 du même code :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision.  » ; qu’aux termes de l’article R. 522-13 du même code :  » L’ordonnance prend effet à partir du jour où la partie qui doit s’y conformer en reçoit notification (…) « .
3. Considérant, d’une part, que le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 précité, ne peut, sans excéder son office, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant la décision administrative contestée ;
4. Considérant, d’autre part, que si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l’article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l’autorité qui s’attache aux décisions de justice, obligatoires ; qu’il en résulte que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d’une décision administrative et qu’il n’a pas été mis fin à cette suspension – soit, par l’aboutissement d’une voie de recours, soit dans les conditions prévues à l’article L. 521-4 du code de justice administrative, soit par l’intervention d’une décision au fond – l’administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu’il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ; que, lorsque le juge des référés a suspendu une décision de refus, il incombe à l’administration, sur injonction du juge des référés ou lorsqu’elle est saisie par le demandeur en ce sens, de procéder au réexamen de la demande ayant donné lieu à ce refus ; que lorsque le juge des référés a retenu comme propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ce refus un moyen dirigé contre les motifs de cette décision, l’autorité administrative ne saurait, eu égard à la force obligatoire de l’ordonnance de suspension, et sauf circonstances nouvelles, rejeter de nouveau la demande en se fondant sur les motifs en cause ; 
5. Considérant, enfin, qu’une décision intervenue pour l’exécution de l’ordonnance par laquelle le juge des référés d’un tribunal administratif a suspendu l’exécution d’un acte administratif revêt, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation présenté parallèlement à la demande en référé ; qu’il en est notamment ainsi lorsque l’administration décide, à l’issue du réexamen faisant suite à la décision de suspension d’un refus prise par le juge des référés, de faire droit à la demande ; qu’eu égard à son caractère provisoire, une telle décision peut être remise en cause par l’autorité administrative ; 
6. Considérant que les règles rappelées aux points 3 à 5 sont notamment applicables aux décisions portant refus de permis de construire ; qu’en ce qui les concerne, il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ; que l’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d’un permis de construire provisoire à l’issue d’un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés ; 
7. Considérant qu’un permis de construire délivré à la suite du réexamen ordonné en conséquence d’une mesure de suspension prise sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative et pour l’exécution de l’ordonnance du juge des référés revêt un caractère provisoire ; qu’un tel permis peut être retiré à la suite du jugement rendu au principal sur le recours pour excès de pouvoir formé contre la décision initiale de refus sous réserve que les motifs de ce jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à ce que l’administration reprenne une décision de refus ; que cette décision de retrait doit toutefois intervenir dans un délai raisonnable, qui ne peut, eu égard à l’objet et aux caractéristiques du permis de construire, excéder trois mois à compter de la notification à l’administration du jugement intervenu au fond ; qu’elle ne peut en outre être prise qu’après que le pétitionnaire a été mis à même de présenter ses observations ; qu’il en est de même lorsque le bénéficiaire du permis se désiste de son recours en annulation, mettant ainsi un terme à l’instance engagée au fond, auquel cas le délai court à compter de la notification à l’administration de la décision donnant acte du désistement ; qu’il en va également ainsi s’il est mis fin à la suspension par une nouvelle décision du juge des référés dans les conditions prévues à l’article L. 521-4 du code de justice administrative ou du fait de l’exercice d’une voie de recours contre la décision du juge des référés ; 
8. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme :  » (…) Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire.  » ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces dispositions, sur lesquelles s’est fondé le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux pour suspendre l’exécution de l’arrêté du 8 octobre 2015 mettant fin au permis de construire provisoire délivré à la société First Invest, ne sont pas applicables au retrait, dans les conditions rappelées ci-dessus, d’un permis de construire délivré à titre provisoire ; que, par suite, la commune de Bordeaux est fondée à soutenir qu’en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué, le juge des référés a commis une erreur de droit ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Bordeaux est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;
9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la demande de référé de la société First Invest :
10. Considérant que la société Campistron-Sagardia, qui a acquis auprès de la société First Invest le terrain d’assiette sur lequel porte le permis de construire litigieux, et la société Lesa, qui a acquis ce même terrain auprès de la société Campistron-Sagardia, justifient, eu égard à la nature et à l’objet du litige, d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande de la société First Invest ; que leurs interventions doivent, dès lors, être admises ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le moyen tiré de ce que l’arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le maire de Bordeaux a retiré le permis provisoire délivré à la société First Invest méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, dès lors, d’une part, qu’il ne fait état d’aucune illégalité entachant le permis de construire délivré à titre provisoire et justifiant qu’il soit rapporté et, d’autre part, qu’il est intervenu au-delà du délai de trois mois à compter de la délivrance du permis prévu par ce même article, n’est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; que, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l’existence d’une situation d’urgence, la demande de la société First Invest doit être rejetée ; « 

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Commentaire publié dans la revue JCP. A n° 15, du 18 avril 2017

Sécurisation des documents d’urbanisme et des délibérations du conseil municipal : le travail continue

Par cette décision, CE, 12 oct. 2016, n° 387308, Commune de Saint Michel-Chef-Chef, le Conseil d’État aménage plusieurs règles de procédures affectant le droit de l’urbanisme afin de mieux tenir compte des préoccupations des élus, confrontés à des textes jugés trop rigides ou incohérents. Ces aménagements ont pour effet de réduire les risques d’annulation des documents d’urbanisme.

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Commentaire de la décision CE, 12 oct. 2016, n° 387308, Commune de Saint Michel-Chef-Chef :

« 6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité ; que, de même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération ; que, cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel ;

7. Considérant que la délibération litigieuse détermine des prévisions et règles d’urbanisme dont le champ d’application s’étend à l’ensemble de la commune ; que si la cour a relevé qu’une conseillère municipale, épouse du gérant d’un supermarché de la commune dont le plan local d’urbanisme approuvé par la délibération litigieuse rendrait possibles le déplacement et l’extension, avait pris part au vote lors de la séance du 16 décembre 2010 au cours de laquelle ce plan a été approuvé, elle a également relevé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette conseillère aurait pris une part active aux débats relatifs à ce plan ; qu’en en déduisant que la participation au vote de cette conseillère municipale n’avait pas entaché d’irrégularité la délibération litigieuse, qui ne pouvait être regardée comme ayant pris en compte, du fait de l’influence qu’aurait exercée cette élue, son intérêt personnel, et en écartant ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

(…)

14. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au plan local d’urbanisme en litige :  » Les plans locaux d’urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. En l’absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent être compatibles, s’il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 (…)  » ; qu’en vertu du dernier alinéa de l’article L. 146-1 du même code, alors applicable, en l’absence de directives territoriales d’aménagement en précisant les modalités d’application, les dispositions particulières au littoral prévues aux articles L. 146-1 à L. 146-9  » sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, pour l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement  » ; que le III de l’article L. 146-4 du même code disposait que :  » En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (…)  » ;

15. Considérant que c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a relevé que seules des parcelles situées dans les espaces urbanisés avaient été classées en zone urbaine au sein de la bande des cent mètres ; que, par ailleurs, M. B… n’est pas fondé à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas, pour écarter son moyen tiré de ce que le plan local d’urbanisme était incompatible avec les dispositions précitées du III de l’article L 146-4 du code de l’urbanisme, s’il comportait des dispositions particulières imposant le respect de l’interdiction que prévoient ces dispositions, dès lors, d’une part, que le plan local d’urbanisme n’est pas tenu de réitérer ces dispositions et que le requérant ne faisait état d’aucune méconnaissance par le plan litigieux de l’interdiction en cause et, d’autre part, qu’il appartient dans tous les cas à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol d’en assurer le respect ;

(…)

En ce qui concerne l’application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :

17. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, créé par l’article 137 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dans sa rédaction applicable à l’arrêt attaqué :  » Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (…) / 2° En cas d’illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables  » ; que ces dispositions, qui instituent des règles de procédure qui ne concernent que les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours ;

18. Considérant que, ainsi qu’il a été dit, la cour a sursis à statuer après avoir constaté qu’aucun des moyens soulevés par M.B…, à l’exception du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2122-12 du code général des collectivités territoriales, n’était, selon elle, fondé ; qu’elle a relevé que cette irrégularité, intervenue postérieurement au débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables, était susceptible de régularisation par une nouvelle délibération respectant l’obligation d’information des conseillers municipaux imposée par le code général des collectivités territoriales ; que, contrairement à ce que soutient M.B…, elle n’a commis sur ce point aucune erreur de droit, la circonstance qu’une nouvelle délibération du conseil municipal soit nécessaire ne pouvant faire obstacle à ce qu’une irrégularité de la délibération initiale soit régularisée ;

19. Considérant que, dès lors qu’elle n’avait retenu qu’un vice de procédure et relevé, sans erreur de droit, que celui-ci entrait dans les prévisions du 2° de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, la cour pouvait, sur le fondement de cet article, prononcer un sursis à statuer sur la requête de M.B…, tout en impartissant à la commune de Saint-Michel-Chef-Chef un délai pour régulariser la délibération attaquée ;

20. Considérant, il est vrai, que, ainsi qu’il a été dit au point 10 ci-dessus, c’est au prix d’une erreur de droit que la cour a écarté le moyen tiré de l’illégalité de la création des zones Nh ;

21 Considérant que la circonstance que le juge décide l’annulation partielle d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme au motif que certaines dispositions divisibles de ce plan sont entachées d’illégalité ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que, pour le reste de la délibération, il fasse application des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, si les conditions qu’elles posent sont remplies »

 

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Commentaire publié dans la revue JCP. A n° 15, du 18 avril 2017

Permis de construire et loi littoral

La loi littoral a pour objet de préserver les côtes françaises des ravages de l’urbanisation. La délivrance des permis de construire sur les espaces situés près des mers, océans, lacs ou estuaires est ainsi strictement encadrée. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est soumise à la loi littoral.

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Peut-on construire sur le littoral ? Voilà une question qui intéresse aussi bien le promoteur immobilier que tout défenseur de l’environnement.

Le littoral français mesure plus de 7 500 km. D’une richesse et d’une diversité particulières, il est également très fragile. La pression urbaine qui s’exerce aux abords du littoral n’arrange guère la situation. Le bétonnage des côtes a en effet pour conséquence de porter atteinte à la beauté des sites, à la préservation des équilibres biologiques et écologiques et à la lutte contre l’érosion.

Votée à l’unanimité par les parlementaires, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, vise à encadrer les règles d’occupation et d’utilisation des sols aux abords du littoral. Ce sont les dispositions de cette loi, codifiées aujourd’hui aux articles L. 121-1 et suivants du code de l’urbanisme, qui règlementent les possibilités de construire et d’aménager les terrains situés sur le littoral français.

L’objet de la présente note sera d’étudier les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est soumise à la loi Littoral.

 

1 – QU’EST CE QUE LA LOI LITTORAL ?

La loi Littoral vise à encadrer les conditions d’utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres dans les communes littorales, c’est-à-dire dans les communes qui sont notamment riveraines des mers, océans, estuaires, étangs salés ou lacs[1].

 

2 – QUE PREVOIT LA LOI LITTORAL ?

La loi Littoral règlemente les possibilités et modalités de construction et d’aménagement des terrains situés dans les communes littorales.

Les dispositions de cette loi contiennent d’une part des règles applicables sur tout le territoire de la commune littorale (2.1) et, d’autre part, des règles plus spécifiques s’agissant des espaces situés à proximité du littoral (2.2).

 

2.1 – Les mesures applicables sur tout le territoire des communes littorales

Lorsque le territoire de la commune est couvert par un document d’urbanisme, celui-ci doit tenir compte de la particularité des espaces qu’il règlemente (2.1.1). 

Les modalités d’extension de l’urbanisation sont par ailleurs encadrées, que le territoire de la commune soit couvert ou non par un document d’urbanisme (2.1.2).

 

2.1.1 – Les dispositions spécifiques applicables aux documents d’urbanisme

Les dispositions spécifiques applicables aux documents d’urbanisme ne sont pas directement opposables aux permis de construire. Mais dans l’hypothèse où le document d’urbanisme serait illégal, le permis de construire qui a été délivré sur la base de ce document, illégal, pourrait également faire l’objet d’une annulation. 

 

2.1.1.1 – La détermination de la capacité d’accueil

Les documents d’urbanisme (Plan local d’urbanisme (PLU), Schéma de cohérence territoriale (SCOT), carte communale, etc.) doivent déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser. Pour déterminer cette capacité d’accueil, ils doivent prendre en compte la préservation de la faune et de la flore, de l’existence des risques littoraux ou encore des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels[2].

La notion de capacité d’accueil est difficilement quantifiable. Elle vise surtout à préserver l’objectif d’équilibre entre le développement de l’urbanisation et le respect du milieu naturel.

Ainsi, dans l’hypothèse où une mauvaise évaluation de la capacité d’accueil mettrait en péril un espace à protéger, le document d’urbanisme litigieux pourrait faire l’objet d’une annulation[3].

 

2.1.1.2 – La préservation des coupures d’urbanisation

Les SCOT et les PLU doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation[4].

Ce principe a pour objet d’éviter l’urbanisation de tout le littoral et de mieux répartir les espaces bâtis.

Les SCOT et les PLU ont ainsi l’obligation de prévoir une ou plusieurs coupures naturelles selon les circonstances géographiques propres à chaque territoire[5].

 

2.1.1.3 – La préservation des espaces remarquables

Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques doivent faire l’objet d’une protection particulière[6].

Il s’agit notamment des parties naturelles des sites inscrits ou classés, des dunes, des zones humides et milieux temporairement immergés ou des milieux abritant des concentrations naturelles d’espèces animales ou végétales[7].

En l’absence de document d’urbanisme, ces prescriptions sont également directement opposables aux demandes de permis de construire.

En conséquence, seuls des aménagements légers doivent être autorisés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public.

Il peut s’agir par exemple des cheminements piétonniers et cyclables ou des aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles, pastorales et forestières[8].

 

2.1.2 – Les dispositions relatives aux modalités d’extension de l’urbanisation

Dans les communes littorales, les modalités d’extension de l’urbanisation sont encadrées. Cet encadrement s’applique à tout terrain situé sur le territoire de la commune, que ce terrain soit ou non situé à proximité du rivage[9].

Au sens de la loi Littoral, il y a extension de l’urbanisation lorsqu’un terrain n’est pas situé dans une zone déjà urbanisée, c’est-à-dire dans une zone caractérisée par une densité significative des constructions[10].

Dans une telle hypothèse, même l’agrandissement d’une construction existante pourra être considéré comme étant une extension[11].

L’extension de l’urbanisation n’est admise que si elle se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement[12].

Tout d’abord, l’extension de l’urbanisation est autorisée si elle se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Elle n’est autrement dit autorisée que si elle se réalise dans les zones déjà urbanisées, c’est-à-dire dans les zones caractérisées par une densité significative des constructions aux destinations variées (habitations, commerces, bureaux, etc.)[13] .

A contrario, aucune extension ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations et villages existants[14].

A titre d’exemple, constitue une zone d’urbanisation diffuse un terrain, qui malgré le fait qu’il jouxte sur plusieurs de ses côtés des parcelles construites, est situé à l’intérieur d’une zone, délimitée par des routes, qui comprend, à l’ouest, une zone d’habitat dispersé le séparant d’un village, et à l’est, un vaste espace demeuré pour l’essentiel à l’état naturel[15].

Ensuite, l’extension de l’urbanisation est autorisée si elle se réalise en continuité avec les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Une telle extension doit toutefois être prévue par les documents d’urbanisme locaux, comme le plan local d’urbanisme[16].

Un hameau nouveau intégré à l’environnement se caractérise par la réalisation d’un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l’organisation s’inscrivent dans les traditions locales.

A titre d’exemple, il a été jugé que constituait un hameau nouveau intégré à l’environnement (provençal en l’espèce), un projet immobilier dont les constructions seraient implantées autour d’un espace commun constitué par une rue centrale, sur laquelle donneraient toutes les portes d’entrée des maisons, et d’une petite place de 500 m² avec une fontaine et un boulodrome[17].

A contrario, il a été jugé que ne constituait pas un hameau nouveau intégré à l’environnement, des habitations édifiées, au fil des années, de manière éparse et sans projet d’insertion dans le site[18].

Ces deux principes ne s’appliquent toutefois pas lorsque les projets de construction sont liés aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées.

 

2.2 – Les mesures applicables à proximité des rivages

 

2.2.1 – L’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage

Dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation peut être autorisée si elle est prévue par le plan local d’urbanisme. Ce dernier doit toutefois justifier et motiver cette extension selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau[19].

Ces critères ne sont néanmoins pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional par exemple.

En l’absence de ces documents, l’urbanisation peut néanmoins être réalisée avec l’accord du préfet. Le préfet doit alors, au préalable, obtenir l’avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, laquelle appréciera l’impact de l’urbanisation sur la nature.

En tout état de cause, cette extension devra toujours être limitée[20].

Trois critères doivent être pris en compte pour qualifier une zone d’espace proche du rivage, à savoir la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la covisibilité entre cette zone et le plan d’eau[21]. Tout dépendra donc du contexte géographique local.

Une zone a ainsi été qualifiée d’espace proche du rivage dans la mesure où elle était située entre 180 mètres et 800 mètres des rives d’un lac, dont elle n’était séparée que par quelques habitations et dont la partie est était visible de ces rives[22].

En revanche un terrain ne peut être regardé comme constituant un espace proche du rivage dans la mesure où il est situé dans le prolongement immédiat d’une zone entièrement urbanisée, qui la sépare du rivage de la mer, distant d’environ 800 mètres, et interdit toute covisibilité entre ce terrain et la mer[23].

Ces dispositions sont applicables indépendamment du caractère urbanisé ou non de l’espace dans lequel se situent les constructions envisagées[24]. Peu importe donc que la zone en question soit déjà urbanisée. Seule importera le fait que cette extension de l’urbanisation soit limitée.

 

2.2.2 – L’interdiction de l’urbanisation dans la bande littorale des 100 mètres

Les constructions sont en principe interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs[25].

Cette interdiction concerne aussi bien les constructions nouvelles que celles portant extension d’une construction existante[26].

Il existe cependant deux exceptions importantes à ce principe.

Tout d’abord, l’interdiction de construire dans la bande littorale des 100 mètres ne s’applique pas dans les espaces déjà urbanisés.

Ensuite, cette interdiction ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau (ce qui n’est pas le cas des bars restaurants[27]).

Par ailleurs, le plan local d’urbanisme peut porter la largeur de la bande littorale à plus de cent mètres, lorsque des motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l’érosion des côtes le justifient.

En revanche, on notera qu’en Corse, le plan d’aménagement et de développement durable peut autoriser en dehors des espaces urbanisés dans la bande littorale des 100 mètres des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l’accueil du public (comme des paillottes), à l’exclusion de toute forme d’hébergement[28]

 

3 – COMMENT S’ARTICULE LE PERMIS DE CONSTRUIRE AVEC LA LOI LITTORAL ?

Dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d’aménagement, ou par un document en tenant lieu, la demande de permis de construire doit en principe être conforme avec les prescriptions édictées par ce document d’urbanisme. Et ce n’est qu’en l’absence d’un tel document, que la demande de permis de construire doit être conforme avec les dispositions de la loi Littoral[29].

De plus, dans le cas où le territoire de la commune serait couvert par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu, la circonstance que la demande de permis de construire respecte les prescriptions du plan local d’urbanisme peut ne pas suffire à assurer sa légalité au regard des dispositions de la loi Littoral (ou de la directive territoriale d’aménagement, ou du document en tenant lieu, en présence d’une telle directive)[30].

D’une part, certaines dispositions de la loi Littoral autorisent le PLU à opérer des choix en matière d’urbanisme. Ainsi en est-il de la possibilité de créer des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement [31]. Dans cette hypothèse, la conformité du permis de construire avec le PLU, suffit à rendre ce projet conforme avec les dispositions de cette loi. Ainsi, lorsque le terrain d’assiette du projet de demande de permis de construire est situé dans une zone destinée par le PLU à l’accueil d’un hameau nouveau, cette situation suffit à rendre ce permis légal par rapport aux dispositions de la loi Littoral (sous réserve que cette zone soit compatible avec les dispositions de la loi Littoral)[32].

D’autre part, et revanche, certaines dispositions de la loi Littoral n’autorisent pas le PLU à opérer des choix. Elles s’imposent directement aux demandes de permis de construire, au regard de leur précision et de leur caractère impératif. C’est par exemple le cas du principe selon lequel, en dehors des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, l’extension de de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants[33].

Dans cette hypothèse, la conformité de la demande de permis de construire au PLU ne permet pas d’assurer la conformité du permis de construire avec le principe précité contenu dans la loi Littoral. De sorte que la demande de permis de construire doit également, et indépendamment de sa conformité avec le PLU, être conforme avec les dispositions de la loi Littoral en cause.  

Par voie de conséquence, le principe selon lequel l’extension de l’urbanisation, en dehors des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants est directement applicable aux demandes d’autorisation d’urbanisme. De sorte, que le permis de construire ne peut être accordé que si le projet lui-même est réalisé en continuité avec les agglomérations et villages existants, quand bien même donc le PLU légalement applicable aurait ouvert à l’urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d’assiette du projet[34].

Articulation du PLU avec la loi Littoral

 

4 – LE PERMIS DE CONSTRUIRE DOIT IL ÊTRE DÉLIVRÉ AU REGARD DES SEULES RÈGLES CONTENUES DANS A LOI LITTORAL  ?

Dans les communes littorales, la loi Littoral n’édicte que des limitations minimales des possibilités de construire (l’interdiction de construire dans les zones d’urbanisation diffuse par exemple) que toute demande d’occupation ou d’utilisation des sols doit respecter.

Les auteurs des documents locaux d’urbanisme demeurent en conséquence libres, en fonction de considérations propres à leur territoire, de compléter les dispositions de cette loi dans le sens de la sévérité, en interdisant ou en encadrant les partis d’urbanisme là où cette loi n’y ferait pas obstacle.

Ils peuvent ainsi élargir la bande des 100 mètres sur laquelle est en principe interdite toute construction ou ne pas classer en zone constructible des zones situées en continuité avec les villages et agglomérations existantes.

En d’autres termes, les prescriptions contenues dans la loi littoral complètent et s’ajoutent aux autres prescriptions d’ordre générale figurant par exemple dans les documents d’urbanisme (le PLU ou le SCOT par exemple).

Par conséquent, la demande de permis de construire doit non seulement respecter les dispositions figurant dans la loi Littoral mais aussi toutes les autres règles du droit de l’urbanisme applicables pour le projet en question.

Ainsi ce n’est pas parce qu’un projet respecterait les dispositions de la loi littoral que pour autant il serait conforme au droit de l’urbanisme.

D’une part donc, en présence d’un PLU ou d’un document en tenant lieu, le terrain d’assiette du projet doit être situé dans une zone ouverte à l’urbanisation par le PLU. Dans le cas contraire, aucun permis de construire ne pourra en principe être délivré.

D’autre part, et d’une manière plus générale, le projet doit respecter l’ensemble des règles d’urbanisme applicables au terrain d’assiette du projet, dont les dispositions d’ordre impératif figurant dans le règlement national d’urbanisme.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire pouvait valablement refuser de délivrer un permis de construire pour un projet, certes, en zone constructible mais dont le terrain d’assiette était situé à proximité d’une falaise présentant des risques d’érosion marine[35].

De même, il a été jugé qu’un maire pouvait valablement refuser de délivrer un permis de construire  portant sur la réalisation d’un groupe de cinq maisonnettes compte tenu du fait que ce projet allait surplomber une vaste zone littorale naturelle, comprenant des terrains boisés, vierges de constructions, et un marais salant. Le juge a ainsi considéré que ce projet porterait atteinte au paysage avoisinant dont l’aspect sauvage fait la spécificité et la valeur[36].

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[1] Article L. 321-2 du code de l’environnement.

[2] Article L. 121-21 du code de l’urbanisme.

[3] CE, 12 déc. 1997, n° 149500.

[4] Article L. 121-22 du code de l’urbanisme.

[5] CAA Bordeaux, 1re ch., 19 juin 1997, n° 94BX01012

[6] Articles L. 121-23 et suivants du code de l’urbanisme.

[7] Article R. 121-4 du code de l’urbanisme

[8] Article R. 121-5 du code de l’urbanisme

[9] CE, 27 sept. 2006, n° 275924, Cne du Lavandou

[10] CAA Nantes, 28 févr. 2014, n° 12NT01411

[11] CE, 9 nov. 1994, n° 121297, Constantini

[12] Article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

[13] CAA Bordeaux, 12 janvier 2017, n° 15BX00373.

[14] CE, 19 oct. 2007, n° 306074.

[15] CAA Nantes, 28 septembre 2016, n° 14NT03392.

[16] CE, 3 avr. 2014, Commune de Bonifacio n° 360902

[17] CAA Marseille, 16 mai 2012, n° 10MA03021, Cne de Bonifacio.

[18] CE, 27 mai 2009, n° 299552.

[19] Article L. 121-13 du code de l’urbanisme.

[20] CE, 12 févr. 1993, n° 128251

[21] CE, 3 juin 2009, n° 310587.

[22] CAA Bordeaux, 30 déc. 2004, n° 00BX01787.

[23]  CE, 3 mai 2004, n° 251534.

[24] CE, 30 juill. 2003, SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D’ANTIBES, n° 203766

[25] Article L. 121-16 du code de l’urbanisme.

[26] CE, 21 mai 2008, n° 297744

[27] CE, 9 oct. 1996, Union départementale Vie et Nature, n° 161555

[28]  Article L. 4424-12 du CGCT.

[29] CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto Vecchio ; CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[30] CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto Vecchio ; CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[31] CE, 3 avr. 2014, n° 360902, Commune de Bonifacio

[32] CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[33] Article L. 121-8 du Code de l’urbanisme

[34] CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[35] CAA Bordeaux, 17 janvier 2017, 15BX02883.

[36] CE, 21 mars 2001, n° 190043

 

 

 

 

Permis de construire et zone inondable

Un terrain situé en zone inondable peut constituer un motif de refus de permis de construire. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque d’inondation.

*

 *   *

Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème.

Une inondation peut être définie comme la submersion de terres émergées.

Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine d’une inondation, comme : le débordement d’un cours d’eau, une submersion marine, les ruissellements urbains ou agricoles, la rupture d’un ouvrage hydraulique (une digue ou un barrage par exemple), etc.

Le risque d’inondation sera plus ou moins important selon :

– la probabilité de survenue de l’inondation : importante (annuelle), moyenne (décennale) ou faible (centennale) ;

– l’intensité de l’inondation : hauteur de la submersion, vitesse de survenue, durée de la submersion, etc. ;

– les conséquences négatives liées à l’inondation : pour l’homme et ses biens, pour l’activité économique et pour l’environnement. 

La prévention et la limitation des risques d’inondation sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser de délivrer les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques d’inondation sont les plus importants, notamment près des côtes et des cours d’eau. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser de délivrer systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé à un risque d’inondation.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone inondable.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

Il existe par ailleurs des documents de planification qui, même s’ils ne sont pas directement opposables aux demandes de permis de construire, peuvent malgré tout conditionner leur légalité. Cela sera surtout le cas pour les projets immobiliers d’une certaine importance. Nous présenterons les principaux documents de planification (IV).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation.

 

                A – Présentation du plan de prévention des risques d’inondation

Le plan de prévention des risques d’inondation doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. C’est le document le plus important pour prévenir et limiter les risques d’inondation en raison de son caractère précis et de son opposabilité direct aux permis de construire

Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques des risques d’inondation peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation pourra interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement pourra, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

               

B – L’interdiction d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Lorsque le plan de prévention des risques d’inondation prévoit, pour une zone inondable, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[4], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[5]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[6] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs[7].

 

C – La possibilité d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Si le plan de prévention des risques d’inondation ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte du risque d’inondation et permet d’assurer la sécurité des occupants, des riverains et des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque d’inondation que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[8].

Le plan de prévention des d’inondation doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[9]. Mais ce dernier ne doit pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

Les plans locaux d’urbanisme ont, en autres, pour objet d’établir les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de commune[10].

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones inondables[11].

Dans de telles zones, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, interdire la réalisation des remblais pour ne faire obstacle au libre écoulement des eaux, etc.

L’existence d’un risque d’inondation ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[12]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque d’inondation auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[13].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques d’inondation ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque d’inondation peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[14]

C’est sur la base de cet article que les permis de construire sont en principe refusés lorsqu’un terrain n’est pas rendu inconstructible par un plan de prévention des risques d’inondation ou un plan local d’urbanisme.

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation[15].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques des risques d’inondation.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[16].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’inondation était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’inondation, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre un tel risque. En l’espèce, les mesures destinées à l’évacuation des eaux pluviales ont été jugées insuffisantes[17].

De même, si à la suite d’une catastrophe naturelle majeure (comme la tempête Xynthia), il s’avère que les prescriptions contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation sont insuffisantes ou ne sont plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire, le maire pourra refuser de délivrer le permis sollicité sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[18].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[19].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[20].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone inondable ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens, il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’une maison à usage d’habitation située dont la majeure partie du terrain d’assiette sera située zone à risque élevé et moyen d’inondation, dès lors que la construction projetée sera édifiée sur une zone non inondable de ce terrain et qu’il sera en outre prévu un bassin de régulation des eaux pluviales, dont le volume sera calculé en fonction des surfaces imperméabilisées[21].

 

IV – Les documents de planification

 

A – Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux est un document de planification qui fixe pour chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques les orientations ayant pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. A ce titre, il doit veiller à définir les orientations permettant la prévention des inondations[22].

Ces orientations sont ensuite définies et détaillées de manières plus précise, pour chaque sous bassin ou pour un groupement de sous-bassins, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux[23].

Les schémas de cohérence territoriale[24], les plans locaux d’urbanisme, les plans de prévention des risques d’inondation[25] et les plans de gestion des risques d’inondation[26] doivent être compatibles avec les orientations contenues dans les SDAGE et SAGE. Un secteur ouvert à l’urbanisation par un arrêté préfectoral a ainsi été annulé car il compromettait les objectifs établis par un SDAGE[27].

 

B – Le Plan de gestion des risques d’inondation

Le plan de gestion des risques d’inondation couvre, à l’échelon de chaque bassin ou groupement de bassins, les territoires dans lesquels il existe un risque important d’inondation ayant des conséquences de portée nationale[28].

Ces plans doivent définir les grands objectifs destinés à réduire les conséquences négatives des inondations. A ce titre, ils comprennent des mesures destinées à réduire la vulnérabilité des territoires face aux risques d’inondation, à travers notamment le développement d’un mode durable d’occupation et d’exploitation des sols et une maîtrise de l’urbanisation.

Le plan de gestion des risques d’inondation doit être compatible avec les objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

En revanche, les schémas de cohérence territoriale[29], les plans locaux d’urbanisme [30] et les plans de prévention des risques d’inondation[31] doivent être compatibles avec les objectifs de gestion des risques d’inondation définis par le plan de gestion des risques d’inondation. Leur incompatibilité avec ce dernier pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme qui aurait méconnu les objectifs poursuivis par ce plan.

 

C – Le Schéma de cohérence territoriale

 Le schéma de cohérence territoriale est un document d’urbanisme et de planification mis en place à l’échelle de plusieurs communes[32].

Il a pour objet de définir les orientations générales d’aménagement et de développement du territoire qu’il couvre au regard notamment de la prévention des risques.

A ce titre, il doit déterminer les objectifs poursuivis en matière de protection des espaces naturels et de développement de l’urbanisation en tenant compte des risques d’inondation. 

A ce titre, le schéma de cohérence territoriale doit être compatible avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux et les plans de gestion des risques d’inondation[33] qui lui est applicable.

En revanche, certains documents d’urbanisme, comme les plans locaux d’urbanisme, et certaines autorisations, comme les autorisations d’exploitation commerciale, doivent être compatibles avec le schéma de cohérence territoriale auquel ils sont soumis[34]. Leur incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme incompatible avec ce schéma.

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] CE., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[5] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[6] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[7] CAA Marseille 12 janvier 2016, n°14MA02489.

[8] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[9] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[10] Articles L. 151-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[11] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[12] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[13] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[14] CE, 7 févr. 2003, n° 193908.

[15] CE, 16 févr. 2007, n° 276363

[16] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[17] CAA Douai, 23 janvier 2014, n° 12DA01201   .

[18] CAA Bordeaux, 4 octobre 2016, n°14BX03630.  

[19] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[20] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[21] CAA Marseille, 29 octobre 2015, n°13MA02511.

[22] Article L. 212-1 du code de l’environnement.

[23] Article L. 212-3 du code de l’environnement.

[24] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[25] Article L. 212-1, XI du code de l’environnement

[26] Article L. 566-7 du code de l’environnement

[27] CAA Lyon, 1re ch., 3 mai 2005, n° 99LY01983

[28] Article L. 566-7 du code de l’environnement.

[29] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[30] Article L. 131-7 du code de l’urbanisme.

[31] Article L. 562-1 du code de l’environnement

[32] Articles L. 141-1 et suivants du code de l’urbanisme

[33] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme.

[34] Article L. 142-1 du code de l’urbanisme.

Permis de construire et risques naturels

Risque d’inondation, risque d’incendie, risque de mouvement de terrain, etc., autant de motifs qui peuvent justifier le refus de délivrer un permis de construire, et ainsi compromettre la réalisation d’un projet immobilier. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

 

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Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème – zone inondable et zone humide (ce qui justifiera que l’on s’attarde davantage sur ce risque).

La prévention et la limitation des risques naturels sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques naturels sont les plus importants, notamment près des côtes où les risques d’incendie et d’inondation sont les plus élevés. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé au risque en question.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

 

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété, instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation, de plan de prévention des risques d’incendie de forêt (PPRIF), lorsque le plan traite des problèmes d’incendie, de plan de prévention des risques de mouvement de terrain (PPRM), lorsque le plan traite des problèmes de mouvement de terrain, etc.

A cet égard, un même plan peut très bien concerner plusieurs risques si la zone en question est confrontée à une multitude de phénomène naturel. Il arrive ainsi qu’en zone littorale, un même plan traite à la fois des thématiques d’inondation (notamment de submersion marine) et de mouvement de terrain (notamment d’érosion côtière).

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques naturels, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation peut interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement peut, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

Autrement, si le plan de prévention des risques ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte des risques d’inondation (ou d’un autre risque) et permet d’assurer la sécurité des occupants ou des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque en question que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[4].

Mais à l’inverse, lorsque le plan de prévention des risques naturels prévoit pour une zone donnée, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[5], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[6]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[7] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs.

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[8]. Ce dernier ne doit cependant pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques naturels primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

 

Les documents d’urbanisme locaux, comme les plans locaux d’urbanisme, doivent également veiller à prévenir les risques naturels.

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones à risque[9].

Dans les zones soumises à des risques d’inondation, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, etc.

L’existence d’un risque naturel ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[10]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque naturel auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[11].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

 

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque naturel peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[12].

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels (hypothèse qui inclut également l’absence du risque en question par le plan de prévention)[13].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[14].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’incendie était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’incendie de forêt, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre de tels risques. En l’espèce, il était reproché au pétitionnaire de ne pas avoir prévu des poteaux d’incendie suffisamment alimentés en eau[15].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[16].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[17].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone à risque ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’un immeuble situé dans une zone de gypse où l’aléa de risque naturel était qualifié de moyen, dès lors que le projet en question n’aggravait ou ne mettait en péril le terrain et ceux avoisinants[18].

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] C.E., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[5] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[6] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[7] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[8] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[9] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[10] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[11] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[12] CAA Marseille, 16 juin 2011, n° 09MA01318.

[13] CE, 16 févr. 2007, n° 276363.

[14] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[15] CAA Marseille, 1er juin 2011, n° 09MA00223.

[16] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[17] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[18] CAA Versailles, 2e ch., 14 mars 2013, n° 11VE02726.

De la visibilité depuis un monument historique

Un immeuble situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ne peut faire l’objet d’aucuns travaux de nature à en affecter l’aspect sans une autorisation préalable. L’article L. 621-30 du Code du patrimoine dispose qu’est considéré comme étant situé dans le champ de visibilité de cet édifice protégé tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument. La présente décision apporte une précision à cette disposition que ni les textes ni la jurisprudence n’avaient jusque-là formulée, à savoir que la visibilité depuis un édifice classé ou inscrit s’apprécie à partir de tous ses points normalement accessibles conformément à sa destination ou à son usage.

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Commentaire de la décision CE, 20 janv. 2016, n° 365987, Commune de Strasbourg :

« 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés est propriétaire d’une parcelle située au 4 rue de l’Eglise à Strasbourg ; que le maire de Strasbourg lui a délivré par un arrêté du 4 septembre 2007 un permis de démolir, par un arrêté du 14 septembre 2007 un permis de construire et par un arrêté du 21 mai 2008 un permis de construire modificatif ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. et MmeA…, propriétaires de la parcelle voisine, tendant à l’annulation du permis du 14 septembre 2007 et du permis modificatif du 21 mai 2008 ; que, par un arrêt du 13 décembre 2012, la cour administrative d’appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. et Mme A…tendant à l’annulation des permis en cause, a annulé ces derniers puis a rejeté le surplus de la demande de M. et MmeA… ; que la commune de Strasbourg et la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant que les pourvois de la commune de Strasbourg et de la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés sont dirigées contre le même arrêt ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité de l’arrêt attaqué :
3. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision ;
4. Considérant qu’en l’espèce, la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés a produit un mémoire, enregistré le 20 novembre 2012 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, soit après le 19 novembre 2012, date de la clôture de l’instruction devant cette cour en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative ; que si ce mémoire comportait en annexe des photographies venant au soutien de son argumentation relative à la visibilité de la construction projetée depuis la cathédrale, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société n’aurait pas été en mesure d’en faire état avant la clôture de l’instruction ; que, par suite, en refusant de rouvrir l’instruction après l’enregistrement du mémoire de la société, la cour n’a pas entaché son arrêt d’irrégularité ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-31 du code du patrimoine :  » Lorsqu’un immeuble est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucun déboisement, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect, sans une autorisation préalable  » ; qu’aux termes de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme  » Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (…) le permis de construire, le permis d’aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l’objet de l’accord de l’architecte des Bâtiments de France  » ; qu’aux termes de l’article L. 620-30-1 du code du patrimoine :  » Est considéré, pour l’application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres  » ; que la visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage ;
6. Considérant, en premier lieu, qu’en estimant que la visibilité depuis la cathédrale s’appréciait aussi à partir de sa plate-forme, située à 66 mètres de hauteur, la cour n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les pièces du dossier soumis au juge du fond dès lors que cette plate-forme était accessible conformément à l’usage du bâtiment ; que le fait qu’elle a, par ailleurs, relevé la circonstance, inopérante, que cette plate-forme était normalement accessible au public, est sans incidence sur le bien-fondé de son arrêt ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu’en se fondant, pour estimer que le projet de construction litigieux était visible depuis la plate-forme de la cathédrale de Strasbourg, sur une photographie de l’emplacement de la construction projetée et un rapport établi par un ingénieur-géomètre, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des éléments de fait produits devant elle, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui étaient soumises ; que cette appréciation ne saurait être remise en cause au vu de pièces produites pour la première fois en cassation ;
8. Considérant, enfin, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’avis de l’architecte des bâtiments de France du 28 août 2007 sur le projet en litige n’a pas pris en compte la visibilité de ce dernier depuis la cathédrale de Strasbourg ; que c’est, dès lors et compte tenu de ce qui précède, sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que cet avis ne permettait pas de s’assurer qu’un contrôle prenant en compte ce monument classé avait bien été réalisé par cet architecte et qu’ainsi l’autorisation prévue par les articles L. 621-31 du code du patrimoine et R. 425-1 du code de l’urbanisme ne pouvait être regardée comme ayant été régulièrement accordée(…)« 

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Commentaire publié dans la revue JCP A n°35 du 5 septembre 2016

Article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme : Le voisin immédiat justifie en principe d’un intérêt à agir

L’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme impose à tout requérant qui saisit le juge de l’excès de pouvoir d’un recours contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir. À défaut, son recours sera déclaré irrecevable, et, lorsque cette irrecevabilité sera manifeste, le juge pourra rejeter ce recours par ordonnance sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative. Ces principes s’appliquent également au requérant qui serait un voisin immédiat du projet qu’il entend contester. Toutefois, eu égard à sa situation particulière, il justifie en principe d’un intérêt à agir si les atteintes qu’il a invoquées, à l’appui de son recours, apparaissent vraisemblables au vu des pièces du dossier.

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Commentaire de la décision CE, 13 avr. 2016, n° 389798, Bartolomei 

« 1. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :  » Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation  » ;
2. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu’eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative :  » Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (…) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser ou qu’elles n’ont pas été régularisées à l’expiration du délai imparti par une demande en ce sens (…)  » ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C…a demandé l’annulation, pour excès de pouvoir, de l’arrêté du 6 août 2014 par lequel le maire de Marseille a accordé à M. D…un permis de construire deux logements et une piscine sur une parcelle située au 4, traverse de la Roseraie dans le 7ème arrondissement et a autorisé la démolition d’un garage et d’une clôture sur la même parcelle ; que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, au motif que l’intéressé, invité par le tribunal à justifier de son intérêt à agir contre cet arrêté, n’en avait pas suffisamment justifié au regard des exigences de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;
5. Considérant qu’en jugeant que M. C…ne justifiait pas d’un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu’il invoquait dans sa demande au tribunal être occupant d’un bien immobilier situé à proximité immédiate de la parcelle d’assiette du projet, au numéro 6 de la même voie, et faisait valoir qu’il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, s’agissant de sa vue et de son cadre de vie, ainsi que les troubles occasionnés par les travaux dans la jouissance paisible de son bien, en ayant d’ailleurs joint à sa requête le recours gracieux adressé au maire de Marseille, lequel mentionnait notamment une hauteur de l’immeuble projeté supérieure à dix mètres et la perspective de difficultés de circulation importantes, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a inexactement qualifié les faits de l’espèce ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que l’ordonnance attaquée doit être annulée (…)« .

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Commentaire publié dans la revue JCP A n°19 du 16 mai 2016

Méconnaissance d’une distance d’implantation : annulation totale ou partielle du permis de construire

L’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme permet au juge de l’excès de pouvoir de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme dans le cas où l’illégalité affecte une partie identifiable du projet et peut être régularisée par un permis modificatif. Le juge précise dans cette espèce que cette régularisation ne peut avoir lieu que si, d’une part, la construction n’est pas achevée et si, d’autre part, les modifications qui font l’objet du permis modificatif ne remettent pas en cause la conception générale du projet telle qu’autorisée par le permis initial. Ainsi, la seule circonstance qu’un permis de construire méconnaît une règle relative à l’implantation des constructions ne fait pas par elle-même obstacle à cette régularisation.

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Commentaire de la décision CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Cne de Toulouse :

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme :  » Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.  » ;

2. Considérant que lorsque les éléments d’un projet de construction ou d’aménagement auraient pu faire l’objet d’autorisations distinctes, le juge de l’excès de pouvoir peut prononcer l’annulation partielle de l’arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que les dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme lui permettent en outre de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme qui n’aurait pas cette caractéristique, dans le cas où l’illégalité affectant une partie identifiable d’un projet de construction ou d’aménagement est susceptible d’être régularisée par un permis modificatif ; qu’il en résulte que, si l’application de ces dispositions n’est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par ce vice soit matériellement détachable du reste de ce projet, elle n’est possible que si la régularisation porte sur des éléments du projet pouvant faire l’objet d’un permis modificatif ; qu’un tel permis ne peut être délivré que si, d’une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés – sans que la partie intéressée ait à établir devant le juge l’absence d’achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d’instruction en ce sens – et si, d’autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d’illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ; qu’à ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elles fassent l’objet d’un permis modificatif ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 septembre 2007, le maire de Toulouse a autorisé le transfert au profit de la SCI Square de Jade d’un permis de construire accordé le 25 août 2006 à la société Omnium Invest, en vue de construire trois bâtiments destinés à la création de soixante-dix logements ; qu’un permis de construire modificatif a été délivré à cette SCI par un arrêté du 25 septembre 2008 ; qu’à la demande de M. B…et de MmeA…, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 9 février 2012, annulé le permis de construire modificatif ainsi que la décision du 19 janvier 2009 rejetant le recours gracieux formé contre ce permis en jugeant qu’il méconnaissait les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme de la commune relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ce jugement, après avoir estimé que l’illégalité affectant le permis de construire au regard des règles régissant la distance à la limite séparative ne pouvait pas être régularisée en application de l’article L. 600-5 du code de justice administrative ;

4. Considérant que, pour statuer ainsi, la cour a relevé que les balcons dépassaient en surplomb de 44 centimètres la bande de 17 mètres à l’intérieur de laquelle les bâtiments devaient être implantés en vertu de l’article 7 (UB1) du règlement du plan local d’urbanisme et que ce dépassement entraînait, selon le même article, l’application de la règle selon laquelle la distance minimale d’implantation par rapport aux limites séparatives doit être égale à la hauteur de la construction ; qu’elle en a déduit, compte tenu de ce que la hauteur des bâtiments était supérieure à cette distance, une méconnaissance des dispositions de l’article 7 (UB1) ; qu’elle a enfin relevé, pour juger que cette illégalité n’était pas régularisable, que compte tenu de leurs caractéristiques architecturales et de leur inclusion dans les immeubles, les balcons en constituaient des  » éléments indissociables  » et qu’il n’était pas allégué que les bâtiments ne seraient pas construits ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’en soumettant à de telles conditions l’application des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, la cour a entaché son arrêt d’erreurs de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Toulouse est fondée à en demander l’annulation ;

6. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Toulouse et par la SCI Square de Jade au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Commentaire publié dans la revue JCP A, 2015 n°51-52, du 21 décembre 2015.

On ne badine plus avec les changements de destination

Des travaux nouveaux envisagés sur une construction dont la destination a été modifiée sans autorisation ne peuvent être entrepris que si ce changement de destination est au préalable régularisé.

*

*   *

Commentaire de la décisioCE, 16 mars 2015, n° 369553, De La Marque :

(…)

• 1. Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B ont acquis en 1997 un chalet sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains ; que si ce chalet a été édifié en vertu de permis de construire délivrés en 1988 et en 1989 en vue de la construction d’un restaurant d’altitude, il a fait l’objet avant son acquisition par les époux B d’un changement de destination pour être utilisé pour l’habitation, sans que les travaux ayant permis ce changement ne soient autorisés ; que les époux B ont déposé le 22 août 2008 une demande de permis de construire portant sur une extension de leur chalet ; qu’ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande d’annulation de la décision de refus du maire de Saint-Gervais-les-Bains en date du 16 octobre 2008 ;

• 2. Considérant que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ;

• 3. Considérant qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ; que, dans cette dernière hypothèse, si l’ensemble des éléments de la construction mentionnés au point 2 ne peuvent être autorisés au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, l’autorité administrative a toutefois la faculté, lorsque les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l’objet d’aucune action pénale ou civile, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d’autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes ;

• 4. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des constatations opérées souverainement par les juges du fond, au demeurant non contestées, que la demande de permis de construire des époux B ne portait que sur les travaux d’extension et non sur la régularisation des travaux ayant antérieurement permis le changement de destination du chalet ; que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il incombait aux époux B de présenter une demande portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu’il avait été autorisé par le permis de construire initial et en en déduisant que le maire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains était tenu de refuser le permis ;

• 5. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le pourvoi, la cour n’a pas jugé que la demande de permis de construire présentée le 22 août 2008 par les époux B avait pour objet de changer la destination du bâtiment ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour, en se prononçant ainsi, aurait dénaturé les termes de cette demande ne peut qu’être écarté ;

• 6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme B doit être rejeté, de même que leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B le versement à la commune de Saint-Gervais-les-Bains de la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ; (…)

Commentaire publié dans la revue JCP A 2015, n°24, comm. 2180

Les travaux portant sur des constructions existantes

Les travaux exécutés sur les constructions existantes sont en principe dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme[1].

Ils doivent cependant, lorsque leur importance, leur localisation ou leur nature l’exige, faire l’objet d’une déclaration préalable ou être soumis à permis de construire. La demande n’a toutefois pas à porter sur la construction existante, et l’autorité administrative ne doit s’opposer aux travaux envisagés que si ces derniers méconnaissent les règles en vigueur. Mais encore faut-il pour cela que la construction n’ait pas été irrégulièrement édifiée et qu’elle ne soit pas devenue, du fait de l’évolution des règles applicables, non-conformes au droit de l’urbanisme. Autrement, en effet, les travaux ne pourront être entrepris que sous certaines réserves.

 

I – Les travaux portant sur des constructions irrégulières

Une construction irrégulière est une construction qui a été édifiée :

  • Sans autorisation. C’est le cas par exemple lorsqu’un bâtiment, dont la construction nécessitait un permis de construire, a été réalisé sans l’obtention d’une telle autorisation ;
  • En vertu d’un permis de construire qui a été ensuite annulé[2]ou retiré (en revanche, si une construction a été réalisée en vertu d’un permis de construire illégal, certes, mais qui n’a pas fait l’objet d’un retrait ou d’une annulation, celle-ci ne sera pas considérée comme étant irrégulière[3]) ;
  • Sans avoir respecté les prescriptions contenues dans le permis de construire[4] ou la déclaration préalable. C’est le cas si par exemple la hauteur du bâtiment construit excède celle autorisée par le permis de construire ;
  • Dans le respect des règles d’urbanisme mais qui a ensuite fait l’objet de travaux de modification[5] ou d’un changement de destination[6] sans avoir respectés les formalités obligatoires. Tel est le cas du propriétaire qui a transformé sans autorisation son garage en local commercial et qui souhaiterait réaliser des travaux sur la façade de ce local. Celui-ci sera en l’espèce tenu de présenter une demande d’autorisation concernant non seulement le changement de destination mais aussi les travaux à réaliser.

 

A – Les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de la construction existante

Lorsque des travaux portent sur une construction irrégulière, l’autorité administrative, saisie d’une demande tendant à ce que soient autorisés ces travaux, est tenue d’inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble du bâtiment[7].

Autrement dit, les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de cette construction.

La demande d’autorisation aura ainsi pour objet de régulariser la construction existante et d’autoriser les travaux prévus.

Ainsi, lorsqu’un propriétaire dépose une déclaration de travaux portant sur la modification de l’aspect extérieur d’une construction édifiée sans permis de construire, alors même qu’une telle autorisation était requise, l’autorité administrative est tenue de s’opposer à la déclaration de travaux et d’inviter le propriétaire à déposer une demande de permis de construire portant sur l’ensemble du bâtiment[8].

Au reste, cette régularisation ne pourra intervenir que si les règles d’urbanisme en vigueur à la date où l’autorité administrative statue, sur la demande, le permettent. Mais, si aucune régularisation ne peut avoir lieu, les travaux envisagés ne pourront pas être autorisés, quand bien même ils seraient conformes aux règles d’urbanisme.

B – Les cas dans lesquels une régularisation de la construction existante n’est pas requise

L’exigence de régularisation de la construction existante n’est toutefois pas requise lorsque les travaux projetés portent :

  • Sur un bâtiment qui, bien que faisant partie d’un ensemble immobilier, n’a pas été, à la différence des autres bâtiments composant cet ensemble, édifié en méconnaissance du permis de construire délivré[9];
  • Sur un élément divisible[10] ou dissociable[11] de la construction irrégulièrement édifiée. Il a ainsi été jugé que la construction d’une piscine, quoique proche de l’habitation irrégulièrement édifiée, mais qui n’était ni attenante ni structurellement liée à cette habitation en était dissociable, de sorte qu’aucune régularisation n’était nécessaire[12].

En dehors de ces trois cas de figure, l’exigence de régularisation de la construction existante sera toujours requise même si les travaux projetés ne prendraient pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation. Tel est le cas lorsqu’un appentis, qui a été irrégulièrement édifié, est accolé à une maison d’habitation. Dans cette hypothèse, le propriétaire qui envisagerait de procéder à des travaux d’extension de cette maison d’habitation devra obtenir une autorisation portant à la fois sur les travaux d’extension et sur cet appentis, même si les travaux d’extension ne prendraient pas directement appui sur cet appentis[13].

C – Les tempéraments au principe de la régularisation de la construction existante

Cette exigence de régularisation des constructions irrégulières est atténuée dans deux cas de figure.

En premier lieu, lorsque les travaux ont pour objet la restauration d’une construction ancienne[14].

L’autorité administrative dispose en effet de la faculté, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence, d’autoriser parmi les travaux demandés ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction existante et au respect des normes.

Cette autorisation ne sera cependant accordée que si la construction existante est insusceptible de régularisation au regard des règles d’urbanisme en vigueur et est à l’abri de toute action pénale ou civile (soit au pire dix ans à compter de l’achèvement de la construction).

En second lieu, lorsque les travaux portent sur des constructions irrégulières achevées depuis plus de dix ans.

L’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme dispose en effet que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Il est néanmoins important de préciser que cette disposition ne s’applique pas aux constructions qui ont été réalisées sans permis de construire.

A cet égard, ont été également considérés comme édifié sans permis de construire :

  • Une maison d’habitation construite en lieu et place d’un abri de jardin[15];
  • Un bâtiment dont les travaux d’extension nécessitaient la délivrance d’un nouveau permis de construire[16].

 

II – Les travaux portant sur des constructions non conformes

Une construction non conforme aux règles en vigueur est :

  • Soit une construction qui a été régulièrement édifiée mais qui, en raison de l’évolution des règles en matière d’urbanisme, n’est plus en conformité avec les prescriptions applicables ;
  • Soit une construction édifiée d’après un permis de construire (ou une déclaration préalable) illégal mais qui n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un retrait.

Dans une telle situation les travaux nouveaux portant sur cette construction ne pourront être autorisés que dans quatre cas de figure, à savoir :

A – Les travaux nouveaux ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues

En premier lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme en vigueur[17].

A titre d’exemple, le juge a autorisé les travaux de remplacement d’une partie des combles par un balcon-terrasse attendu que ces travaux visaient à réduire le volume de la construction irrégulièrement implantée, rendant dès lors la construction existante plus conforme aux prescriptions d’urbanisme[18].

Cependant, si les travaux demandés ont pour effet de rendre la construction existante moins conforme aux dispositions réglementaires méconnues, aucune autorisation ne sera en ce cas délivré. Ainsi, le juge a refusé d’autoriser les travaux qui avaient pour effet de porter le coefficient d’emprise au sol d’un immeuble de 76 % à 78 % dans la mesure où le règlement annexé au P.O.S applicable en l’espèce limitait ce coefficient d’emprise à 40 %[19].

B – Les travaux nouveaux sont étrangers aux dispositions réglementaires que méconnaît la construction existante

En second lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui sont étrangers aux règles que la construction existante méconnaît[20].

On peut à ce titre citer le cas des travaux qui se bornent à changer la destination de volumes déjà construits et à modifier la répartition entre surface hors œuvre brute et surface hors œuvre nette, sans aggraver l’illégalité d’emprise affectant le permis initial[21].

Toutefois, « il n’est pas nécessaire, pour que des travaux soient regardés comme n’étant pas étrangers aux prescriptions méconnues (…), qu’ils aboutissent à aggraver la violation préexistante. Il suffit que ces travaux présentent un rapport avec l’objet de la règle d’urbanisme »[22].

C’est pourquoi, des travaux de surélévation de la toiture d’un bâtiment implanté en méconnaissance des dispositions du règlement du P.O.S, relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, n’ont pas été considérés comme étant étrangers à ces dispositions[23].

C – La possibilité reconnue aux documents d’urbanisme d’autoriser des travaux sur des constructions non conformes

En troisième lieu, l’autorité administrative peut autoriser la réalisation de travaux sur des constructions non conformes, lorsque les documents d’urbanisme applicables ne s’y opposent pas.

Les collectivités territoriales ont en effet la possibilité de déroger dans leurs documents d’urbanisme aux règles prévues au A et au B, et de prévoir les cas dans lesquels des travaux portant sur des constructions non conformes peuvent être autorisés[24].

D – Les travaux nouveaux portent sur une construction achevée depuis plus de 10 ans

En dernier lieu, on rappellera que l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dispose que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Par conséquent, les travaux nouveaux portant sur une construction non conforme mais achevée depuis plus de 10 ans pourront être autorisés, même s’ils n’ont pas pour objet de rendre cette construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme ou même s’ils ne sont pas étrangers aux règles méconnues.

 

 

[1] Article R. 421-13 du code de l’urbanisme.

[2] CE, 9 mars 1984, Macé, n°41314.

[3] CE, 5 mars 2003, Lepoutre, n°252422.

[4] CE, 25 avril 2001, Epoux Ahlborn, n°207095.

[5] CE, 9 juillet 1986, Mme Thalamy, n°51172.

[6] CE, 30 mars 1994, n°137881.

[7]  CE, 9 mars 1984, Macé, n°41314 ; CE 9 juillet 1986, Mme Thalamy, n° 51172.

[8] CE, 27 juillet 2012, Mme Da Silva, n°316155.

[9] CE, 25 avril 2001, Epoux Ahlborn, n°207095.

[10] CE, 10 octobre 2007, Demoures et autres, n°277314.

[11] CE, 9 janvier 2009, Commune de Toulouse, n°307265.

[12] Ibid.

[13] CE, 23 décembre 2013, Commune de Porspoder n°349081.

[14] CE, 3 mai 2011, Mme Ely, n°320545.

[15] CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA01601.

[16] CAA Marseille, 22 septembre 2011, n°09MA03419.

[17] CE, 23 décembre 1976, Casseau, n°00292 ; CE, 27 mai 1988, Mme Sekler, n°79530.

[18] CE, 27 mai 1998, n°163401.

[19] CE, 7 février 1994, n°93259.

[20] CE, 27 mai 1988, Mme Sekler n°79530.

[21] CE, 27 avril 1994, n°128478.

[22] M. Abraham, Concl. sur CE, 14 février 1996 n°152895.

[23] CE, 15 mai 1992, Stlahy, n°90397.

[24] CE, 25 février 1998, Commune Saint Leu la Forêt, n°165185.

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