Permis de construire et zone inondable

Un terrain situé en zone inondable peut constituer un motif de refus de permis de construire. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque d’inondation.

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Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème.

Une inondation peut être définie comme la submersion de terres émergées.

Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine d’une inondation, comme : le débordement d’un cours d’eau, une submersion marine, les ruissellements urbains ou agricoles, la rupture d’un ouvrage hydraulique (une digue ou un barrage par exemple), etc.

Le risque d’inondation sera plus ou moins important selon :

– la probabilité de survenue de l’inondation : importante (annuelle), moyenne (décennale) ou faible (centennale) ;

– l’intensité de l’inondation : hauteur de la submersion, vitesse de survenue, durée de la submersion, etc. ;

– les conséquences négatives liées à l’inondation : pour l’homme et ses biens, pour l’activité économique et pour l’environnement. 

La prévention et la limitation des risques d’inondation sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser de délivrer les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques d’inondation sont les plus importants, notamment près des côtes et des cours d’eau. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser de délivrer systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé à un risque d’inondation.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone inondable.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

Il existe par ailleurs des documents de planification qui, même s’ils ne sont pas directement opposables aux demandes de permis de construire, peuvent malgré tout conditionner leur légalité. Cela sera surtout le cas pour les projets immobiliers d’une certaine importance. Nous présenterons les principaux documents de planification (IV).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation.

 

                A – Présentation du plan de prévention des risques d’inondation

Le plan de prévention des risques d’inondation doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. C’est le document le plus important pour prévenir et limiter les risques d’inondation en raison de son caractère précis et de son opposabilité direct aux permis de construire

Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques des risques d’inondation peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation pourra interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement pourra, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

               

B – L’interdiction d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Lorsque le plan de prévention des risques d’inondation prévoit, pour une zone inondable, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[4], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[5]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[6] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs[7].

 

C – La possibilité d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Si le plan de prévention des risques d’inondation ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte du risque d’inondation et permet d’assurer la sécurité des occupants, des riverains et des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque d’inondation que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[8].

Le plan de prévention des d’inondation doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[9]. Mais ce dernier ne doit pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

Les plans locaux d’urbanisme ont, en autres, pour objet d’établir les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de commune[10].

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones inondables[11].

Dans de telles zones, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, interdire la réalisation des remblais pour ne faire obstacle au libre écoulement des eaux, etc.

L’existence d’un risque d’inondation ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[12]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque d’inondation auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[13].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques d’inondation ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque d’inondation peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[14]

C’est sur la base de cet article que les permis de construire sont en principe refusés lorsqu’un terrain n’est pas rendu inconstructible par un plan de prévention des risques d’inondation ou un plan local d’urbanisme.

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation[15].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques des risques d’inondation.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[16].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’inondation était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’inondation, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre un tel risque. En l’espèce, les mesures destinées à l’évacuation des eaux pluviales ont été jugées insuffisantes[17].

De même, si à la suite d’une catastrophe naturelle majeure (comme la tempête Xynthia), il s’avère que les prescriptions contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation sont insuffisantes ou ne sont plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire, le maire pourra refuser de délivrer le permis sollicité sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[18].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[19].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[20].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone inondable ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens, il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’une maison à usage d’habitation située dont la majeure partie du terrain d’assiette sera située zone à risque élevé et moyen d’inondation, dès lors que la construction projetée sera édifiée sur une zone non inondable de ce terrain et qu’il sera en outre prévu un bassin de régulation des eaux pluviales, dont le volume sera calculé en fonction des surfaces imperméabilisées[21].

 

IV – Les documents de planification

 

A – Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux est un document de planification qui fixe pour chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques les orientations ayant pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. A ce titre, il doit veiller à définir les orientations permettant la prévention des inondations[22].

Ces orientations sont ensuite définies et détaillées de manières plus précise, pour chaque sous bassin ou pour un groupement de sous-bassins, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux[23].

Les schémas de cohérence territoriale[24], les plans locaux d’urbanisme, les plans de prévention des risques d’inondation[25] et les plans de gestion des risques d’inondation[26] doivent être compatibles avec les orientations contenues dans les SDAGE et SAGE. Un secteur ouvert à l’urbanisation par un arrêté préfectoral a ainsi été annulé car il compromettait les objectifs établis par un SDAGE[27].

 

B – Le Plan de gestion des risques d’inondation

Le plan de gestion des risques d’inondation couvre, à l’échelon de chaque bassin ou groupement de bassins, les territoires dans lesquels il existe un risque important d’inondation ayant des conséquences de portée nationale[28].

Ces plans doivent définir les grands objectifs destinés à réduire les conséquences négatives des inondations. A ce titre, ils comprennent des mesures destinées à réduire la vulnérabilité des territoires face aux risques d’inondation, à travers notamment le développement d’un mode durable d’occupation et d’exploitation des sols et une maîtrise de l’urbanisation.

Le plan de gestion des risques d’inondation doit être compatible avec les objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

En revanche, les schémas de cohérence territoriale[29], les plans locaux d’urbanisme [30] et les plans de prévention des risques d’inondation[31] doivent être compatibles avec les objectifs de gestion des risques d’inondation définis par le plan de gestion des risques d’inondation. Leur incompatibilité avec ce dernier pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme qui aurait méconnu les objectifs poursuivis par ce plan.

 

C – Le Schéma de cohérence territoriale

 Le schéma de cohérence territoriale est un document d’urbanisme et de planification mis en place à l’échelle de plusieurs communes[32].

Il a pour objet de définir les orientations générales d’aménagement et de développement du territoire qu’il couvre au regard notamment de la prévention des risques.

A ce titre, il doit déterminer les objectifs poursuivis en matière de protection des espaces naturels et de développement de l’urbanisation en tenant compte des risques d’inondation. 

A ce titre, le schéma de cohérence territoriale doit être compatible avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux et les plans de gestion des risques d’inondation[33] qui lui est applicable.

En revanche, certains documents d’urbanisme, comme les plans locaux d’urbanisme, et certaines autorisations, comme les autorisations d’exploitation commerciale, doivent être compatibles avec le schéma de cohérence territoriale auquel ils sont soumis[34]. Leur incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme incompatible avec ce schéma.

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] CE., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[5] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[6] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[7] CAA Marseille 12 janvier 2016, n°14MA02489.

[8] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[9] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[10] Articles L. 151-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[11] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[12] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[13] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[14] CE, 7 févr. 2003, n° 193908.

[15] CE, 16 févr. 2007, n° 276363

[16] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[17] CAA Douai, 23 janvier 2014, n° 12DA01201   .

[18] CAA Bordeaux, 4 octobre 2016, n°14BX03630.  

[19] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[20] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[21] CAA Marseille, 29 octobre 2015, n°13MA02511.

[22] Article L. 212-1 du code de l’environnement.

[23] Article L. 212-3 du code de l’environnement.

[24] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[25] Article L. 212-1, XI du code de l’environnement

[26] Article L. 566-7 du code de l’environnement

[27] CAA Lyon, 1re ch., 3 mai 2005, n° 99LY01983

[28] Article L. 566-7 du code de l’environnement.

[29] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[30] Article L. 131-7 du code de l’urbanisme.

[31] Article L. 562-1 du code de l’environnement

[32] Articles L. 141-1 et suivants du code de l’urbanisme

[33] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme.

[34] Article L. 142-1 du code de l’urbanisme.

Permis de construire et risques naturels

Risque d’inondation, risque d’incendie, risque de mouvement de terrain, etc., autant de motifs qui peuvent justifier le refus de délivrer un permis de construire, et ainsi compromettre la réalisation d’un projet immobilier. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

 

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Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème – zone inondable et zone humide (ce qui justifiera que l’on s’attarde davantage sur ce risque).

La prévention et la limitation des risques naturels sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques naturels sont les plus importants, notamment près des côtes où les risques d’incendie et d’inondation sont les plus élevés. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé au risque en question.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

 

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété, instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation, de plan de prévention des risques d’incendie de forêt (PPRIF), lorsque le plan traite des problèmes d’incendie, de plan de prévention des risques de mouvement de terrain (PPRM), lorsque le plan traite des problèmes de mouvement de terrain, etc.

A cet égard, un même plan peut très bien concerner plusieurs risques si la zone en question est confrontée à une multitude de phénomène naturel. Il arrive ainsi qu’en zone littorale, un même plan traite à la fois des thématiques d’inondation (notamment de submersion marine) et de mouvement de terrain (notamment d’érosion côtière).

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques naturels, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation peut interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement peut, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

Autrement, si le plan de prévention des risques ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte des risques d’inondation (ou d’un autre risque) et permet d’assurer la sécurité des occupants ou des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque en question que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[4].

Mais à l’inverse, lorsque le plan de prévention des risques naturels prévoit pour une zone donnée, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[5], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[6]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[7] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs.

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[8]. Ce dernier ne doit cependant pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques naturels primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

 

Les documents d’urbanisme locaux, comme les plans locaux d’urbanisme, doivent également veiller à prévenir les risques naturels.

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones à risque[9].

Dans les zones soumises à des risques d’inondation, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, etc.

L’existence d’un risque naturel ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[10]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque naturel auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[11].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

 

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque naturel peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[12].

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels (hypothèse qui inclut également l’absence du risque en question par le plan de prévention)[13].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[14].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’incendie était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’incendie de forêt, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre de tels risques. En l’espèce, il était reproché au pétitionnaire de ne pas avoir prévu des poteaux d’incendie suffisamment alimentés en eau[15].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[16].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[17].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone à risque ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’un immeuble situé dans une zone de gypse où l’aléa de risque naturel était qualifié de moyen, dès lors que le projet en question n’aggravait ou ne mettait en péril le terrain et ceux avoisinants[18].

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] C.E., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[5] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[6] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[7] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[8] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[9] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[10] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[11] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[12] CAA Marseille, 16 juin 2011, n° 09MA01318.

[13] CE, 16 févr. 2007, n° 276363.

[14] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[15] CAA Marseille, 1er juin 2011, n° 09MA00223.

[16] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[17] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[18] CAA Versailles, 2e ch., 14 mars 2013, n° 11VE02726.

ICPE : Comment contester l’autorisation d’exploiter ?

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Les recours contre la légalité des autorisations d’exploiter les installations classées pour la protection de l’environnement (éoliennes, carrières, décharges, centres d’engraissement, etc.) font l’objet d’un abondant contentieux. L’objet de cette note sera de présenter les règles applicables à ce contentieux.

 

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L’article L. 511-1 du code de l’environnement définit l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) comme étant toute exploitation (industrielle, commerciale, artisanale, agricole, etc.) susceptible de présenter des dangers ou des inconvénients pour l’homme, son environnement ou la nature[1].

Les activités qui relèvent de la législation sur les ICPE figurent dans une nomenclature annexée à l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Ces activités sont divisées en trois catégories en fonction de l’importance des dangers et des inconvénients qu’elles présentent.

La première catégorie, la catégorie A, concerne les activités présentant les dangers ou les inconvénients les plus graves. Ces activités sont soumises au régime dit de l’autorisation : Une autorisation préalable est nécessaire pour l’exploitation de l’activité[2].

La deuxième catégorie, la catégorie E, concerne les activités qui présentent les mêmes dangers ou inconvénients que celles de la catégorie A mais qui peuvent être prévenues par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Ces activités sont soumises au régime dit de l’autorisation simplifiée ou de l’enregistrement : Un arrêté d’enregistrement est nécessaire pour l’exploitation de l’activité. La procédure d’obtention de cette autorisation est plus légère et plus rapide que celle de la catégorie A[3].

La troisième catégorie, la catégorie D, concerne les activités présentant les dangers ou les inconvénients les moins graves. Ces activités sont soumises au régime dit de la déclaration : L’exploitant doit avant le démarrage de son activité déposer une déclaration en préfecture. Si le dossier de déclaration est complet et régulier, le préfet délivre à l’exploitant un récépissé de la déclaration et une copie des prescriptions générales applicables à l’installation. Une fois le récépissé obtenu, l’exploitant peut démarrer son activité. Le régime de la déclaration obéit à une procédure qui est plus légère et plus rapide que celle de la catégorie E[4].

Une fois que l’exploitant a obtenu son autorisation (arrêté d’autorisation pour la première catégorie, arrêté d’enregistrement pour la deuxième catégorie et récépissé pour la troisième catégorie) il peut en principe exploiter son activité. L’autorité compétente pour délivrer cette autorisation est normalement le préfet. Sa décision peut être contestée devant le tribunal administratif.

Les recours contre la légalité des autorisations d’exploiter les ICPE font l’objet d’un abondant contentieux. L’objet de cette note sera de présenter les règles applicables à ce contentieux.

 

I – La recevabilité du recours

L’exploitation d’une activité soumise à la législation sur les ICPE ne peut se faire que si, au préalable, l’exploitant a obtenu, selon les cas, un arrêté d’autorisation d’exploiter, un arrêté d’enregistrement ou un récépissé de déclaration.

Ces trois actes peuvent être contestés, devant le tribunal administratif (C), par toute personne qui dispose d’un intérêt à agir (A) dans un délai qui varie selon la nature de l’exploitation (B). Le ministère d’avocat n’y est pas obligatoire (D).

 

 A – L’intérêt à agir

Toute personne qui souhaite contester, devant le tribunal administratif, une autorisation d’exploiter une ICPE doit disposer d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

 

1 – L’intérêt à agir des associations

L’intérêt à agir des associations s’apprécie en considération de leur objet social et de leur champ d’intervention géographique.

En premier lieu, l’objet social de l’association doit porter sur la défense d’intérêt que l’exploitation de l’installation est susceptible de préjudicier.

Ainsi, une association qui a « pour but de veiller à la défense et à la promotion de l’environnement et à la protection du patrimoine naturel » justifie d’un intérêt à demander l’annulation d’une autorisation d’exploiter un élevage porcin compte tenu des conséquences éventuelles de ce projet sur l’environnement[5].

A l’inverse, une association qui a pour objet social « la sauvegarde de l’environnement naturel, patrimonial, social et humain » ne justifie pas, eu égard à la généralité de son objet social, d’un intérêt à demander l’annulation d’une autorisation d’exploiter une carrière[6].

En second lieu, le champ d’intervention géographique de l’association doit être précis et limité sur un territoire donné.

Ainsi, une association qui a pour objet la protection et la valorisation du cadre de vie dans la commune de Genech, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision du préfet autorisant une exploitation, de décapage thermique des métaux, susceptible de porter atteinte à la qualité du cadre de vie dans cette commune[7].

A l’inverse, une association à vocation nationale ne saurait justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre un projet d’une importance limitée et dont les nuisances n’ont qu’un impact local[8].

Ce critère est, en d’autres termes, apprécié en fonction de l’importance et de la localisation du projet contesté. En ce sens, une association qui a pour objet la préservation de l’environnement sur le canton de Maël-Carhaix justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre un projet d’élevage porcin de 3 210 places susceptible de porter atteinte à la préservation de l’environnement dans plusieurs communes du canton de Maël-Carhaix[9].

Ce critère ne s’applique, en revanche, pas aux associations agrées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. En effet, celles-ci justifient « d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément »[10].

 

2 – Les communes et leurs groupements

Une commune ou son groupement peut agir contre une décision autorisant l’exploitation d’une ICPE si le fonctionnement de cette dernière à des impacts sur son territoire[11].

 

3 – L’intérêt à agir des autres tiers

Un tiers autre qu’une association, une commune ou son groupement ou une association ne peut contester une autorisation d’exploiter une ICPE que si cette dernière présente à son égard des inconvénients et/ou dangers. Ces inconvénients ou ces dangers peuvent être liés à la commodité du voisinage, à la santé, la sécurité, la salubrité publique, ou à la protection de la nature, de l’environnement et des paysages.

Deux critères permettent d’apprécier cet intérêt à agir, à savoir : la situation des intéressés et la configuration des lieux [12].

A cet égard, il a été considéré que justifiait d’un intérêt à agir :

  • Des personnes qui occupaient des maisons situées sur la rive droite d’un fleuve, face à un site d’exploitation situé sur la rive gauche de ce fleuve et compte tenu du fait que l’installation litigieuse présentait, en raison de son importance et de sa nature, des risques pour la salubrité et la sécurité publiques susceptibles d’affecter un périmètre étendu[13];
  • Le propriétaire d’une maison d’habitation distante d’environ 400 mètres d’un établissement de maturation et de conditionnement de mâchefers, compte tenu du fait que cette maison n’était séparée de l’établissement litigieux par aucun obstacle naturel ou artificiel important propre à constituer un écran entre la première et le second[14];
  • Le propriétaire d’une résidence située à 350 mètres d’un élevage de porcs susceptible de présenter des dangers ou des inconvénients[15].

A l’inverse, il a été jugé que ne disposait pas d’un intérêt à agir, le propriétaire d’une maison et de terrains qui se situaient entre 1 et 3,5 km de l’installation projetée compte tenu du fait que, d’une part, l’installation en litige n’était pas directement visible depuis son habitation et que, d’autre part, il ne démontrait pas eu égard à la distance séparant son habitation du centre d’enfouissement, qu’il serait personnellement et directement soumis aux risques de pollution atmosphérique induits par l’installation en cause[16].

 

*

Pour les entreprises, même concurrentes de l’ICPE, le principe est identique : elles doivent démontrer que les inconvénients ou les dangers que présente l’ICPE sont de nature à affecter leurs conditions d’exploitation[17].

A titre d’exemple, l’intérêt à agir d’une entreprise située à moins de 800 mètres du projet d’implantation d’un élevage porcin a été reconnu, eu égard aux risques de nuisances olfactives susceptibles d’affecter l’activité de cette entreprise ainsi que les conditions de travail de ses salariés[18].

A l’inverse il a été considéré que ne justifiait pas d’un intérêt à agir contre un projet d’exploitation de carrière à ciel ouvert, les administrateurs et associés d’une entreprise qui avait cessé son activité[19].

 

B – Le délai de recours

 

1 – Principe

Le délai de recours contre une décision autorisant l’exploitation d’une ICPE est d’un an à compter de la publication ou de l’affichage de la décision. Toutefois, si la mise en service de l’installation n’est pas intervenue six mois après la publication ou l’affichage de la décision, le délai de recours continue à courir jusqu’à l’expiration d’une période de six mois après cette mise en service[20].

 

2 – Dérogation

Pour les installations de production d’énergie d’origine renouvelable : le délai de recours est de quatre mois à compter de la publication de la décision[21].

Pour les installations d’élevage : le délai de recours est de quatre mois à compter de la publication ou de l’affichage de la décision[22].

 

3 – Recours préalable

Par exception aux principes généraux du contentieux administratif, l’exercice d’un recours préalable, gracieux ou hiérarchique, n’a pas pour effet de proroger le délai de recours contentieux[23].

 

 

C – La juridiction compétente

Le recours doit être introduit devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le préfet, auteur de la décision contestée[24].

La saisine du tribunal se fait par une requête qui indique les nom et domicile des parties. La requête doit contenir l’exposé des faits et des moyens de droit, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge[25]. Le requérant doit y joindre une copie de la décision attaquée et toutes les pièces justificatives utiles à la résolution du litige[26].

 

D – Le ministère d’avocat

Les parties n’ont pas l’obligation de se faire représenter par un avocat en première instance. Il est cependant recommandé de faire appel à ses services compte tenu de la technicité et de la complexité de ce contentieux[27].

II – Les moyens invocables

A l’appui de son recours, le requérant pourra invoquer des moyens de légalité externe (A) et interne (A) en lien avec la législation sur les installations classées. La méconnaissance des règles relatives au droit de l’urbanisme ne peut par conséquent pas être invoquée sauf dans l’hypothèse de la procédure dite l’autorisation unique (C).

 

A – Les moyens de légalité externe

 

1 – L’incompétence de l’auteur de l’acte

L’incompétence de l’auteur de l’acte correspond à la situation dans laquelle une autorité administrative adopte un acte insusceptible de se rattacher à son pouvoir. Ce motif entache d’illégalité l’acte adopté.

En matière d’ICPE, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation est en principe le préfet[28]. Cette autorisation peut cependant ne pas être signée par le préfet lui-même. Il conviendra dans ce cas de vérifier que le signataire de l’acte disposait bien d’une délégation de signature ou de pouvoir, à défaut de quoi l’acte serait entaché d’illégalité.

 

2 – Le vice de forme

Il y a vice de forme lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté dans les formes requises.

S’agissant d’un arrêté relatif à une ICPE, celui-ci doit notamment :

  • Comporter, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.
  • Etre motivé lorsque la décision rejette la demande ou la déclaration[29].

 

3 – Le vice de procédure

Il y a vice de procédure lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté selon la procédure prescrite. La procédure de délivrance de l’autorisation varie selon que l’activité relève de la procédure de l’autorisation (a), de l’enregistrement (b) ou de la déclaration (c).

NB : Ce vice peut non seulement être soulevé si les procédures exposées ci-dessous n’ont pas été respectées mais aussi si une erreur a été commise dans le classement de l’activité (si un arrêté d’enregistrement a été délivré pour une activité présentée comme relevant de la catégorie E alors qu’elle relevait en réalité de la catégorie A, la procédure suivie pour délivrer l’autorisation sera forcément viciée).

 

a- Les installations soumises à déclaration

Avant la mise en service de l’installation, une déclaration doit être adressée au préfet du département et comporter les indications suivantes[30] :

  • L’identité du demandeur ;
  • L’emplacement sur lequel l’installation doit être réalisée ;
  • La nature de l’activité envisagée ;
  • Un plan de situation du cadastre dans un rayon de 100 mètres et un plan d’ensemble indiquant notamment les constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d’eau, canaux, cours d’eau et réseaux enterrés.

Lorsque le dossier est régulier et complet, le préfet remet au déclarant un récépissé de la déclaration et une copie des prescriptions générales applicables à l’installation[31].

 

b – Les installations soumises à autorisation

Cette procédure est assez lourde et complexe. De ce fait, il faut en moyenne compter 8 mois avant que le préfet ne rende sa décision.

 

i- La demande d’autorisation

Dans un premier temps, l’exploitant doit adresser au préfet une demande d’autorisation d’exploiter. Cette demande doit notamment contenir[32] :

  • L’identité du demandeur ;
  • L’emplacement sur lequel l’installation doit être réalisée ;
  • La nature de l’activité envisagée ;
  • Les procédés de fabrication qui seront mises en œuvre, les matières qui seront utilisées et les produits qui seront fabriqués ;
  • Les capacités techniques et financières de l’exploitant ;
  • La justification du dépôt de la demande de permis de construire et/ou de la demande d’autorisation de défrichement lorsque l’implantation du projet le nécessite ;
  • Un plan d’ensemble à l’échelle de 1/200 au minimum indiquant les dispositions projetées de l’installation ainsi que, jusqu’à 35 mètres au moins de celle-ci, l’affectation des constructions et terrains avoisinants ainsi que le tracé de tous les réseaux enterrés existants ;
  • Une étude d’impact ;
  • Une étude de dangers ;
  • Une notice portant sur la conformité de l’installation projetée avec les prescriptions législatives et réglementaires relatives à l’hygiène et à la sécurité du personnel.

Quelques précisions sur l’étude d’impact et l’étude de dangers, les pièces les plus importantes du dossier de demande d’autorisation et dont le contenu ou les insuffisances peuvent bien souvent entrainer le refus de l’autorisation ou son annulation par le juge.

L’étude d’impact :

L’étude d’impact est défini aux articles R. 122-5 et R. 512-8 du code de l’environnement. Elle doit entre autres présenter :

  • Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions ;
  • Une analyse de l’état initial de la zone et des milieux susceptibles d’être affectés par le projet ;
  • Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l’environnement ;
  • Les mesures prévues pour limiter ou réduire les nuisances et/ou les dangers.

Le contenu de l’étude d’impact doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature du projet et à son incidence sur l’environnement ou la santé humaine.

On précisera que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative[33].

Exemples d’annulation d’autorisation d’exploiter liés à l’insuffisance de l’étude d’impact :

  • Une demande d’exploiter une carrière de 26 hectares dont l’étude d’impact n’a pas mentionné le statut de protection des espèces animales répertoriées sur le site ni les mesures prises pour la protection de ces espèces protégées[34];
  • Une demande d’exploiter un élevage porcin dont l’étude d’impact n’a pas été assortie d’une étude hydrogéologique du secteur concerné par l’épandage, n’a prévue aucune mesure pour éviter les risques en cas d’inondation des sites d’épandages et qui a omis de mentionner l’existence à proximité immédiate de ces sites des zones naturelles d’intérêts écologiques, faunistiques et floristiques[35];
  • Une demande d’exploiter une centrale d’enrobage à chaud et une centrale d’enrobage à froid de matériaux routier dont l’étude d’impact n’a, d’une part, pas étudié les effets possibles du projet sur les communes situées à proximité (s’agissant notamment des nuisances sonores et olfactives liées au fonctionnement de ce type d’installation) et, d’autre part, pas fait mention du caractère inondable du site et des risques de pollution pouvant en résulter[36].

 

L’étude de dangers :

L’étude de dangers a pour objet d’exposer les risques que présente l’ICPE pour l’homme et la nature. A ce titre, elle doit justifier que le projet permet d’atteindre un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l’état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l’environnement de l’installation[37].

Cette étude doit notamment préciser la nature et l’organisation des moyens de secours dont le demandeur dispose ou dont il s’est assuré le concours en vue de combattre les effets d’un éventuel sinistre. Elle doit par ailleurs comporter un résumé non technique explicitant la probabilité, la cinétique et les zones d’effets des accidents potentiels, ainsi qu’une cartographie des zones de risques significatifs.

Le contenu de l’étude de dangers doit être en relation avec l’importance des risques engendrés par l’installation.

On précisera que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude de dangers ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative[38].

Tel a été le cas d’une autorisation d’extension d’un centre de déchets industriels qui a été annulée pour insuffisance de l’étude de dangers, dès lors que cette dernière n’avait pas pris en compte le risque d’incendie lié aux dégagements d’hydrogène lors du traitement des déchets[39].

 

ii- Les consultations

Une fois le dossier déposé en préfecture, celui-ci fait l’objet d’une enquête publique et est transmis à différents organismes pour avis.

L’enquête publique

L’enquête publique consiste à présenter le dossier au public concerné par le projet et à prendre en compte ses intérêts (avis, suggestions, contre-propositions, etc) lors de l’adoption de la décision[40]. C’est l’une des phases les plus importantes de la procédure d’autorisation d’exploiter.

L’enquête est conduite, selon la nature et l’importance du projet, par un commissaire enquêteur ou une commission d’enquête[41], désigné par le président du tribunal administratif. Ne peuvent être désignées commissaire enquêteur les personnes intéressées au projet à titre personnel ou en raison de leurs fonctions[42]. Une enquête publique a ainsi pu être déclarée irrégulière au motif que le commissaire enquêteur et le maire de la commune où devait être implanté le projet étaient tous deux des élus de la même communauté de communes et s’étaient portés candidats, sur la même liste, d’un parti politique lors de précédentes élections[43].

L’enquête est ouverte et organisée par le préfet[44]. Elle se déroule dans les communes concernées par les risques et inconvénients dont l’installation peut être la source.

La durée de l’enquête publique ne peut être inférieure à trente jours et elle ne peut excéder deux mois[45].

Le dossier soumis à l’enquête publique doit entre autres comprendre[46] :

  • L’étude d’impact et son résumé non technique ;
  • Les avis émis sur le projet ;
  • La mention des autres autorisations nécessaires pour réaliser le projet.

Pendant la durée de l’enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contre-propositions sur le registre d’enquête.

Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d’enquête[47].

A la clôture de l’enquête publique, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête doit établir un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies.

Le rapport doit comporter le rappel de l’objet du projet, la liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l’enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet en réponse aux observations du public.

Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête doit consigner, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet[48].

L’avis du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ne lie pas le préfet. Mais une décision du préfet contraire à cet avis serait davantage susceptible d’être contestée dans le cadre d’un recours contentieux[49].

On précisera que les inexactitudes, omissions ou irrégularités ne sont de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elles n’ont pas permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative[50].

Exemples d’irrégularités ayant entrainé l’illégalité de l’autorisation :

  • Un dossier d’enquête publique qui ne comportait pas l’avis d’un organisme dont la consultation était obligatoire et qui de surcroit avait émis un avis négatif au projet[51];
  • Les conclusions très succinctes d’un commissaire enquêteur, lesquelles ont été considérées comme n’étant pas à la mesure des enjeux du projet et des observations du public qui contestait de façon développée le choix du site d’implantation du projet[52].

 

La transmission du dossier à différents organismes pour avis

La demande d’autorisation reçue par le préfet doit être adressée à différents organismes pour avis. On peut en autres relever que :

  • L’étude d’impact doit être transmise pour avis au préfet de région[53];
  • Les conseils municipaux des communes concernées par l’implantation du projet doivent donner leurs avis sur le projet[54];
  • Pour les installations de stockage de déchets et les sites de stockage géologique de dioxyde de carbone, l’étude d’impact est soumise, pour avis, à la commission de suivi de site intéressée lorsqu’elle existe[55].

 

c- Les installations soumises à enregistrement

L’exploitant doit adresser au préfet du département une demande d’enregistrement. La procédure de l’enregistrement, moins lourde que celle de l’autorisation, est un régime intermédiaire entre la procédure de déclaration et la procédure d’autorisation.

La demande doit plus ou moins contenir les mêmes informations et pièces que celles qui sont exigées en matière d’autorisation avec cependant deux différences majeurs. D’une part, il n’est en principe pas exigé d’étude d’impact et d’étude de dangers. D’autre part, le demandeur doit fournir un document justifiant du respect des prescriptions applicables à l’installation, notamment les prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Ce document doit présenter les mesures retenues et les performances attendues par le demandeur pour garantir le respect de ces prescriptions[56].

Les demandes d’enregistrement n’ont en principe pas à faire l’objet d’une enquête publique, sauf si par exemple l’installation, par sa proximité ou sa connexité avec une installation soumise à autorisation ayant le même exploitant, est de nature à en modifier les dangers ou inconvénients[57].

En revanche, le dossier doit faire l’objet d’une consultation. Procédure plus légère que l’enquête publique, la consultation doit permettre de recueillir les observations du public sur le projet. Celui-ci peut ainsi formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet à la mairie du lieu d’implantation du projet, ou les adresser au préfet par lettre ou, le cas échéant, par voie électronique, avant la fin du délai de consultation du public. A l’expiration de ce délai, le maire doit clore le registre et l’adresser au préfet qui y annexera les observations qui lui ont été adressées[58].

S’agissant des organismes qui doivent être consultés, on peut notamment relever que le préfet doit recueillir l’avis des conseils municipaux des communes concernées par l’implantation du projet[59].

 

B – Les moyens de légalité interne

 

                1 – Les installations soumises à autorisation ou enregistrement

A l’appui de son recours, le requérant pourra soulever des moyens liés au non-respect des documents de planification (a) ou au risque d’atteinte aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement (b).

 

a- Le respect des documents de planification

 

i- Le respect des documents d’urbanisme

 

La législation au titre des ICPE est indépendante de celle de l’urbanisme. Par suite, la légalité d’un arrêté autorisant l’exploitation d’une ICPE n’est pas subordonnée à l’octroi ou à la légalité du permis de construire[60].

Il faut toutefois bien comprendre que même si l’exploitant obtient une autorisation d’exploiter une installation classée, cela ne veut pas pour autant dire qu’il pourra obtenir le permis de construire nécessaire pour la réalisation des travaux ou le changement de destination de sa construction. Le projet peut ainsi très bien respecter les règles applicables au titre de la législation sur les installations classées mais pas forcément celles applicables au titre de la législation sur les permis de construire.

Néanmoins, l’autorisation d’exploiter une installation classée doit être compatible avec les dispositions contenues dans le schéma de cohérence territoriale[61] et dans le plan local d’urbanisme[62] applicables.

Ainsi, l’exploitation d’une carrière ne peut être autorisée sur un site classé en zone agricole par le PLU de la commune concernée[63]. De même, il a été jugé que ne pouvait être autorisé l’exploitation d’une décharge sur un site classé en zone naturelle à protéger par le POS de la commune concernée[64].

 

ii- Le respect des règles concernant l’eau et les milieux aquatiques

La décision autorisant l’exploitation d’une installation classée doit être compatible avec les dispositions applicables au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et au schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)[65].

Cette exigence de compatibilité ne concerne en revanche pas les exploitations de carrière[66]. Ces dernières doivent cependant être compatibles avec le schéma départemental ou régional des carrières, lequel schéma doit être compatible avec les dispositions du SAGE et du SDAGE.

 

iii- Le respect du pan régional de prévention et de gestion des déchets

La décision autorisant l’exploitation d’une installation classée doit être compatible avec les dispositions contenues dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets[67].

A défaut d’un tel plan, la décision doit être compatible avec le plan régional de prévention et de gestion des déchets dangereux, le plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux et le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiment et des travaux publics[68].

 

iv- Le respect du schéma régional ou départemental des carrières

La décision autorisant l’exploitation d’une carrière doit être compatible avec les dispositions contenues dans le schéma régional ou départemental des carrières[69].

 

v- Le respect des plans de prévention des risques

La décision autorisant l’exploitation d’une installation doit être compatible avec les dispositions contenues dans les plans de prévention des risques naturels[70] ou technologiques[71].

 

 

b- Les risques d’atteinte aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement

La décision autorisant l’exploitation d’une installation ne peut être délivrée que si les dangers ou inconvénients pour l’homme, son environnement ou la nature peuvent être prévenus par des mesures précisées dans l’autorisation.

Ainsi, a été jugé illégal :

  • Une autorisation d’exploiter une porcherie qui présentait des inconvénients ou nuisances graves pour le voisinage compte tenu de son importance et de la faible distance qui la séparait d’une maison habitation[72];
  • Une autorisation d’exploiter une carrière située à proximité d’une zone de protection du patrimoine architectural et urbain, dès lors que les tirs de mine nécessités par l’exploitation de la carrière menaçaient tant la solidité que la stabilité de cette zone[73];
  • Une autorisation d’exploiter une carrière de sable située dans une zone Natura 2000, dès lors que les mesures compensatoires prévues par le projet n’étaient pas suffisantes pour assurer la protection de la faune et de la flore sauvages et qu’en outre le projet risquait d’aggraver le trafic routier déjà très chargé dans le secteur concerné[74].

 

2 – Les installations soumises à déclaration

S’agissant des installations relevant du régime de la déclaration, le préfet est tenu de délivrer le récépissé si la demande présentée par l’exploitant est complète et régulière. Il ne peut par conséquent refuser de le délivrer même si l’installation n’est pas compatible avec des documents de planification ou avec les intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement[75].

Mais si les prescriptions générales applicables à l’installation ne sont pas suffisantes pour protéger les intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, le préfet sera, dans cette hypothèse, tenu d’édicter des prescriptions supplémentaires pour remédier au problème. En cas de refus, cette décision du préfet pourra faire l’objet d’un recours et le requérant pourra, à l’appui de son recours, invoquer les atteintes aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

Enfin, on précisera que la légalité du récépissé délivré n’est pas subordonnée à l’octroi ou à la légalité du permis de construire ; de sorte que même si l’exploitant obtient son récépissé, il peut très bien ne pas obtenir le permis de construire nécessaire pour la réalisation des travaux ou le changement de destination de sa construction.

 

C –  Le cas particulier des autorisations uniques

En premier lieu, et à titre expérimental, une procédure d’autorisation unique a été mise en place pour les éoliennes et les installations de méthanisation.

Cette autorisation unique vaut autorisation d’exploiter une ICPE et, le cas échéant, permis de construire, autorisation de défrichement, autorisation d’exploiter au titre de l’article L. 311-1 du code de l’énergie, approbation au titre de l’article L. 323-11 du même code et dérogation à la préservation des espèces protégées (article L. 411-2, 4° du code de l’environnement)[76].

Pour ces installations, soumises à la procédure de l’autorisation unique, l’autorisation devra respecter l’ensemble des législations pour lesquelles l’autorisation a été accordée.

Ainsi, pour un projet de construction et d’exploitation d’éoliennes, l’autorisation délivrée devra notamment respecter les règles applicables aux installations classées mais aussi à celles applicables aux permis de construire.

En second lieu, et également à titre expérimental, une procédure d’autorisation unique concernant toutes les autres ICPE a été mise en place en région Champagne-Ardenne et Franche-Comté. Dans les autres régions, seuls les projets d’installations présentant un intérêt majeur pour l’activité économique peuvent faire l’objet d’une autorisation unique[77].

 

III – Les pouvoirs du juge

Le recours contre une ICPE est un recours de plein contentieux. Les pouvoirs dont dispose le juge sont par conséquent très larges. Celui-ci peut ainsi :

  • Annuler l’autorisation délivrée ;
  • Annuler l’autorisation délivrée tout en autorisant l’exploitant à poursuivre son activité, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions, jusqu’à ce qu’il régularise la situation de son installation[78];
  • Confirmer l’autorisation délivrée mais en l’assortissant de prescriptions supplémentaires[79].

 

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[1] Article L. 511-1 du code de l’environnement.

[2] Articles L. 512-1 et suivants du code de l’environnement.

[3] Articles L. 512-7 et suivants du code de l’environnement.

[4] Articles L. 512-8 et suivants du code de l’environnement.

[5] CE, 22 mars 1996, n° 128923.

[6] CAA Lyon, 1er avr. 2008, n° 07LY01399.

[7] CE, 15 septembre 2004, n°230665.

[8] CAA Nantes, 29 mars 1995, n° 93NT00170.

[9] CAA Nantes, 26 septembre 2014, n° 12NT02631.

[10] Article L. 142-1 du code de l’environnement.

[11] Article L. 514-6, I-bis 2° du code de l’environnement.

[12] CE, 13 juillet 2012, n° 339592.

[13] CE, 13 juillet 2012, n° 339592.

[14] CAA Nantes, 13 juin 2014, n° 12NT00974.

[15] CAA Nantes, 23 nov. 1994, n° 93NT00096.

[16] CAA Marseille, 8 nov. 2010, n° 09MA00033.

[17] CE, 30 janv. 2013, n° 347347.

[18] CAA Douai, 28 mai 2014, n° 13DA00022.

[19] CAA Lyon, 7 janv. 2014, n° 12LY02451.

[20] Article R. 514-3-1 du code de l’environnement.

[21] Article L. 514-6 du code de l’environnement.

[22] Article L. 515-27 du code de l’environnement.

[23] CE, 21 déc. 2007, n° 280195.

[24] Article R. 312-1 du code de justice administrative.

[25] Article R. 411-1 du code de justice administrative.

[26] Article R. 412-1 du code de justice administrative.

[27] Article R. 431-2 du code de justice administrative.

[28] Articles L. 512-2, L.512-7-3 et R. 512-49 du code de l’environnement.

[29] Article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

[30] Article R. 512-47 du code de l’environnement.

[31] Article R. 512-49 du code de l’environnement.

[32] Articles R. 512-3 et suivants du code de l’environnement.

[33] CE, 14 oct. 2011, n° 323257.

[34] CAA Bordeaux, 24 janv. 2012, n° 11BX00555.

[35] CAA Nantes, 29 déc. 2014, n° 13NT02466.

[36] CAA Bordeaux, 10 juill. 2014, n° 12BX02495.

[37] Article L. 512-2 du code de l’environnement.

[38] CAA Versailles, 6 juill. 2012, n° 10VE03178.

[39] CAA Marseille, 4 mai 2006, n° 01MA01773.

[40] Article L. 123-1 du code de l’environnement.

[41] Article L. 123-4 du code de l’environnement.

[42] Article R. 123-4 du code de l’environnement.

[43] CAA Marseille, 4 juin 2010, n° 07MA03296.

[44] Article L. 123-3 du code de l’environnement.

[45] Article L. 123-9 du code de l’environnement.

[46] Article R. 123-8 du code de l’environnement.

[47] Article R. 123-13 du code de l’environnement.

[48] Article R. 123-19 du code de l’environnement.

[49] CAA Douai,1er juin 2011, n° 10DA00193.

[50] CAA Bordeaux, 3 novembre 2015, n° 13BX02246.

[51] CAA Marseille, 7 juillet 2015, n° 12MA04547.

[52] CAA Douai, 9 avr. 2014, n° 12DA01458.

[53] Article R. 122-6 du code de l’environnement.

[54] Article R. 512-20 du code de l’environnement.

[55] Article R. 512-19 du code de l’environnement.

[56] Articles R. 512-46-1 et suivants du code de l’environnement.

[57] Article R. 512-46-2 du code de l’environnement.

[58] Article R. 512-46-14 du code de l’environnement.

[59] Article R. 512-46-11 du code de l’environnement.

[60] CE, 11 janv. 1995, n° 112199.

[61] Article R. 122-5 du code de l’urbanisme.

[62] Article L. 123-5 du code de l’urbanisme.

[63] CAA Lyon, 18 oct. 2011, n° 09LY01538.

[64] CE, 4 déc. 1985, n° 45237.

[65] Article L. 214-7 du code de l’environnement.

[66] CE, 15 mars 2006, n° 264699.

[67] Article L. 514-13 du code de l’environnement.

[68] Article 8, III de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015.

[69] Article L. 515-3 du code de l’environnement.

[70] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[71] Article L. 515-15 du code de l’environnement.

[72] CE 6 févr. 1981, n° 03539.

[73] CAA Nantes, 12 nov. 1997, n° 95NT01657.

[74] CAA Bordeaux, 17 déc. 2008, n° 07BX0192.

[75] Pour exemple CAA Nancy, 25 juill. 2014, n° 13NC01649.

[76] Article 1 de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

[77] Article 9 de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement.

[78] CE, 15 mai 2013, n° 353010.

[79] CAA Bordeaux, 14 nov. 2006, n° 03BX01988.