Sécurisation des documents d’urbanisme et des délibérations du conseil municipal : le travail continue

Par cette décision, CE, 12 oct. 2016, n° 387308, Commune de Saint Michel-Chef-Chef, le Conseil d’État aménage plusieurs règles de procédures affectant le droit de l’urbanisme afin de mieux tenir compte des préoccupations des élus, confrontés à des textes jugés trop rigides ou incohérents. Ces aménagements ont pour effet de réduire les risques d’annulation des documents d’urbanisme.

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Commentaire de la décision CE, 12 oct. 2016, n° 387308, Commune de Saint Michel-Chef-Chef :

« 6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité ; que, de même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération ; que, cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel ;

7. Considérant que la délibération litigieuse détermine des prévisions et règles d’urbanisme dont le champ d’application s’étend à l’ensemble de la commune ; que si la cour a relevé qu’une conseillère municipale, épouse du gérant d’un supermarché de la commune dont le plan local d’urbanisme approuvé par la délibération litigieuse rendrait possibles le déplacement et l’extension, avait pris part au vote lors de la séance du 16 décembre 2010 au cours de laquelle ce plan a été approuvé, elle a également relevé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette conseillère aurait pris une part active aux débats relatifs à ce plan ; qu’en en déduisant que la participation au vote de cette conseillère municipale n’avait pas entaché d’irrégularité la délibération litigieuse, qui ne pouvait être regardée comme ayant pris en compte, du fait de l’influence qu’aurait exercée cette élue, son intérêt personnel, et en écartant ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

(…)

14. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au plan local d’urbanisme en litige :  » Les plans locaux d’urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. En l’absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent être compatibles, s’il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 (…)  » ; qu’en vertu du dernier alinéa de l’article L. 146-1 du même code, alors applicable, en l’absence de directives territoriales d’aménagement en précisant les modalités d’application, les dispositions particulières au littoral prévues aux articles L. 146-1 à L. 146-9  » sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, pour l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement  » ; que le III de l’article L. 146-4 du même code disposait que :  » En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (…)  » ;

15. Considérant que c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a relevé que seules des parcelles situées dans les espaces urbanisés avaient été classées en zone urbaine au sein de la bande des cent mètres ; que, par ailleurs, M. B… n’est pas fondé à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas, pour écarter son moyen tiré de ce que le plan local d’urbanisme était incompatible avec les dispositions précitées du III de l’article L 146-4 du code de l’urbanisme, s’il comportait des dispositions particulières imposant le respect de l’interdiction que prévoient ces dispositions, dès lors, d’une part, que le plan local d’urbanisme n’est pas tenu de réitérer ces dispositions et que le requérant ne faisait état d’aucune méconnaissance par le plan litigieux de l’interdiction en cause et, d’autre part, qu’il appartient dans tous les cas à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol d’en assurer le respect ;

(…)

En ce qui concerne l’application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :

17. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, créé par l’article 137 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dans sa rédaction applicable à l’arrêt attaqué :  » Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (…) / 2° En cas d’illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables  » ; que ces dispositions, qui instituent des règles de procédure qui ne concernent que les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours ;

18. Considérant que, ainsi qu’il a été dit, la cour a sursis à statuer après avoir constaté qu’aucun des moyens soulevés par M.B…, à l’exception du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2122-12 du code général des collectivités territoriales, n’était, selon elle, fondé ; qu’elle a relevé que cette irrégularité, intervenue postérieurement au débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables, était susceptible de régularisation par une nouvelle délibération respectant l’obligation d’information des conseillers municipaux imposée par le code général des collectivités territoriales ; que, contrairement à ce que soutient M.B…, elle n’a commis sur ce point aucune erreur de droit, la circonstance qu’une nouvelle délibération du conseil municipal soit nécessaire ne pouvant faire obstacle à ce qu’une irrégularité de la délibération initiale soit régularisée ;

19. Considérant que, dès lors qu’elle n’avait retenu qu’un vice de procédure et relevé, sans erreur de droit, que celui-ci entrait dans les prévisions du 2° de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, la cour pouvait, sur le fondement de cet article, prononcer un sursis à statuer sur la requête de M.B…, tout en impartissant à la commune de Saint-Michel-Chef-Chef un délai pour régulariser la délibération attaquée ;

20. Considérant, il est vrai, que, ainsi qu’il a été dit au point 10 ci-dessus, c’est au prix d’une erreur de droit que la cour a écarté le moyen tiré de l’illégalité de la création des zones Nh ;

21 Considérant que la circonstance que le juge décide l’annulation partielle d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme au motif que certaines dispositions divisibles de ce plan sont entachées d’illégalité ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que, pour le reste de la délibération, il fasse application des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, si les conditions qu’elles posent sont remplies »

 

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Commentaire publié dans la revue JCP. A n° 15, du 18 avril 2017

Permis de construire et loi littoral

La loi littoral a pour objet de préserver les côtes françaises des ravages de l’urbanisation. La délivrance des permis de construire sur les espaces situés près des mers, océans, lacs ou estuaires est ainsi strictement encadrée. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est soumise à la loi littoral.

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Peut-on construire sur le littoral ? Voilà une question qui intéresse aussi bien le promoteur immobilier que tout défenseur de l’environnement.

Le littoral français mesure plus de 7 500 km. D’une richesse et d’une diversité particulières, il est également très fragile. La pression urbaine qui s’exerce aux abords du littoral n’arrange guère la situation. Le bétonnage des côtes a en effet pour conséquence de porter atteinte à la beauté des sites, à la préservation des équilibres biologiques et écologiques et à la lutte contre l’érosion.

Votée à l’unanimité par les parlementaires, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, vise à encadrer les règles d’occupation et d’utilisation des sols aux abords du littoral. Ce sont les dispositions de cette loi, codifiées aujourd’hui aux articles L. 121-1 et suivants du code de l’urbanisme, qui règlementent les possibilités de construire et d’aménager les terrains situés sur le littoral français.

L’objet de la présente note sera d’étudier les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est soumise à la loi Littoral.

 

1 – QU’EST CE QUE LA LOI LITTORAL ?

La loi Littoral vise à encadrer les conditions d’utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres dans les communes littorales, c’est-à-dire dans les communes qui sont notamment riveraines des mers, océans, estuaires, étangs salés ou lacs[1].

 

2 – QUE PREVOIT LA LOI LITTORAL ?

La loi Littoral règlemente les possibilités et modalités de construction et d’aménagement des terrains situés dans les communes littorales.

Les dispositions de cette loi contiennent d’une part des règles applicables sur tout le territoire de la commune littorale (2.1) et, d’autre part, des règles plus spécifiques s’agissant des espaces situés à proximité du littoral (2.2).

 

2.1 – Les mesures applicables sur tout le territoire des communes littorales

Lorsque le territoire de la commune est couvert par un document d’urbanisme, celui-ci doit tenir compte de la particularité des espaces qu’il règlemente (2.1.1). 

Les modalités d’extension de l’urbanisation sont par ailleurs encadrées, que le territoire de la commune soit couvert ou non par un document d’urbanisme (2.1.2).

 

2.1.1 – Les dispositions spécifiques applicables aux documents d’urbanisme

Les dispositions spécifiques applicables aux documents d’urbanisme ne sont pas directement opposables aux permis de construire. Mais dans l’hypothèse où le document d’urbanisme serait illégal, le permis de construire qui a été délivré sur la base de ce document, illégal, pourrait également faire l’objet d’une annulation. 

 

2.1.1.1 – La détermination de la capacité d’accueil

Les documents d’urbanisme (Plan local d’urbanisme (PLU), Schéma de cohérence territoriale (SCOT), carte communale, etc.) doivent déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser. Pour déterminer cette capacité d’accueil, ils doivent prendre en compte la préservation de la faune et de la flore, de l’existence des risques littoraux ou encore des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels[2].

La notion de capacité d’accueil est difficilement quantifiable. Elle vise surtout à préserver l’objectif d’équilibre entre le développement de l’urbanisation et le respect du milieu naturel.

Ainsi, dans l’hypothèse où une mauvaise évaluation de la capacité d’accueil mettrait en péril un espace à protéger, le document d’urbanisme litigieux pourrait faire l’objet d’une annulation[3].

 

2.1.1.2 – La préservation des coupures d’urbanisation

Les SCOT et les PLU doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation[4].

Ce principe a pour objet d’éviter l’urbanisation de tout le littoral et de mieux répartir les espaces bâtis.

Les SCOT et les PLU ont ainsi l’obligation de prévoir une ou plusieurs coupures naturelles selon les circonstances géographiques propres à chaque territoire[5].

 

2.1.1.3 – La préservation des espaces remarquables

Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques doivent faire l’objet d’une protection particulière[6].

Il s’agit notamment des parties naturelles des sites inscrits ou classés, des dunes, des zones humides et milieux temporairement immergés ou des milieux abritant des concentrations naturelles d’espèces animales ou végétales[7].

En l’absence de document d’urbanisme, ces prescriptions sont également directement opposables aux demandes de permis de construire.

En conséquence, seuls des aménagements légers doivent être autorisés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public.

Il peut s’agir par exemple des cheminements piétonniers et cyclables ou des aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles, pastorales et forestières[8].

 

2.1.2 – Les dispositions relatives aux modalités d’extension de l’urbanisation

Dans les communes littorales, les modalités d’extension de l’urbanisation sont encadrées. Cet encadrement s’applique à tout terrain situé sur le territoire de la commune, que ce terrain soit ou non situé à proximité du rivage[9].

Au sens de la loi Littoral, il y a extension de l’urbanisation lorsqu’un terrain n’est pas situé dans une zone déjà urbanisée, c’est-à-dire dans une zone caractérisée par une densité significative des constructions[10].

Dans une telle hypothèse, même l’agrandissement d’une construction existante pourra être considéré comme étant une extension[11].

L’extension de l’urbanisation n’est admise que si elle se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement[12].

Tout d’abord, l’extension de l’urbanisation est autorisée si elle se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Elle n’est autrement dit autorisée que si elle se réalise dans les zones déjà urbanisées, c’est-à-dire dans les zones caractérisées par une densité significative des constructions aux destinations variées (habitations, commerces, bureaux, etc.)[13] .

A contrario, aucune extension ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations et villages existants[14].

A titre d’exemple, constitue une zone d’urbanisation diffuse un terrain, qui malgré le fait qu’il jouxte sur plusieurs de ses côtés des parcelles construites, est situé à l’intérieur d’une zone, délimitée par des routes, qui comprend, à l’ouest, une zone d’habitat dispersé le séparant d’un village, et à l’est, un vaste espace demeuré pour l’essentiel à l’état naturel[15].

Ensuite, l’extension de l’urbanisation est autorisée si elle se réalise en continuité avec les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Une telle extension doit toutefois être prévue par les documents d’urbanisme locaux, comme le plan local d’urbanisme[16].

Un hameau nouveau intégré à l’environnement se caractérise par la réalisation d’un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l’organisation s’inscrivent dans les traditions locales.

A titre d’exemple, il a été jugé que constituait un hameau nouveau intégré à l’environnement (provençal en l’espèce), un projet immobilier dont les constructions seraient implantées autour d’un espace commun constitué par une rue centrale, sur laquelle donneraient toutes les portes d’entrée des maisons, et d’une petite place de 500 m² avec une fontaine et un boulodrome[17].

A contrario, il a été jugé que ne constituait pas un hameau nouveau intégré à l’environnement, des habitations édifiées, au fil des années, de manière éparse et sans projet d’insertion dans le site[18].

Ces deux principes ne s’appliquent toutefois pas lorsque les projets de construction sont liés aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées.

 

2.2 – Les mesures applicables à proximité des rivages

 

2.2.1 – L’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage

Dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation peut être autorisée si elle est prévue par le plan local d’urbanisme. Ce dernier doit toutefois justifier et motiver cette extension selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau[19].

Ces critères ne sont néanmoins pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional par exemple.

En l’absence de ces documents, l’urbanisation peut néanmoins être réalisée avec l’accord du préfet. Le préfet doit alors, au préalable, obtenir l’avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, laquelle appréciera l’impact de l’urbanisation sur la nature.

En tout état de cause, cette extension devra toujours être limitée[20].

Trois critères doivent être pris en compte pour qualifier une zone d’espace proche du rivage, à savoir la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la covisibilité entre cette zone et le plan d’eau[21]. Tout dépendra donc du contexte géographique local.

Une zone a ainsi été qualifiée d’espace proche du rivage dans la mesure où elle était située entre 180 mètres et 800 mètres des rives d’un lac, dont elle n’était séparée que par quelques habitations et dont la partie est était visible de ces rives[22].

En revanche un terrain ne peut être regardé comme constituant un espace proche du rivage dans la mesure où il est situé dans le prolongement immédiat d’une zone entièrement urbanisée, qui la sépare du rivage de la mer, distant d’environ 800 mètres, et interdit toute covisibilité entre ce terrain et la mer[23].

Ces dispositions sont applicables indépendamment du caractère urbanisé ou non de l’espace dans lequel se situent les constructions envisagées[24]. Peu importe donc que la zone en question soit déjà urbanisée. Seule importera le fait que cette extension de l’urbanisation soit limitée.

 

2.2.2 – L’interdiction de l’urbanisation dans la bande littorale des 100 mètres

Les constructions sont en principe interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs[25].

Cette interdiction concerne aussi bien les constructions nouvelles que celles portant extension d’une construction existante[26].

Il existe cependant deux exceptions importantes à ce principe.

Tout d’abord, l’interdiction de construire dans la bande littorale des 100 mètres ne s’applique pas dans les espaces déjà urbanisés.

Ensuite, cette interdiction ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau (ce qui n’est pas le cas des bars restaurants[27]).

Par ailleurs, le plan local d’urbanisme peut porter la largeur de la bande littorale à plus de cent mètres, lorsque des motifs liés à la sensibilité des milieux ou à l’érosion des côtes le justifient.

En revanche, on notera qu’en Corse, le plan d’aménagement et de développement durable peut autoriser en dehors des espaces urbanisés dans la bande littorale des 100 mètres des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l’accueil du public (comme des paillottes), à l’exclusion de toute forme d’hébergement[28]

 

3 – COMMENT S’ARTICULE LE PERMIS DE CONSTRUIRE AVEC LA LOI LITTORAL ?

Dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d’aménagement, ou par un document en tenant lieu, la demande de permis de construire doit en principe être conforme avec les prescriptions édictées par ce document d’urbanisme. Et ce n’est qu’en l’absence d’un tel document, que la demande de permis de construire doit être conforme avec les dispositions de la loi Littoral[29].

De plus, dans le cas où le territoire de la commune serait couvert par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu, la circonstance que la demande de permis de construire respecte les prescriptions du plan local d’urbanisme peut ne pas suffire à assurer sa légalité au regard des dispositions de la loi Littoral (ou de la directive territoriale d’aménagement, ou du document en tenant lieu, en présence d’une telle directive)[30].

D’une part, certaines dispositions de la loi Littoral autorisent le PLU à opérer des choix en matière d’urbanisme. Ainsi en est-il de la possibilité de créer des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement [31]. Dans cette hypothèse, la conformité du permis de construire avec le PLU, suffit à rendre ce projet conforme avec les dispositions de cette loi. Ainsi, lorsque le terrain d’assiette du projet de demande de permis de construire est situé dans une zone destinée par le PLU à l’accueil d’un hameau nouveau, cette situation suffit à rendre ce permis légal par rapport aux dispositions de la loi Littoral (sous réserve que cette zone soit compatible avec les dispositions de la loi Littoral)[32].

D’autre part, et revanche, certaines dispositions de la loi Littoral n’autorisent pas le PLU à opérer des choix. Elles s’imposent directement aux demandes de permis de construire, au regard de leur précision et de leur caractère impératif. C’est par exemple le cas du principe selon lequel, en dehors des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, l’extension de de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants[33].

Dans cette hypothèse, la conformité de la demande de permis de construire au PLU ne permet pas d’assurer la conformité du permis de construire avec le principe précité contenu dans la loi Littoral. De sorte que la demande de permis de construire doit également, et indépendamment de sa conformité avec le PLU, être conforme avec les dispositions de la loi Littoral en cause.  

Par voie de conséquence, le principe selon lequel l’extension de l’urbanisation, en dehors des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants est directement applicable aux demandes d’autorisation d’urbanisme. De sorte, que le permis de construire ne peut être accordé que si le projet lui-même est réalisé en continuité avec les agglomérations et villages existants, quand bien même donc le PLU légalement applicable aurait ouvert à l’urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d’assiette du projet[34].

Articulation du PLU avec la loi Littoral

 

4 – LE PERMIS DE CONSTRUIRE DOIT IL ÊTRE DÉLIVRÉ AU REGARD DES SEULES RÈGLES CONTENUES DANS A LOI LITTORAL  ?

Dans les communes littorales, la loi Littoral n’édicte que des limitations minimales des possibilités de construire (l’interdiction de construire dans les zones d’urbanisation diffuse par exemple) que toute demande d’occupation ou d’utilisation des sols doit respecter.

Les auteurs des documents locaux d’urbanisme demeurent en conséquence libres, en fonction de considérations propres à leur territoire, de compléter les dispositions de cette loi dans le sens de la sévérité, en interdisant ou en encadrant les partis d’urbanisme là où cette loi n’y ferait pas obstacle.

Ils peuvent ainsi élargir la bande des 100 mètres sur laquelle est en principe interdite toute construction ou ne pas classer en zone constructible des zones situées en continuité avec les villages et agglomérations existantes.

En d’autres termes, les prescriptions contenues dans la loi littoral complètent et s’ajoutent aux autres prescriptions d’ordre générale figurant par exemple dans les documents d’urbanisme (le PLU ou le SCOT par exemple).

Par conséquent, la demande de permis de construire doit non seulement respecter les dispositions figurant dans la loi Littoral mais aussi toutes les autres règles du droit de l’urbanisme applicables pour le projet en question.

Ainsi ce n’est pas parce qu’un projet respecterait les dispositions de la loi littoral que pour autant il serait conforme au droit de l’urbanisme.

D’une part donc, en présence d’un PLU ou d’un document en tenant lieu, le terrain d’assiette du projet doit être situé dans une zone ouverte à l’urbanisation par le PLU. Dans le cas contraire, aucun permis de construire ne pourra en principe être délivré.

D’autre part, et d’une manière plus générale, le projet doit respecter l’ensemble des règles d’urbanisme applicables au terrain d’assiette du projet, dont les dispositions d’ordre impératif figurant dans le règlement national d’urbanisme.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire pouvait valablement refuser de délivrer un permis de construire pour un projet, certes, en zone constructible mais dont le terrain d’assiette était situé à proximité d’une falaise présentant des risques d’érosion marine[35].

De même, il a été jugé qu’un maire pouvait valablement refuser de délivrer un permis de construire  portant sur la réalisation d’un groupe de cinq maisonnettes compte tenu du fait que ce projet allait surplomber une vaste zone littorale naturelle, comprenant des terrains boisés, vierges de constructions, et un marais salant. Le juge a ainsi considéré que ce projet porterait atteinte au paysage avoisinant dont l’aspect sauvage fait la spécificité et la valeur[36].

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[1] Article L. 321-2 du code de l’environnement.

[2] Article L. 121-21 du code de l’urbanisme.

[3] CE, 12 déc. 1997, n° 149500.

[4] Article L. 121-22 du code de l’urbanisme.

[5] CAA Bordeaux, 1re ch., 19 juin 1997, n° 94BX01012

[6] Articles L. 121-23 et suivants du code de l’urbanisme.

[7] Article R. 121-4 du code de l’urbanisme

[8] Article R. 121-5 du code de l’urbanisme

[9] CE, 27 sept. 2006, n° 275924, Cne du Lavandou

[10] CAA Nantes, 28 févr. 2014, n° 12NT01411

[11] CE, 9 nov. 1994, n° 121297, Constantini

[12] Article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

[13] CAA Bordeaux, 12 janvier 2017, n° 15BX00373.

[14] CE, 19 oct. 2007, n° 306074.

[15] CAA Nantes, 28 septembre 2016, n° 14NT03392.

[16] CE, 3 avr. 2014, Commune de Bonifacio n° 360902

[17] CAA Marseille, 16 mai 2012, n° 10MA03021, Cne de Bonifacio.

[18] CE, 27 mai 2009, n° 299552.

[19] Article L. 121-13 du code de l’urbanisme.

[20] CE, 12 févr. 1993, n° 128251

[21] CE, 3 juin 2009, n° 310587.

[22] CAA Bordeaux, 30 déc. 2004, n° 00BX01787.

[23]  CE, 3 mai 2004, n° 251534.

[24] CE, 30 juill. 2003, SYNDICAT DE DEFENSE DU CAP D’ANTIBES, n° 203766

[25] Article L. 121-16 du code de l’urbanisme.

[26] CE, 21 mai 2008, n° 297744

[27] CE, 9 oct. 1996, Union départementale Vie et Nature, n° 161555

[28]  Article L. 4424-12 du CGCT.

[29] CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto Vecchio ; CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[30] CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto Vecchio ; CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[31] CE, 3 avr. 2014, n° 360902, Commune de Bonifacio

[32] CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[33] Article L. 121-8 du Code de l’urbanisme

[34] CE, 31 mars 2017, 392186, Sté Savoie Lac Investissements

[35] CAA Bordeaux, 17 janvier 2017, 15BX02883.

[36] CE, 21 mars 2001, n° 190043

 

 

 

 

Permis de construire et zone inondable

Un terrain situé en zone inondable peut constituer un motif de refus de permis de construire. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque d’inondation.

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Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème.

Une inondation peut être définie comme la submersion de terres émergées.

Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine d’une inondation, comme : le débordement d’un cours d’eau, une submersion marine, les ruissellements urbains ou agricoles, la rupture d’un ouvrage hydraulique (une digue ou un barrage par exemple), etc.

Le risque d’inondation sera plus ou moins important selon :

– la probabilité de survenue de l’inondation : importante (annuelle), moyenne (décennale) ou faible (centennale) ;

– l’intensité de l’inondation : hauteur de la submersion, vitesse de survenue, durée de la submersion, etc. ;

– les conséquences négatives liées à l’inondation : pour l’homme et ses biens, pour l’activité économique et pour l’environnement. 

La prévention et la limitation des risques d’inondation sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser de délivrer les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques d’inondation sont les plus importants, notamment près des côtes et des cours d’eau. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser de délivrer systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé à un risque d’inondation.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone inondable.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

Il existe par ailleurs des documents de planification qui, même s’ils ne sont pas directement opposables aux demandes de permis de construire, peuvent malgré tout conditionner leur légalité. Cela sera surtout le cas pour les projets immobiliers d’une certaine importance. Nous présenterons les principaux documents de planification (IV).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation.

 

                A – Présentation du plan de prévention des risques d’inondation

Le plan de prévention des risques d’inondation doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. C’est le document le plus important pour prévenir et limiter les risques d’inondation en raison de son caractère précis et de son opposabilité direct aux permis de construire

Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques des risques d’inondation peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation pourra interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement pourra, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

               

B – L’interdiction d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Lorsque le plan de prévention des risques d’inondation prévoit, pour une zone inondable, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[4], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[5]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[6] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs[7].

 

C – La possibilité d’édifier de nouvelles constructions en zone inondable

Si le plan de prévention des risques d’inondation ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte du risque d’inondation et permet d’assurer la sécurité des occupants, des riverains et des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque d’inondation que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[8].

Le plan de prévention des d’inondation doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[9]. Mais ce dernier ne doit pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

Les plans locaux d’urbanisme ont, en autres, pour objet d’établir les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de commune[10].

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones inondables[11].

Dans de telles zones, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, interdire la réalisation des remblais pour ne faire obstacle au libre écoulement des eaux, etc.

L’existence d’un risque d’inondation ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[12]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque d’inondation auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[13].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques d’inondation ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque d’inondation peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[14]

C’est sur la base de cet article que les permis de construire sont en principe refusés lorsqu’un terrain n’est pas rendu inconstructible par un plan de prévention des risques d’inondation ou un plan local d’urbanisme.

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques d’inondation[15].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques des risques d’inondation.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[16].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’inondation était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’inondation, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre un tel risque. En l’espèce, les mesures destinées à l’évacuation des eaux pluviales ont été jugées insuffisantes[17].

De même, si à la suite d’une catastrophe naturelle majeure (comme la tempête Xynthia), il s’avère que les prescriptions contenues dans le plan de prévention des risques d’inondation sont insuffisantes ou ne sont plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire, le maire pourra refuser de délivrer le permis sollicité sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[18].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[19].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[20].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone inondable ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens, il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’une maison à usage d’habitation située dont la majeure partie du terrain d’assiette sera située zone à risque élevé et moyen d’inondation, dès lors que la construction projetée sera édifiée sur une zone non inondable de ce terrain et qu’il sera en outre prévu un bassin de régulation des eaux pluviales, dont le volume sera calculé en fonction des surfaces imperméabilisées[21].

 

IV – Les documents de planification

 

A – Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux est un document de planification qui fixe pour chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques les orientations ayant pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. A ce titre, il doit veiller à définir les orientations permettant la prévention des inondations[22].

Ces orientations sont ensuite définies et détaillées de manières plus précise, pour chaque sous bassin ou pour un groupement de sous-bassins, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux[23].

Les schémas de cohérence territoriale[24], les plans locaux d’urbanisme, les plans de prévention des risques d’inondation[25] et les plans de gestion des risques d’inondation[26] doivent être compatibles avec les orientations contenues dans les SDAGE et SAGE. Un secteur ouvert à l’urbanisation par un arrêté préfectoral a ainsi été annulé car il compromettait les objectifs établis par un SDAGE[27].

 

B – Le Plan de gestion des risques d’inondation

Le plan de gestion des risques d’inondation couvre, à l’échelon de chaque bassin ou groupement de bassins, les territoires dans lesquels il existe un risque important d’inondation ayant des conséquences de portée nationale[28].

Ces plans doivent définir les grands objectifs destinés à réduire les conséquences négatives des inondations. A ce titre, ils comprennent des mesures destinées à réduire la vulnérabilité des territoires face aux risques d’inondation, à travers notamment le développement d’un mode durable d’occupation et d’exploitation des sols et une maîtrise de l’urbanisation.

Le plan de gestion des risques d’inondation doit être compatible avec les objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

En revanche, les schémas de cohérence territoriale[29], les plans locaux d’urbanisme [30] et les plans de prévention des risques d’inondation[31] doivent être compatibles avec les objectifs de gestion des risques d’inondation définis par le plan de gestion des risques d’inondation. Leur incompatibilité avec ce dernier pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme qui aurait méconnu les objectifs poursuivis par ce plan.

 

C – Le Schéma de cohérence territoriale

 Le schéma de cohérence territoriale est un document d’urbanisme et de planification mis en place à l’échelle de plusieurs communes[32].

Il a pour objet de définir les orientations générales d’aménagement et de développement du territoire qu’il couvre au regard notamment de la prévention des risques.

A ce titre, il doit déterminer les objectifs poursuivis en matière de protection des espaces naturels et de développement de l’urbanisation en tenant compte des risques d’inondation. 

A ce titre, le schéma de cohérence territoriale doit être compatible avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux et les plans de gestion des risques d’inondation[33] qui lui est applicable.

En revanche, certains documents d’urbanisme, comme les plans locaux d’urbanisme, et certaines autorisations, comme les autorisations d’exploitation commerciale, doivent être compatibles avec le schéma de cohérence territoriale auquel ils sont soumis[34]. Leur incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale pourrait dès lors entraîner l’annulation du permis de construire, sur le fondement de l’exception d’illégalité, si celui-ci a été délivré sur la base d’un document d’urbanisme incompatible avec ce schéma.

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] CE., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[5] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[6] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[7] CAA Marseille 12 janvier 2016, n°14MA02489.

[8] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[9] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[10] Articles L. 151-1 et suivants du code de l’urbanisme.

[11] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[12] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[13] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[14] CE, 7 févr. 2003, n° 193908.

[15] CE, 16 févr. 2007, n° 276363

[16] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[17] CAA Douai, 23 janvier 2014, n° 12DA01201   .

[18] CAA Bordeaux, 4 octobre 2016, n°14BX03630.  

[19] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[20] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[21] CAA Marseille, 29 octobre 2015, n°13MA02511.

[22] Article L. 212-1 du code de l’environnement.

[23] Article L. 212-3 du code de l’environnement.

[24] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[25] Article L. 212-1, XI du code de l’environnement

[26] Article L. 566-7 du code de l’environnement

[27] CAA Lyon, 1re ch., 3 mai 2005, n° 99LY01983

[28] Article L. 566-7 du code de l’environnement.

[29] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme

[30] Article L. 131-7 du code de l’urbanisme.

[31] Article L. 562-1 du code de l’environnement

[32] Articles L. 141-1 et suivants du code de l’urbanisme

[33] Article L. 131-1 du code de l’urbanisme.

[34] Article L. 142-1 du code de l’urbanisme.

Permis de construire et risques naturels

Risque d’inondation, risque d’incendie, risque de mouvement de terrain, etc., autant de motifs qui peuvent justifier le refus de délivrer un permis de construire, et ainsi compromettre la réalisation d’un projet immobilier. La présente note a pour objet d’exposer les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

 

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Le territoire français, en raison de sa richesse et de sa diversité, est soumis à une multitude de risque naturel. Deux tiers des communes sont exposées, de façon plus ou moins importante, à un tel risque, lequel peut être lié à des risques d’inondation, de mouvement de terrain ou d’incendie de forêt par exemple. Mais, c’est au risque d’inondation que le territoire est le plus exposé. Plus de 16 000 communes sont en effet concernées par ce problème – zone inondable et zone humide (ce qui justifiera que l’on s’attarde davantage sur ce risque).

La prévention et la limitation des risques naturels sont notamment assurées par la maîtrise de l’urbanisation. Les maires, chargés en principe de la délivrance des permis de construire, doivent veiller à refuser les demandes de permis de construire (ou de déclaration préalable) sur des sites exposées à de tels risques.

Cette maîtrise de l’urbanisation n’est cependant pas aisée. La pression urbaine s’exerce en effet dans les zones où les risques naturels sont les plus importants, notamment près des côtes où les risques d’incendie et d’inondation sont les plus élevés. L’affaire Xynthia en constitue l’un des exemples…

A l’inverse, l’existence d’un risque, plus ou moins important, peut conduire les autorités administratives à refuser systématiquement les permis de construire sollicités alors même que le projet pour lequel la demande est formulée n’est pas exposé au risque en question.

Eu égard aux enjeux que présente la délivrance d’un permis de construire pour les pétitionnaires, l’objet de cette note sera de présenter les conditions dans lesquelles s’apprécie l’examen d’une demande de permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans une zone soumise à un risque naturel.

En la matière, l’examen d’une demande d’autorisation de construire s’apprécie principalement d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique (I), les documents d’urbanisme locaux (II) et le règlement national d’urbanisme (III).

 

I – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les servitudes d’utilité publique : le plan de prévention des risques naturels prévisibles

 

Les servitudes d’utilité publique sont des restrictions au droit de propriété, instituée dans un but d’utilité publique.

Parmi ces servitudes, il y a les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Ces derniers ont pour objet de délimiter, à l’intérieur d’un territoire, les zones exposées aux risques naturels[1]. Ils doivent par ailleurs définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises à l’intérieur de la zone concernée par le risque.

On parlera de plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), lorsque le plan traite des problèmes d’inondation, de plan de prévention des risques d’incendie de forêt (PPRIF), lorsque le plan traite des problèmes d’incendie, de plan de prévention des risques de mouvement de terrain (PPRM), lorsque le plan traite des problèmes de mouvement de terrain, etc.

A cet égard, un même plan peut très bien concerner plusieurs risques si la zone en question est confrontée à une multitude de phénomène naturel. Il arrive ainsi qu’en zone littorale, un même plan traite à la fois des thématiques d’inondation (notamment de submersion marine) et de mouvement de terrain (notamment d’érosion côtière).

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit contenir :

  • Une note de présentation devant indiquer :
    • le secteur géographique concerné ;
    • la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles ;
  • Un ou plusieurs documents graphiques devant délimiter :
    • Les zones exposées aux risques ;
    • les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où tous nouveaux travaux pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • Un règlement précisant :
    • Les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables ;
    • Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.

Ce document constitue, comme il a été dit, une servitude d’utilité publique. Il est donc directement opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme[2]. Le maire doit ainsi veiller à ce que le permis de construire qu’il délivre respecte bien les mesures prévues dans le règlement du plan de prévention, si un tel plan couvre le territoire de sa commune (toutes les communes ne sont toutefois pas couvertes par un plan de prévention des risques naturels, soit parce que ce plan est encore en cours d’élaboration soit parce que le territoire de la commune n’est pas soumis à un risque particulier).

En fonction de l’intensité du risque encouru, une distinction des zones couvertes par le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être opérée par des couleurs. Ces couleurs sont souvent au nombre de trois : la rouge, qui concerne les zones les plus exposées aux risques, la bleue, qui concerne les zones moyennement exposées aux risque, et la blanche, qui concerne les zones faiblement exposées aux risques.

Dans les zones exposées aux risques, le règlement peut prescrire les conditions dans lesquelles les constructions peuvent être autorisées.

Ainsi dans les zones inondables, le plan de prévention des risques d’inondation peut interdire la création de sous-sol (destiné à l’habitat ou au stationnement de véhicule) ou exiger que toutes les nouvelles constructions soient pourvues d’une pièce de survie ou d’une sortie de secours par le toit.

Surtout, dans les zones les plus exposées aux risques, le règlement peut, lorsqu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir le risque, interdire tout type de construction ou d’aménagement.

De telles mesures, de prescription ou d’interdiction, peuvent également s’appliquer dans les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où de nouvelles constructions pourraient les aggraver ou en provoquer de nouveaux[3].

Autrement, si le plan de prévention des risques ne rend pas une zone inconstructible, le maire ne saurait de fait refuser de délivrer le permis de construire sollicité sur cette zone, même si cette dernière est exposé à un niveau de risque très élevé.

Ainsi ce ne n’est pas parce qu’une parcelle est située en zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation que tout projet de construction doit y être interdit.

Le maire ne peut s’opposer à un projet de construction que s’il établit la réalité du risque invoqué, laquelle doit s’apprécier d’après les circonstances propres à chaque espèce (nature et importance du projet de construction, mesures prévues pour faire face au risque, localisation du terrain, etc.). Dès lors que le projet tient compte des risques d’inondation (ou d’un autre risque) et permet d’assurer la sécurité des occupants ou des biens, le maire sera tenu de délivrer l’autorisation requise.

Ce n’est que si le projet ne comporte pas, ou pas suffisamment, de mesure pour prévenir et lutter contre le risque en question que le maire pourra valablement s’opposer à la demande de permis de construire.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maire avait illégalement refusé de délivrer un permis de construire pour réaliser une maison d’habitation en zone inondable, dans la mesure où le projet était conçu pour éviter tout risque d’inondation. En l’espèce, le demandeur avait prévu d’édifier sur pilotis la maison projetée afin que le premier niveau habitable soit situé à une cote de 1 mètre supérieure à celle de la marée centennale[4].

Mais à l’inverse, lorsque le plan de prévention des risques naturels prévoit pour une zone donnée, l’impossibilité d’édifier toute construction, l’autorité administrative sera tenue de refuser de délivrer l’autorisation sollicitée[5], même si le plan local d’urbanisme prévoit le contraire. Le seul moyen, dans ce cas, pour le demandeur d’obtenir gain de cause consistera à soulever l’illégalité du plan de prévention. Cette illégalité pourra notamment être soulevée si par exemple :

– Après l’enquête publique, d’importantes modifications ont été apportées au plan de prévention[6]. Ainsi en est-il en cas de changement de zonage d’une parcelle[7] ;

– L’inconstructibilité de la parcelle n’est pas justifiée ou repose sur des erreurs.

Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit être annexé au plan local d’urbanisme. Il n’a cependant pas à être intégré au règlement de ce plan[8]. Ce dernier ne doit cependant pas entrer en contradiction avec les prescriptions qu’il contient car, en tout état de cause, celles contenues dans le plan de prévention des risques naturels primeront sur celles contenues dans le plan local d’urbanisme.

 

II – L’examen de la demande d’autorisation d’après les prescriptions contenues dans les documents d’urbanisme locaux : le plan local d’urbanisme

 

Les documents d’urbanisme locaux, comme les plans locaux d’urbanisme, doivent également veiller à prévenir les risques naturels.

A ce titre, ils peuvent interdire ou soumettre à des conditions spéciales les constructions situées dans des zones à risque[9].

Dans les zones soumises à des risques d’inondation, le plan local d’urbanisme pourra ainsi obliger les constructions à prévoir des pièces de survie, limiter l’emprise au sol des constructions pour éviter une trop grande imperméabilisation des terrains, etc.

L’existence d’un risque naturel ne peut en revanche justifier à elle seule le classement d’un terrain en zone naturelle[10]. A la différence d’une zone urbaine où les terrains sont en principe constructibles, ceux situés en zone naturelle sont en principe inconstructibles. Par conséquent, un terrain situé en zone urbaine ne peut être classé en secteur inconstructible que si le risque naturel auquel il est exposé est d’une certaine importance.

A titre d’exemple, il a été jugé qu’un plan local d’urbanisme ne pouvait classer un terrain en zone inconstructible simplement parce qu’il était situé dans une zone d’aléa limité d’un plan de prévention des risques de mouvement de terrain, lequel au demeurant n’interdisait pas les constructions sur cette zone[11].

Le fait qu’un terrain ne soit pas considéré comme inconstructible par le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme ne fait, pour autant, pas obstacle à ce que le maire refuse, sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, de délivrer le permis de construire sollicité si celui-ci est de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

 

III – L’examen de la demande de permis de construire d’après le règlement national d’urbanisme : l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme

 

Le règlement national d’urbanisme détermine les règles de constructibilité applicables sur un terrain non couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels. Certaines de ses dispositions sont toutefois d’ordre public, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent même en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

C’est le cas de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Cet article précise qu’un permis de construire peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.

A ce titre, l’existence d’un risque naturel peut être de nature à faire obstacle à la délivrance d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme[12].

Les dispositions de cet article peuvent donc, tout d’abord, s’appliquer dans l’hypothèse où un terrain ne serait couvert par un plan local d’urbanisme et/ou par un plan de prévention des risques naturels (hypothèse qui inclut également l’absence du risque en question par le plan de prévention)[13].

Les dispositions de cet article peuvent, ensuite, s’appliquer dans les territoires couverts par un plan local d’urbanisme et/ou un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

Ainsi, si les particularités de la situation l’exigent, le maire pourra, en plus des conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan de prévention des risques naturels ou le plan local d’urbanisme, subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales[14].

A titre d’exemple, dans une zone où le risque d’incendie était considéré comme très élevé par le plan de prévention des risques d’incendie de forêt, un permis de construire a été annulé car le projet ne comportait pas suffisamment de mesure pour prévenir et lutter contre de tels risques. En l’espèce, il était reproché au pétitionnaire de ne pas avoir prévu des poteaux d’incendie suffisamment alimentés en eau[15].

Surtout, le maire pourra, si les risques d’atteinte à la sécurité publique le justifie, refuser de délivrer un permis de construire, alors même que le plan de prévention des risques et/ou le plan local d’urbanisme n’auraient pas classé le terrain d’assiette du projet en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables[16].

A titre d’exemple, alors même que les immeubles à construire n’étaient pas situés en zone inondable, il a été jugé qu’un maire avait valablement pu refuser de délivrer le permis de construire sollicité au motif qu’une partie du terrain d’assiette du projet (là où allaient se situer plusieurs places de parking et des terrasses installées au niveau du sol) serait située en zone inondable[17].

Toutefois, et comme il a déjà dit, le simple fait qu’un terrain soit situé dans une zone à risque ne saurait justifier à lui seul le refus de permis de construire. Ce n’est que si, au regard des circonstances de l’espèce, la réalité du risque est avéré que le maire devra refuser de délivrer le permis sollicité.

En ce sens il a été jugé que pouvait être autorisée la construction d’un immeuble situé dans une zone de gypse où l’aléa de risque naturel était qualifié de moyen, dès lors que le projet en question n’aggravait ou ne mettait en péril le terrain et ceux avoisinants[18].

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[1] Article L. 562-1 du code de l’environnement.

[2] C.E., 3 déc. 2001, S.C.I. des 2 et 4 rue de la Poissonnerie et autres, n° 236910.

[3] Article L. 562-1, II, 2° du code de l’environnement.

[4] CAA Nantes, 12 juin 2015, n°14NT00977.

[5] CAA Lyon, 27 septembre 2016, n° 15LY00107.

[6] CAA Douai, 1re ch., 17 sept. 2009, n° 07DA01896.

[7] CAA Bordeaux, 5 e ch., 29 nov. 2011, n° 10BX02191.

[8] CE, 14 mars 2003, n° 235421.

[9] Article R. 151-31 du code de l’urbanisme.

[10] CAA Nancy, 23 janvier 2014, 13NC00298.

[11] CAA Marseille, 19 oct. 2006, n° 03MA01967.

[12] CAA Marseille, 16 juin 2011, n° 09MA01318.

[13] CE, 16 févr. 2007, n° 276363.

[14] CE, 4 mai 2011, n° 321357.

[15] CAA Marseille, 1er juin 2011, n° 09MA00223.

[16] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[17] CE, 15 févr. 2016, n° 389103.

[18] CAA Versailles, 2e ch., 14 mars 2013, n° 11VE02726.

De la visibilité depuis un monument historique

Un immeuble situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ne peut faire l’objet d’aucuns travaux de nature à en affecter l’aspect sans une autorisation préalable. L’article L. 621-30 du Code du patrimoine dispose qu’est considéré comme étant situé dans le champ de visibilité de cet édifice protégé tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument. La présente décision apporte une précision à cette disposition que ni les textes ni la jurisprudence n’avaient jusque-là formulée, à savoir que la visibilité depuis un édifice classé ou inscrit s’apprécie à partir de tous ses points normalement accessibles conformément à sa destination ou à son usage.

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Commentaire de la décision CE, 20 janv. 2016, n° 365987, Commune de Strasbourg :

« 1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés est propriétaire d’une parcelle située au 4 rue de l’Eglise à Strasbourg ; que le maire de Strasbourg lui a délivré par un arrêté du 4 septembre 2007 un permis de démolir, par un arrêté du 14 septembre 2007 un permis de construire et par un arrêté du 21 mai 2008 un permis de construire modificatif ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. et MmeA…, propriétaires de la parcelle voisine, tendant à l’annulation du permis du 14 septembre 2007 et du permis modificatif du 21 mai 2008 ; que, par un arrêt du 13 décembre 2012, la cour administrative d’appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu’il a rejeté les conclusions de M. et Mme A…tendant à l’annulation des permis en cause, a annulé ces derniers puis a rejeté le surplus de la demande de M. et MmeA… ; que la commune de Strasbourg et la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant que les pourvois de la commune de Strasbourg et de la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés sont dirigées contre le même arrêt ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité de l’arrêt attaqué :
3. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu’il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision ;
4. Considérant qu’en l’espèce, la société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés a produit un mémoire, enregistré le 20 novembre 2012 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, soit après le 19 novembre 2012, date de la clôture de l’instruction devant cette cour en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative ; que si ce mémoire comportait en annexe des photographies venant au soutien de son argumentation relative à la visibilité de la construction projetée depuis la cathédrale, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société n’aurait pas été en mesure d’en faire état avant la clôture de l’instruction ; que, par suite, en refusant de rouvrir l’instruction après l’enregistrement du mémoire de la société, la cour n’a pas entaché son arrêt d’irrégularité ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-31 du code du patrimoine :  » Lorsqu’un immeuble est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucun déboisement, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect, sans une autorisation préalable  » ; qu’aux termes de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme  » Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (…) le permis de construire, le permis d’aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l’objet de l’accord de l’architecte des Bâtiments de France  » ; qu’aux termes de l’article L. 620-30-1 du code du patrimoine :  » Est considéré, pour l’application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre de 500 mètres  » ; que la visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage ;
6. Considérant, en premier lieu, qu’en estimant que la visibilité depuis la cathédrale s’appréciait aussi à partir de sa plate-forme, située à 66 mètres de hauteur, la cour n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les pièces du dossier soumis au juge du fond dès lors que cette plate-forme était accessible conformément à l’usage du bâtiment ; que le fait qu’elle a, par ailleurs, relevé la circonstance, inopérante, que cette plate-forme était normalement accessible au public, est sans incidence sur le bien-fondé de son arrêt ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu’en se fondant, pour estimer que le projet de construction litigieux était visible depuis la plate-forme de la cathédrale de Strasbourg, sur une photographie de l’emplacement de la construction projetée et un rapport établi par un ingénieur-géomètre, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des éléments de fait produits devant elle, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui étaient soumises ; que cette appréciation ne saurait être remise en cause au vu de pièces produites pour la première fois en cassation ;
8. Considérant, enfin, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’avis de l’architecte des bâtiments de France du 28 août 2007 sur le projet en litige n’a pas pris en compte la visibilité de ce dernier depuis la cathédrale de Strasbourg ; que c’est, dès lors et compte tenu de ce qui précède, sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que cet avis ne permettait pas de s’assurer qu’un contrôle prenant en compte ce monument classé avait bien été réalisé par cet architecte et qu’ainsi l’autorisation prévue par les articles L. 621-31 du code du patrimoine et R. 425-1 du code de l’urbanisme ne pouvait être regardée comme ayant été régulièrement accordée(…)« 

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Commentaire publié dans la revue JCP A n°35 du 5 septembre 2016

Article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme : Le voisin immédiat justifie en principe d’un intérêt à agir

L’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme impose à tout requérant qui saisit le juge de l’excès de pouvoir d’un recours contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir. À défaut, son recours sera déclaré irrecevable, et, lorsque cette irrecevabilité sera manifeste, le juge pourra rejeter ce recours par ordonnance sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative. Ces principes s’appliquent également au requérant qui serait un voisin immédiat du projet qu’il entend contester. Toutefois, eu égard à sa situation particulière, il justifie en principe d’un intérêt à agir si les atteintes qu’il a invoquées, à l’appui de son recours, apparaissent vraisemblables au vu des pièces du dossier.

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Commentaire de la décision CE, 13 avr. 2016, n° 389798, Bartolomei 

« 1. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :  » Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation  » ;
2. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu’eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative :  » Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (…) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser ou qu’elles n’ont pas été régularisées à l’expiration du délai imparti par une demande en ce sens (…)  » ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. C…a demandé l’annulation, pour excès de pouvoir, de l’arrêté du 6 août 2014 par lequel le maire de Marseille a accordé à M. D…un permis de construire deux logements et une piscine sur une parcelle située au 4, traverse de la Roseraie dans le 7ème arrondissement et a autorisé la démolition d’un garage et d’une clôture sur la même parcelle ; que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, au motif que l’intéressé, invité par le tribunal à justifier de son intérêt à agir contre cet arrêté, n’en avait pas suffisamment justifié au regard des exigences de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;
5. Considérant qu’en jugeant que M. C…ne justifiait pas d’un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu’il invoquait dans sa demande au tribunal être occupant d’un bien immobilier situé à proximité immédiate de la parcelle d’assiette du projet, au numéro 6 de la même voie, et faisait valoir qu’il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, s’agissant de sa vue et de son cadre de vie, ainsi que les troubles occasionnés par les travaux dans la jouissance paisible de son bien, en ayant d’ailleurs joint à sa requête le recours gracieux adressé au maire de Marseille, lequel mentionnait notamment une hauteur de l’immeuble projeté supérieure à dix mètres et la perspective de difficultés de circulation importantes, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a inexactement qualifié les faits de l’espèce ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que l’ordonnance attaquée doit être annulée (…)« .

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Commentaire publié dans la revue JCP A n°19 du 16 mai 2016

Méconnaissance d’une distance d’implantation : annulation totale ou partielle du permis de construire

L’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme permet au juge de l’excès de pouvoir de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme dans le cas où l’illégalité affecte une partie identifiable du projet et peut être régularisée par un permis modificatif. Le juge précise dans cette espèce que cette régularisation ne peut avoir lieu que si, d’une part, la construction n’est pas achevée et si, d’autre part, les modifications qui font l’objet du permis modificatif ne remettent pas en cause la conception générale du projet telle qu’autorisée par le permis initial. Ainsi, la seule circonstance qu’un permis de construire méconnaît une règle relative à l’implantation des constructions ne fait pas par elle-même obstacle à cette régularisation.

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Commentaire de la décision CE, 1er oct. 2015, n° 374338, Cne de Toulouse :

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme :  » Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.  » ;

2. Considérant que lorsque les éléments d’un projet de construction ou d’aménagement auraient pu faire l’objet d’autorisations distinctes, le juge de l’excès de pouvoir peut prononcer l’annulation partielle de l’arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que les dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme lui permettent en outre de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme qui n’aurait pas cette caractéristique, dans le cas où l’illégalité affectant une partie identifiable d’un projet de construction ou d’aménagement est susceptible d’être régularisée par un permis modificatif ; qu’il en résulte que, si l’application de ces dispositions n’est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par ce vice soit matériellement détachable du reste de ce projet, elle n’est possible que si la régularisation porte sur des éléments du projet pouvant faire l’objet d’un permis modificatif ; qu’un tel permis ne peut être délivré que si, d’une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés – sans que la partie intéressée ait à établir devant le juge l’absence d’achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d’instruction en ce sens – et si, d’autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d’illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ; qu’à ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu’elles fassent l’objet d’un permis modificatif ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 septembre 2007, le maire de Toulouse a autorisé le transfert au profit de la SCI Square de Jade d’un permis de construire accordé le 25 août 2006 à la société Omnium Invest, en vue de construire trois bâtiments destinés à la création de soixante-dix logements ; qu’un permis de construire modificatif a été délivré à cette SCI par un arrêté du 25 septembre 2008 ; qu’à la demande de M. B…et de MmeA…, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 9 février 2012, annulé le permis de construire modificatif ainsi que la décision du 19 janvier 2009 rejetant le recours gracieux formé contre ce permis en jugeant qu’il méconnaissait les dispositions du règlement du plan local d’urbanisme de la commune relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ce jugement, après avoir estimé que l’illégalité affectant le permis de construire au regard des règles régissant la distance à la limite séparative ne pouvait pas être régularisée en application de l’article L. 600-5 du code de justice administrative ;

4. Considérant que, pour statuer ainsi, la cour a relevé que les balcons dépassaient en surplomb de 44 centimètres la bande de 17 mètres à l’intérieur de laquelle les bâtiments devaient être implantés en vertu de l’article 7 (UB1) du règlement du plan local d’urbanisme et que ce dépassement entraînait, selon le même article, l’application de la règle selon laquelle la distance minimale d’implantation par rapport aux limites séparatives doit être égale à la hauteur de la construction ; qu’elle en a déduit, compte tenu de ce que la hauteur des bâtiments était supérieure à cette distance, une méconnaissance des dispositions de l’article 7 (UB1) ; qu’elle a enfin relevé, pour juger que cette illégalité n’était pas régularisable, que compte tenu de leurs caractéristiques architecturales et de leur inclusion dans les immeubles, les balcons en constituaient des  » éléments indissociables  » et qu’il n’était pas allégué que les bâtiments ne seraient pas construits ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’en soumettant à de telles conditions l’application des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, la cour a entaché son arrêt d’erreurs de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Toulouse est fondée à en demander l’annulation ;

6. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Toulouse et par la SCI Square de Jade au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Commentaire publié dans la revue JCP A, 2015 n°51-52, du 21 décembre 2015.

On ne badine plus avec les changements de destination

Des travaux nouveaux envisagés sur une construction dont la destination a été modifiée sans autorisation ne peuvent être entrepris que si ce changement de destination est au préalable régularisé.

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Commentaire de la décisioCE, 16 mars 2015, n° 369553, De La Marque :

(…)

• 1. Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B ont acquis en 1997 un chalet sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains ; que si ce chalet a été édifié en vertu de permis de construire délivrés en 1988 et en 1989 en vue de la construction d’un restaurant d’altitude, il a fait l’objet avant son acquisition par les époux B d’un changement de destination pour être utilisé pour l’habitation, sans que les travaux ayant permis ce changement ne soient autorisés ; que les époux B ont déposé le 22 août 2008 une demande de permis de construire portant sur une extension de leur chalet ; qu’ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande d’annulation de la décision de refus du maire de Saint-Gervais-les-Bains en date du 16 octobre 2008 ;

• 2. Considérant que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ;

• 3. Considérant qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ; que, dans cette dernière hypothèse, si l’ensemble des éléments de la construction mentionnés au point 2 ne peuvent être autorisés au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, l’autorité administrative a toutefois la faculté, lorsque les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l’objet d’aucune action pénale ou civile, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d’autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes ;

• 4. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des constatations opérées souverainement par les juges du fond, au demeurant non contestées, que la demande de permis de construire des époux B ne portait que sur les travaux d’extension et non sur la régularisation des travaux ayant antérieurement permis le changement de destination du chalet ; que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il incombait aux époux B de présenter une demande portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu’il avait été autorisé par le permis de construire initial et en en déduisant que le maire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains était tenu de refuser le permis ;

• 5. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le pourvoi, la cour n’a pas jugé que la demande de permis de construire présentée le 22 août 2008 par les époux B avait pour objet de changer la destination du bâtiment ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour, en se prononçant ainsi, aurait dénaturé les termes de cette demande ne peut qu’être écarté ;

• 6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme B doit être rejeté, de même que leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B le versement à la commune de Saint-Gervais-les-Bains de la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ; (…)

Commentaire publié dans la revue JCP A 2015, n°24, comm. 2180

Les travaux portant sur des constructions existantes

Les travaux exécutés sur les constructions existantes sont en principe dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme[1].

Ils doivent cependant, lorsque leur importance, leur localisation ou leur nature l’exige, faire l’objet d’une déclaration préalable ou être soumis à permis de construire. La demande n’a toutefois pas à porter sur la construction existante, et l’autorité administrative ne doit s’opposer aux travaux envisagés que si ces derniers méconnaissent les règles en vigueur. Mais encore faut-il pour cela que la construction n’ait pas été irrégulièrement édifiée et qu’elle ne soit pas devenue, du fait de l’évolution des règles applicables, non-conformes au droit de l’urbanisme. Autrement, en effet, les travaux ne pourront être entrepris que sous certaines réserves.

 

I – Les travaux portant sur des constructions irrégulières

Une construction irrégulière est une construction qui a été édifiée :

  • Sans autorisation. C’est le cas par exemple lorsqu’un bâtiment, dont la construction nécessitait un permis de construire, a été réalisé sans l’obtention d’une telle autorisation ;
  • En vertu d’un permis de construire qui a été ensuite annulé[2]ou retiré (en revanche, si une construction a été réalisée en vertu d’un permis de construire illégal, certes, mais qui n’a pas fait l’objet d’un retrait ou d’une annulation, celle-ci ne sera pas considérée comme étant irrégulière[3]) ;
  • Sans avoir respecté les prescriptions contenues dans le permis de construire[4] ou la déclaration préalable. C’est le cas si par exemple la hauteur du bâtiment construit excède celle autorisée par le permis de construire ;
  • Dans le respect des règles d’urbanisme mais qui a ensuite fait l’objet de travaux de modification[5] ou d’un changement de destination[6] sans avoir respectés les formalités obligatoires. Tel est le cas du propriétaire qui a transformé sans autorisation son garage en local commercial et qui souhaiterait réaliser des travaux sur la façade de ce local. Celui-ci sera en l’espèce tenu de présenter une demande d’autorisation concernant non seulement le changement de destination mais aussi les travaux à réaliser.

 

A – Les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de la construction existante

Lorsque des travaux portent sur une construction irrégulière, l’autorité administrative, saisie d’une demande tendant à ce que soient autorisés ces travaux, est tenue d’inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble du bâtiment[7].

Autrement dit, les travaux nouveaux portant sur une construction irrégulière nécessitent au préalable la régularisation de cette construction.

La demande d’autorisation aura ainsi pour objet de régulariser la construction existante et d’autoriser les travaux prévus.

Ainsi, lorsqu’un propriétaire dépose une déclaration de travaux portant sur la modification de l’aspect extérieur d’une construction édifiée sans permis de construire, alors même qu’une telle autorisation était requise, l’autorité administrative est tenue de s’opposer à la déclaration de travaux et d’inviter le propriétaire à déposer une demande de permis de construire portant sur l’ensemble du bâtiment[8].

Au reste, cette régularisation ne pourra intervenir que si les règles d’urbanisme en vigueur à la date où l’autorité administrative statue, sur la demande, le permettent. Mais, si aucune régularisation ne peut avoir lieu, les travaux envisagés ne pourront pas être autorisés, quand bien même ils seraient conformes aux règles d’urbanisme.

B – Les cas dans lesquels une régularisation de la construction existante n’est pas requise

L’exigence de régularisation de la construction existante n’est toutefois pas requise lorsque les travaux projetés portent :

  • Sur un bâtiment qui, bien que faisant partie d’un ensemble immobilier, n’a pas été, à la différence des autres bâtiments composant cet ensemble, édifié en méconnaissance du permis de construire délivré[9];
  • Sur un élément divisible[10] ou dissociable[11] de la construction irrégulièrement édifiée. Il a ainsi été jugé que la construction d’une piscine, quoique proche de l’habitation irrégulièrement édifiée, mais qui n’était ni attenante ni structurellement liée à cette habitation en était dissociable, de sorte qu’aucune régularisation n’était nécessaire[12].

En dehors de ces trois cas de figure, l’exigence de régularisation de la construction existante sera toujours requise même si les travaux projetés ne prendraient pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation. Tel est le cas lorsqu’un appentis, qui a été irrégulièrement édifié, est accolé à une maison d’habitation. Dans cette hypothèse, le propriétaire qui envisagerait de procéder à des travaux d’extension de cette maison d’habitation devra obtenir une autorisation portant à la fois sur les travaux d’extension et sur cet appentis, même si les travaux d’extension ne prendraient pas directement appui sur cet appentis[13].

C – Les tempéraments au principe de la régularisation de la construction existante

Cette exigence de régularisation des constructions irrégulières est atténuée dans deux cas de figure.

En premier lieu, lorsque les travaux ont pour objet la restauration d’une construction ancienne[14].

L’autorité administrative dispose en effet de la faculté, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence, d’autoriser parmi les travaux demandés ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction existante et au respect des normes.

Cette autorisation ne sera cependant accordée que si la construction existante est insusceptible de régularisation au regard des règles d’urbanisme en vigueur et est à l’abri de toute action pénale ou civile (soit au pire dix ans à compter de l’achèvement de la construction).

En second lieu, lorsque les travaux portent sur des constructions irrégulières achevées depuis plus de dix ans.

L’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme dispose en effet que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Il est néanmoins important de préciser que cette disposition ne s’applique pas aux constructions qui ont été réalisées sans permis de construire.

A cet égard, ont été également considérés comme édifié sans permis de construire :

  • Une maison d’habitation construite en lieu et place d’un abri de jardin[15];
  • Un bâtiment dont les travaux d’extension nécessitaient la délivrance d’un nouveau permis de construire[16].

 

II – Les travaux portant sur des constructions non conformes

Une construction non conforme aux règles en vigueur est :

  • Soit une construction qui a été régulièrement édifiée mais qui, en raison de l’évolution des règles en matière d’urbanisme, n’est plus en conformité avec les prescriptions applicables ;
  • Soit une construction édifiée d’après un permis de construire (ou une déclaration préalable) illégal mais qui n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un retrait.

Dans une telle situation les travaux nouveaux portant sur cette construction ne pourront être autorisés que dans quatre cas de figure, à savoir :

A – Les travaux nouveaux ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues

En premier lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui ont pour objet de rendre la construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme en vigueur[17].

A titre d’exemple, le juge a autorisé les travaux de remplacement d’une partie des combles par un balcon-terrasse attendu que ces travaux visaient à réduire le volume de la construction irrégulièrement implantée, rendant dès lors la construction existante plus conforme aux prescriptions d’urbanisme[18].

Cependant, si les travaux demandés ont pour effet de rendre la construction existante moins conforme aux dispositions réglementaires méconnues, aucune autorisation ne sera en ce cas délivré. Ainsi, le juge a refusé d’autoriser les travaux qui avaient pour effet de porter le coefficient d’emprise au sol d’un immeuble de 76 % à 78 % dans la mesure où le règlement annexé au P.O.S applicable en l’espèce limitait ce coefficient d’emprise à 40 %[19].

B – Les travaux nouveaux sont étrangers aux dispositions réglementaires que méconnaît la construction existante

En second lieu, l’autorité administrative est tenue d’autoriser les travaux qui sont étrangers aux règles que la construction existante méconnaît[20].

On peut à ce titre citer le cas des travaux qui se bornent à changer la destination de volumes déjà construits et à modifier la répartition entre surface hors œuvre brute et surface hors œuvre nette, sans aggraver l’illégalité d’emprise affectant le permis initial[21].

Toutefois, « il n’est pas nécessaire, pour que des travaux soient regardés comme n’étant pas étrangers aux prescriptions méconnues (…), qu’ils aboutissent à aggraver la violation préexistante. Il suffit que ces travaux présentent un rapport avec l’objet de la règle d’urbanisme »[22].

C’est pourquoi, des travaux de surélévation de la toiture d’un bâtiment implanté en méconnaissance des dispositions du règlement du P.O.S, relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, n’ont pas été considérés comme étant étrangers à ces dispositions[23].

C – La possibilité reconnue aux documents d’urbanisme d’autoriser des travaux sur des constructions non conformes

En troisième lieu, l’autorité administrative peut autoriser la réalisation de travaux sur des constructions non conformes, lorsque les documents d’urbanisme applicables ne s’y opposent pas.

Les collectivités territoriales ont en effet la possibilité de déroger dans leurs documents d’urbanisme aux règles prévues au A et au B, et de prévoir les cas dans lesquels des travaux portant sur des constructions non conformes peuvent être autorisés[24].

D – Les travaux nouveaux portent sur une construction achevée depuis plus de 10 ans

En dernier lieu, on rappellera que l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dispose que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Par conséquent, les travaux nouveaux portant sur une construction non conforme mais achevée depuis plus de 10 ans pourront être autorisés, même s’ils n’ont pas pour objet de rendre cette construction existante plus conforme aux règles d’urbanisme ou même s’ils ne sont pas étrangers aux règles méconnues.

 

 

[1] Article R. 421-13 du code de l’urbanisme.

[2] CE, 9 mars 1984, Macé, n°41314.

[3] CE, 5 mars 2003, Lepoutre, n°252422.

[4] CE, 25 avril 2001, Epoux Ahlborn, n°207095.

[5] CE, 9 juillet 1986, Mme Thalamy, n°51172.

[6] CE, 30 mars 1994, n°137881.

[7]  CE, 9 mars 1984, Macé, n°41314 ; CE 9 juillet 1986, Mme Thalamy, n° 51172.

[8] CE, 27 juillet 2012, Mme Da Silva, n°316155.

[9] CE, 25 avril 2001, Epoux Ahlborn, n°207095.

[10] CE, 10 octobre 2007, Demoures et autres, n°277314.

[11] CE, 9 janvier 2009, Commune de Toulouse, n°307265.

[12] Ibid.

[13] CE, 23 décembre 2013, Commune de Porspoder n°349081.

[14] CE, 3 mai 2011, Mme Ely, n°320545.

[15] CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA01601.

[16] CAA Marseille, 22 septembre 2011, n°09MA03419.

[17] CE, 23 décembre 1976, Casseau, n°00292 ; CE, 27 mai 1988, Mme Sekler, n°79530.

[18] CE, 27 mai 1998, n°163401.

[19] CE, 7 février 1994, n°93259.

[20] CE, 27 mai 1988, Mme Sekler n°79530.

[21] CE, 27 avril 1994, n°128478.

[22] M. Abraham, Concl. sur CE, 14 février 1996 n°152895.

[23] CE, 15 mai 1992, Stlahy, n°90397.

[24] CE, 25 février 1998, Commune Saint Leu la Forêt, n°165185.

Comment contester une décision d’autorisation ou de refus de permis de construire

Le droit de propriété est un droit sacré et inviolable. Il n’a cependant jamais été illimité. Dès sa promulgation en 1804, le code civil posait ainsi comme principe que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Le droit de construire, corollaire du droit de propriété, doit donc également s’exercer dans le cadre des lois et règlements. C’est l’objet du droit de l’urbanisme, d’une part, et du droit de la construction, d’autre part.
Le droit de la construction réglemente les modalités techniques relatives à la construction des immeubles.
Quant au droit de l’urbanisme, il a pour objet d’encadrer les modalités d’aménagement des espaces et d’utilisation des sols ainsi que les aspects extérieurs des constructions. Le respect de ces règles est en principe sanctionné au travers un régime d’autorisation. C’est pourquoi la plupart des constructions, démolitions, aménagements ou travaux nécessitent, au préalable, une autorisation d’urbanisme.
Ainsi, toute construction nouvelle, même celle qui ne comporterait pas de fondations, doit en principe être précédée de la délivrance d’un permis de construire[1]. Il en va de même des travaux qui, du fait de leur importance, sont assimilés à des constructions nouvelles[2].
Plus précisément, le permis de construire a pour objet d’autoriser la construction d’immeubles ou la réalisation des travaux dans la limite des plans et indications fournis par le pétitionnaire[3]. Il n’est délivré que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme[4].
L’autorité administrative dispose en principe d’un délai de deux mois à compter de la réception en mairie du dossier pour se prononcer sur la demande[5]. A partir de là, que la décision soit positive ou négative, toute personne disposant d’un intérêt à agir contre la décision rendue peut demander au juge de l’annuler. En général, lorsqu’un permis de construire est refusé, c’est le pétitionnaire qui saisit le juge. A l’inverse, lorsqu’un permis de construire est délivré, c’est le préfet ou tout tiers au permis de construire qui le saisit.
Les recours contre la légalité des décisions relatives aux permis de construire font l’objet d’un abondant contentieux. Eu égard aux enjeux que représente ce contentieux, l’objet de cette note sera de présenter les conditions de recevabilité du recours et les règles relatives à la délivrance des permis de construire.

I – Les conditions de recevabilité du recours

Le contentieux des permis de construire relève de la compétence des juridictions administratives. Les règles de procédure suivent donc celles applicables au contentieux administratif bien qu’il existe certaines particularités (B).
Si la possibilité pour le pétitionnaire de contester une décision de refus de permis de construire ne pose pas de problème, il en va différemment des tiers qui doivent justifier d’un intérêt à agir (A). 
A – L’intérêt à agir des tiers
Il convient en l’espèce de distinguer l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les associations des autres tiers.
1 – L’intérêt à agir de l’Etat, des collectivités territoriales ou leurs groupements et des associations
a – L’intérêt à agir de l’Etat
Le préfet est le représentant de l’Etat dans les départements et les régions. Il est notamment chargé de contrôler la légalité des actes pris par les collectivités territoriales et leurs groupements.
Dès lors, si le préfet estime qu’une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a délivré un permis de construire en méconnaissance du droit de l’urbanisme, il peut déférer au tribunal administratif le permis litigieux.
b – L’intérêt à agir des collectivités territoriales et de leurs groupements
Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent agir contre un permis de construire délivré sur leur territoire. Une commune peut ainsi former un recours contre un permis de construire délivré sur son territoire par le préfet.
En outre, la jurisprudence a reconnu aux collectivités territoriales et à leurs groupements un intérêt à demander l’annulation d’un permis de construire délivré par une collectivité voisine, lorsque le projet risque d’avoir des impacts sur son propre territoire[6].
c – L’intérêt à agir des associations
Il faut au préalable préciser qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à un permis de construire que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire[7].
S’agissant de leur intérêt à agir, celui-ci s’apprécie en considération de leur objet social et de leur champ d’action géographique.
En premier lieu, l’objet social de l’association doit être, d’une part, urbanistique[8] ou environnemental[9] et, d’autre part, être suffisamment précis[10].Ainsi, une association dont l’objet est d’assurer la protection de l’homme et de son environnement, d’encourager la participation du citoyen à la définition et à la défense de son cadre de vie ne justifie pas, eu égard à la généralité de son objet, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’un permis de construire[11].
En second lieu, le champ d’action géographique de l’association doit être précis et limité sur le plan territorial[12] : le plus souvent au cadre communal[13].Ce critère est cependant apprécié en fonction de l’importance et de la localisation du projet contesté. Il a ainsi été admis qu’une association dont le ressort est régional puisse contester un permis de construire un ensemble immobilier, de grande ampleur et situé à proximité d’une zone d’intérêt écologique[14].
Toutefois, ce principe ne s’applique pas aux associations agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. En effet, toute association de protection de l’environnement justifie d’un intérêt pour agir contre tout permis de construire ayant un rapport direct avec son objet et son activité statutaire et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément[15].
2 – L’intérêt à agir des autres tiers
Depuis l’entrée en vigueur des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, issues de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, un tiers autre que l’Etat, une collectivité territoriale ou son groupement ou une association ne peut contester un permis de construire que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe.
Il appartient ainsi désormais à ce tiers de préciser l’atteinte qu’il invoque en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien [16].
Dans l’état du droit antérieur à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, on considérait qu’un tiers au permis de construire ne disposait d’un intérêt à agir que si, d’une part, il avait la qualité de « voisin » au projet et si, d’autre part, il justifiait d’un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique.  Ces principes ne changent pas fondamentalement. Même si l’article l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme durcit les critères d’appréciation de l’intérêt à agir des tiers, il appartiendra simplement à ces derniers d’établir la réalité des allégations avancées (perte d’ensoleillement par exemple), sans que pour autant ils en apportent la preuve du caractère certain [17].  Un aperçu de la jurisprudence antérieure n’apparaît donc pas inutile.

Notons au reste qu’afin de lutter contre les recours malveillants, l’intérêt pour agir du requérant contre un permis de construire s’apprécie en principe à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire[18]. La location ou l’achat d’un bien à proximité du projet litigieux, une fois le permis délivré, ne confère donc plus au locataire ou à l’acheteur un intérêt à agir contre le permis en question.
a – La qualité de voisin
Le tiers qui était voisin du lieu d’implantation d’un projet soumis à permis de construire dispose d’un intérêt à contester sa légalité[19].
La qualité de voisin était appréciée au cas par cas d’après trois critères : la proximité (critère le plus important), la nature et l’importance du projet objet du permis de construire. 
Ainsi, un requérant dont la propriété était située à « proximité immédiate »[20] ou à moins de 50 mètres[21] de la construction litigieuse disposait d’un intérêt pour agir contre le permis contesté.
Autrement, plus la distance séparant le bien qu’occupait ou détenait le requérant du projet litigieux était importante, plus celui-ci devait faire état de circonstances propres tendant à démontrer que ledit projet, eu égard à sa nature et à son importance, portait atteinte à ses droits.
A titre d’exemple, ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire :
  • Une société dont le local était situé à une distance de près de 600 mètres du projet litigieux, ledit local étant situé dans un quartier différent et n’ayant aucune visibilité sur le projet[22].
  • Une société propriétaire d’un immeuble distant de plus de 300 mètres du terrain d’assiette du projet, qui n’avait aucune vue sur ce dernier et dont il était séparé par des immeubles de grande hauteur[23].
A l’inverse, justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire :
  • Un requérant occupant un appartement situé à 800 mètres du lieu d’implantation d’un important centre commercial[24].
  • Un requérant propriétaire d’un immeuble distant de trois kilomètres d’un projet de construction d’éoliennes, ces dernières en étant visibles compte tenu en particulier de leur situation, de leur nombre, de leur taille et de la topographie des lieux[25].
  • Un requérant résidant à 650 mètres du lieu d’implantation d’une installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés et dont il n’est séparé que par un fleuve[26].
 b – Un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique
Un requérant ne pouvait contester un permis de construire que s’il justifiait d’un intérêt urbanistique, environnemental ou esthétique. Il ne lui était donc pas possible de se prévaloir d’un intérêt commercial[28] ou professionnel[29]. Un commerçant ne pouvait ainsi contester la délivrance d’un permis de construire au seul motif que l’arrivé d’un concurrent risquait de porter atteinte à ses intérêts commerciaux[30].Sa requête n’était recevable que s’il était établi que la construction litigieuse était de nature à affecter ses conditions d’exploitation[31].
B – La procédure à respecter
1 – Le délai de recours
Lorsque l’autorité compétente accorde le permis de construire, tacitement[32] ou expressément, celui-ci doit faire l’objet d’un affichage en mairie et sur le terrain d’assiette du projet[33].
L’affichage sur le terrain fait courir pour les tiers le délai de recours contentieux. Les tiers disposent en effet d’un délai de deux mois, à compter du premier jour de l’affichage de l’autorisation sur le terrain, pour contester la délivrance du permis de construire[34]. Passé ce délai, ils seront forclos.
Cependant, pour être régulier, l’affichage doit mentionner le permis explicite ou tacite de manière visible de l’extérieur. Il doit aussi mentionner l’obligation de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis. Le non-respect de ce formalisme fait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers[35].
Précisons par ailleurs que le maire ou le président de l’EPCI accordant le permis de construire est tenu de notifier sa décision au préfet. Ce dernier dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la décision pour agir[36].
Quant au pétitionnaire, si le permis de construire demandé lui est refusé, celui-ci dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus pour la contester.
2 – Les modalités du recours
a – L’introduction du recours
Le recours contre la délivrance ou le refus de délivrance d’un permis de construire doit se faire devant le tribunal administratif dans le ressort duquel siège l’autorité administrative qui a pris la décision contestée[37].
La saisine du tribunal se fait par une requête qui indique les noms et domiciles des parties. La requête doit contenir l’exposé des faits et des moyens de droit, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge[38]. Le requérant doit y joindre une copie de la décision attaquée et toutes les pièces justificatives utiles à la résolution du litige[39].Le tout doit être accompagné de copies, en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté de deux[40].
b – La notification du recours
Le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. La notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours[41]. Il faut à cet égard souligner que c’est une copie du texte intégral du recours qui doit être notifiée, et non une simple lettre informant l’auteur de la décision et s’il y a lieu, le titulaire de l’autorisation, de l’existence d’un recours ou d’un déféré préfectoral[42].
De même, l’auteur d’un recours administratif, c’est-à-dire d’un recours gracieux ou hiérarchique, est tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.

II – Les moyens invocables

A l’appui de sa requête, le requérant pourra invoquer des moyens de légalité externe et interne.
NB : Les tiers, associations ou voisins, qui souhaitent contester la délivrance d’un permis de construire, doivent se rendre à la mairie de la commune où se situe le projet contesté, pour consulter le permis délivré et examiner sa légalité.
A – Les moyens de légalité externe
Les moyens de légalité externe portent sur l’incompétence de l’auteur de l’acte, le vice de forme et le vice de procédure.
1 – L’incompétence de l’auteur de l’acte

L’incompétence de l’auteur de l’acte correspond à la situation dans laquelle une autorité administrative adopte un acte insusceptible de se rattacher à son pouvoir. Ce motif entache d’illégalité l’acte adopté.

L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire est :
  • Le préfet ou le maire au nom de l’Etat dans les autres communes.
  • Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.
  • Le président de l’EPCI, au nom de l’établissement, lorsqu’une commune qui fait partie dudit établissement lui a délégué sa compétence.
  • Le préfet ou le maire au nom de l’Etat lorsque par exemple le projet porte sur des travaux, constructions et installations réalisés pour le compte de l’État, de ses établissements publics et de ses concessionnaires[43].
Toutefois, si un maire ou un président d’EPCI est intéressé au projet faisant l’objet de la demande de permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’EPCI doit désigner un autre de ses membres pour prendre la décision[44].

En cas de construction à cheval sur le territoire de deux communes, le permis de construire doit être délivré par les maires des deux communes soit par arrêtés distincts soit par un arrêté conjoint.

2 – Le vice de forme
Il y a vice de forme lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté dans les formes requises.
S’agissant d’un arrêté relatif à un permis de construire, celui-ci doit notamment :
  • Comporter, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci[45].
  • Etre motivé lorsque la décision rejette la demande[46].
3 – Le vice de procédure
Il y a vice de procédure lorsqu’un acte administratif n’est pas adopté selon la procédure prescrite.
Les demandes de permis de construire doivent faire l’objet d’une instruction dont l’objet et le champ varient en fonction de la nature, de l’importance, de l’impact et de la localisation du projet.
Ainsi, les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact[47]. Il s’agit notamment des installations classées qui sont soumises à autorisation pour la protection de l’environnement[48].
De plus, lorsqu’elle instruit une demande de permis de construire, l’autorité compétente doit dans certains cas recueillir l’accord ou l’avis des autorités ou commissions compétentes[49].
Ainsi, lorsque le projet est situé dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité, l’autorité compétente doit recueillir l’accord de l’architecte des Bâtiments de France[50].
Autre exemple : lorsque le projet est soumis à enquête publique, les tiers doivent pouvoir exprimer leurs observations, propositions et contre-propositions sur le projet[51], dans les conditions et modalités prévues par le code de l’environnement.
Notons toutefois qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie[52]. A titre d’exemple, l’absence de toute prise de position par le commissaire enquêteur, durant l’enquête publique, sur un débat environnemental est susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise et de priver les intéressés d’une garantie (celle de voir leurs observations prises en considération)[53].
B – Les moyens de légalité interne
Les moyens de légalité interne invocables sont la violation directe de la loi, l’erreur de fait, l’erreur sur la qualification juridique des faits, l’erreur de droit et le détournement de pouvoir.
Dans un souci de simplicité, nous présenterons les moyens susceptibles d’entrainer l’annulation de la décision de l’autorité compétente par rapport aux règles de fond applicables aux permis de construire.
L’autorité administrative ne peut délivrer un permis de construire que si deux conditions sont remplies. D’une part, le dossier de la demande de permis de construire doit être complet (1). D’autre part, le projet doit respecter les règles d’urbanisme (2).
1 – Le caractère complet du dossier de permis de construire
a – Le contenu du dossier
Tout d’abord, la demande de permis de construire doit comprendre un certain nombre d’éléments listés à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme. La demande doit ainsi préciser l’identité du ou des demandeurs, la localisation et la superficie du ou des terrains, la nature des travaux, etc.
Ensuite, la demande de permis de construire doit comporter un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune[54].
Enfin, la demande de permis doit comporter un projet architectural[55]. Ce dernier doit définir, par des plans et documents écrits, l’implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. Il doit de plus préciser, par des documents graphiques ou photographiques, l’insertion dans l’environnement et l’impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords[56]. Le contenu du projet architectural est précisé aux articles R. 431-8 à R. 431-12 du code de l’urbanisme.
Ces pièces représentent le contenu minimum d’un dossier de permis de construire. Des pièces supplémentaires doivent également figurer dans le dossier de la demande du pétitionnaire lorsque le projet entre dans l’une des situations visée aux articles R. 431-13 à R. 431-34 du code de l’urbanisme. A titre d’exemple, lorsque la construction porte sur la création d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés ou d’un drive commercial, la demande est accompagnée de la copie de la lettre adressée par le préfet au demandeur de cette autorisation[57].
b – Le caractère insuffisant du contenu
Si la régularité de la procédure d’instruction d’un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l’ensemble des documents et informations exigés par les articles R. 431-4 et suivants du code de l’urbanisme, le caractère insuffisant du contenu de l’un de ces documents ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher l’autorisation d’illégalité. En effet, la régularité d’un dossier de demande de permis de construire s’apprécie globalement, en tenant compte de l’ensemble des pièces produites par le pétitionnaire. Autrement posé, si l’autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, de compenser la carence d’un document incomplet, le dossier de permis de construire sera alors considéré comme étant régulier[58].
En ce sens, il a été jugé qu’un permis de construire n’était pas irrégulier au seul motif que le projet architectural ne comportait pas un plan de masse coté dans les trois dimensions, dans la mesure où les autres plans joints à la demande de permis faisaient apparaître toutes les dimensions du bâtiment projeté[59].
A l’inverse, l’omission dans le document graphique et dans la notice du projet architectural d’un lotissement à proximité de la construction projetée est de nature à entrainer l’illégalité du permis de construire[60].
2 – Le respect des règles d’urbanisme

L’article L. 421-6 du code de l’urbanisme dispose que le permis de construire ne peut être accordé que si le projet est conforme aux règles d’urbanisme.

A cet égard, il faut distinguer les communes qui sont couvertes par un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu (b) de celles qui ne le sont pas (a). Il existe toutefois des dispositions générales régissant l’ensemble des communes. C’est le cas, par exemple, en dehors des espaces urbanisés des communes, du principe d’inconstructibilité dans une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes et des routes express[61].
a – Les communes non couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu
En premier lieu, dans les communes non couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu, le permis de construire ne pourra être délivré que si le projet est situé dans les parties actuellement urbanisées de la commune[62]. On considère en général que les parcelles situées à l’intérieur des zones agglomérées, des bourgs ou situées à proximité de ces derniers relèvent des parties actuellement urbanisées d’une commune.
En second lieu, le permis de construire ne pourra être délivré que si la demande respecte les prescriptions figurant dans le règlement national d’urbanisme (Articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme). Ce dernier régit :
  • La localisation et la desserte des constructions, aménagements, installations et travaux[63].
  • L’implantation et le volume des constructions[64].
  • L’aspect des constructions[65].
b – Les communes couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu
Dans les communes couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu, tel qu’une carte communale, les règles de la constructibilité sont moins contraignantes. C’est, en effet, le PLU ou le document d’urbanisme en tenant lieu qui délimite les zones constructibles et inconstructibles.
  • Les communes couvertes par un PLU
Le PLU est un document d’urbanisme qui remplace le POS et dont l’objet est de préciser les règles d’urbanisme applicables sur le territoire d’une commune ou d’un EPCI.
Le PLU comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durable, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes.
Le règlement est le document le plus important du PLU. C’est à partir de son contenu que seront notamment instruites les demandes de permis de construire. Le règlement du PLU contient des documents graphiques et une partie réglementaire.
Les documents graphiques du règlement délimitent, à l’intérieur de la commune ou de l’EPCI, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières[66]. Lorsqu’un terrain se trouve en zone urbaine, il est en principe constructible. Les terrains situés en zone à urbaniser ont vocation à devenir constructibles, mais pas dans l’immédiat. Cela ne sera le cas que lorsqu’ils seront desservis par les voies publiques, les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement[67]. Quant aux zones agricoles et naturelles, elles ne sont en principe pas constructibles sauf lorsqu’il s’agit, par exemple, de construction et installation nécessaires à l’exploitation agricole[68].
La partie réglementaire du règlement fixe les prescriptions applicables à l’intérieur de chacune des quatre zones précitées. Elle peut comprendre tout ou partie des seize articles listées à l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme. Le règlement peut ainsi fixer des prescriptions relatives aux occupations et utilisations du sol interdites (Article 1) ou à la hauteur maximale des constructions (article 10). Les règles mentionnées aux articles 6 et 7 relatives à l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et par rapport aux limites séparatives sont cependant obligatoires.
De plus, les prescriptions d’ordre public figurant dans le règlement national d’urbanisme demeurent applicables, de sorte que la demande de permis de construire doit également les respecter.
Enfin, le PLU doit être compatible avec les normes qui lui sont supérieures telles que le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur d’aménagement des eaux ou la loi littoral. Dès lors, si un permis de construire est délivré ou refusé conformément aux règles figurant dans le PLU mais contrairement aux normes qui lui sont supérieures, la décision de l’autorité administrative risquerait alors d’être censurée par le juge administratif.
  • Les cartes communales
Une carte communale est un document d’urbanisme simplifié à destination des communes ou des EPCI qui ne souhaitent pas disposer d’un PLU. Elle leur permet simplement de délimiter les secteurs où les constructions sont autorisées[69] et de préciser les modalités du règlement national d’urbanisme. Du reste, tout comme le PLU, la carte communale doit être compatible avec les normes qui lui sont supérieures.

[1] Article L. 421-1 du code de l’urbanisme.

[2] Articles R. 421-14 et suivants du code de l’urbanisme.

[3] CE, 13 novembre 1992, Commune de Nogent-sur-Marne, n°110878.

[4] Article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

[5] Articles R. 423-19 et R.423-23 du code de l’urbanisme.

[6] CAA Paris, 20 novembre 2003, n°98PA01927.

[7] Article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme.

[8] CE, 29 janvier 2003, Union des propriétaires pour la défense des Arcs, n°199692.

[9] CE  3 avr. 2006, Association Vigilance Environnement clermontais et sa région, n°269252.

[10] CE, 26 juillet 1986, Union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de la vie en Franche-Comté, n°35024.

[11] CAA Douai,  17 mars 2005, Association Vie et Paysages, n°03DA00544.

[12]CE, 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral Environnement Urbanisme «Bleu», n°264819.

[13] CE, 26 janvier 2004, Association comité de défense du quartier des Sourcières, n° 260153 ; CE, 25 juin 2003,  Commune de Saillagouse, n°233119.

[14] CE, 24 octobre 1997, SCI Hameau Piantarella, n°161043.

[15] Article L. 142-1 du code de l’environnement.

[16] CE, 10 juin 2015, Société Eleclink Limited, n° 386121.

[17] CE, 10 juin 2015, Société Eleclink Limited, n° 386121.

[18] Article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme.

[19] CE, 30 juin 1999, Fondation Asturion, n°190250.

[20] CAA Lyon, 4 février  2014, Krieff, n°13LY01727 ; CAA Douai, 12 juin 2014, n°13DA00593 ; TA Saint Denis, 1er août 2014, n°1400621.

[21] CE, 27 février 2006, SCI La Tilleulière, n°284349 ; CAA Bordeaux,  19 février 2009,n°07BX01676.

[22]CE, 5 juillet 2013, SCI Liberty, n°354026.

[23]CAA Paris, 20 décembre 2007, SCI Étud Cour, n°06PA04073.

[24] CE, 24 juin 1991, Société Scaex Inter Provence-Côte d’Azur, n°117736.

[25] CAA Lyon,  23 octobre 2007,Leloustre et autres, n°06LY02337.

[26] TA Lyon, 2 juillet 2014, Mme X et autres, n°1309044.

[27]Article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme.

[28] CE, 13 mars 1987, Société albigeoise de spectacles, n°55525.

[29] CE, 3 juillet 1987, Brouste, n°39287.

[30] CE, 27 février 1985, SA Grands travaux et constructions immobilières, n°39357.

[31] CE, 22 février  2002, Société France Quick SA, n°216088 ; CAA Marseille, 22 mai 2014, Société Picard surgelés, n°13MA00672.

[32]Le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction (Article L. 424-2 du code l’urbanisme). Pour les exceptions à ce principe, voir l’article R. 424-2 du code de l’urbanisme.

[33] Article R.424-15 du code l’urbanisme.

[34] Article R. 600-2 du code de l’urbanisme.

[35] CE, 1er juillet 2010, Centre Hospitalier de Menton, n°330702.

[36]Article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

[37] Articles L. 211-1 et R. 312-1 du code de justice administrative.

[38] Article R. 411-1 du code de justice administrative.

[39] Articles R. 412-1 et suivants du code de justice administrative.

[40] Article. 411-3 du code de justice administrative.

[41] Article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

[42] CE, avis, 1er mars 1996, Association « Soisy Etiolles Environnement», n°175126.

[43] Article L. 422-2 du code de l’urbanisme.

[44] Article L. 422-7 du code de l’urbanisme.

[45] Article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; voir aussi CE, 11 mars 2009, Commune d’Auvers sur Oise, n° 307656.

[46] Article L. 424-3 du code de l’urbanisme.

[47] Article L. 122-1 du code de l’environnement.

[48]Article Annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

[49] Article L. 422-4 du code de l’urbanisme.

[50] Article R. 423-54 du code de l’urbanisme.

[51] Article L. 123-1 du code de l’environnement.

[52] CE, 23 décembre, 2011, Danthony, n°335033.

[53] CAA Marseille, 23 juin 2014, Métropole Nice Côte d’Azur, n°13MA03130.

[54] Article R. 431-7 du code de l’urbanisme.

[55] Ibid.

[56] Article L. 431-2 du code de l’urbanisme.

[57] Article R.431-27 du code de l’urbanisme.

[58]CAA Nantes, 25 mars 2011, Germain, n°09NT02820 ; CAA Bordeaux, 3 janvier 2012, SCI La Garluche, n°11BX00191.

[59] CAA Bordeaux, 9 décembre 2010, Fort et Mme Gaussen, n°10BX01237.

[60] CE, 14 juin 2004, Commune d’Ecouflant, n°249465.

[61] Article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme.

[62] Article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme.

[63] Articles R. 111-2 à R.111-5 du code de l’urbanisme.

[64] Articles R. 111-16 à R.111-20 du code de l’urbanisme.

[65] Article R. 111-21 à R. 111-24 du code de l’urbanisme.

[66] Article R. 123-4 du code de l’urbanisme.

[67] Article R. 123-6 du code de l’urbanisme.

[68] Articles R. 123-7 et R. 123-8 du code de l’urbanisme.

[69] Article R. 124-3 du code de l’urbanisme.

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